Le 23 octobre, à l’Institut d’Education Motrice (IEM) Paul Dupas du Vent de Bise à Liévin, les enfants du Pôle Enfance ont partagé un atelier peinture animé par l’artiste plasticienne Perrine Lievens. Une matinée pleine de couleurs et de rires, mais aussi une rencontre féconde entre pratiques artistiques et éducatives.
Ce matin-là, la salle de classe de l’IEM Paul Dupas du Vent de Bise n’avait rien d’un espace scolaire ordinaire. Les tables, protégées par des bâches en plastique, étaient devenues des tables à dessins. Au centre, des pots de peinture pastel, rose, violet, bleu, vert, jaune, attendaient d’être ouverts. À côté, des pinceaux de toutes tailles, des cotons-tiges, des bouts de cordes et de tissus promettaient une exploration manuelle.
« Bonjour tout le monde, vous vous souvenez de ce qu’on a fait hier ? » lance Perrine Lievens, artiste plasticienne, intervenant dans le cadre des Plaines Santé. Il s’agit du quatrième ateliers pour les jeunes, et ils semblent en effet se souvenir de la séance de la veille. Peu à peu, les voix s’apaisent. Perrine propose une nouvelle exploration : « Aujourd’hui, on va refaire de la peinture, mais d’une façon différente. » L’enthousiasme est palpable sur le visage des jeunes artistes. Mathis, hilare, compare un pinceau large à une « autoroute ». Lucas se languit de tout son corps en attendant de commencer.
Les jeunes ont protégés leurs vêtements avec un tablier en plastique, ou, pour les plus petits, un sac poubelle resserré à la taille. Emma choisit le violet clair, Paolo et Mathis le rose, Lucas le orange, Thomas un bleu intense. Alex, éducateur, l’aide à manier une corde trempée dans la peinture. Ensemble, ils impriment des gestes et des formes sur le papier. Très vite, le bleu s’invite sur les doigts et le nez de Thomas, puis un pot de vert se renverse dans un éclat de rire collectif.
Dans cette salle aux fenêtres bleu roi et aux murs couverts de posters scolaires, Perrine s’approche de Mia. « Tu te souviens ? On essuie le pinceau. Tu es prête ? On se déplace. Super ! » Ensemble, elles tracent de grands gestes souples. Laurence finit par maquiller les joues de Mathis de peinture, déclenchant les rires de Lise Delaporte, psychomotricienne : « C’est le carnaval de Dunkerque ou Halloween ! »
« L’arrivée d’un artiste permet de faire autrement. Cela bouscule nos habitudes, notre manière de proposer les choses aux enfants.», réagit Laurence Deville, éducatrice spécialisée et en formation d’art-thérapeute, au Service d’Éducation et de Soins Spécialisés à Domicile de L’Association des Paralysés de France (SESSAD). Trois de leurs enfants suivis assistent à l’atelier, aux côté des jeunes de l’IEM.
Derrière les formes et les couleurs : « libérer le geste »
Ce moment de jeu et d’expérimentation est aussi la première étape d’un projet plus large. Pendant cinq demi-journées, les enfants vont créer des fonds colorés, puis utiliser des formes dessinées sur rhodoïd, soigneusement préparées et vernies par l’artiste, pour inventer une narration collective. Ce travail aboutira à la fabrication d’un livre.
« Dans d’autres ateliers, j’ai observé un énorme problème de confiance chez les enfants, donc j’ai cherché à contourner le savoir-faire. Je ne vais pas pouvoir leur faire maîtriser une technique incroyable en cinq ateliers, mais je voulais qu’ils soient dans la joie, dans l’expérimentation, qu’ils découvrent des gestes, des formes, des couleurs, des transparences», explique l’artiste.
Perrine Lievens a déjà mené des ateliers en milieu de soins, notamment à l’hôpital. Cette première expérience lui a donné envie de continuer. Ce qu’elle souhaite avant tout transmettre ici, c’est un lâcher-prise : « En créant les formes sur rhodoïds, j’ai cherché la bonne taille pour des mains d’enfants. Ensuite, j’ai cherché à créer des formes qui puissent avoir plusieurs interprétations, pour laisser une possibilité d’interprétation la plus large possible. » C’est une invitation à « patouiller » ensemble. « Je voulais aussi qu’on puisse ne jamais rater, car il suffit de bouger les éléments pour rééquilibrer le dessin. Tu peux ainsi rapidement apprendre l’équilibre et la composition. » poursuit la plasticienne.
Placer la rencontre au cœur du dispositif
Pour Laurence Deville et Lise Delaporte, cet atelier est aussi l’occasion de bousculer leurs habitudes pédagogiques. « D’habitude, nos ateliers sont rythmés et organisés toujours de la même manière, expliquent-elles. L’arrivée d’un artiste permet de faire autrement, d’apporter un autre regard. »
Elles ont été séduites par le projet de Perrine autour des formes et des couleurs, et par le dispositif Plaines Santé qui favorise ce type de rencontres. « Ce qui est intéressant, c’est aussi la rencontre entre nous, professionnelles, poursuit Lise. Se retrouver ensemble autour d’une table avec les enfants, c’est très riche. » « Cela permet de décloisonner nos 2 structures », renchérit Laurence Deville.
Au-delà des enfants, ces ateliers font aussi dialoguer les structures. Les participants viennent de l’IEM de Liévin et du SESSAD de l’A.P.F, deux entités d’un même Pôle Enfance. «Cela permet aux enfants de se rencontrer entre structures, et à nous, professionnels, de nous connaître davantage, d’échanger nos pratiques, souligne Laurence. On apprend aussi les uns des autres. »
Perrine a aussi adapté ses propositions grâce aux retours de l’équipe éducative et psychomotrice. Les professionnelles, elles, s’inspirent de la liberté de l’artiste. Ensemble, elles tissent un espace commun où la création devient un langage partagé.
« La manière dont les enfants utilisent les formes révèle des personnalités », s’enthousiasme Perrine, avouant une légère frustration à ne pas pouvoir aller plus loin avec chacun d’entre eux. « Mais pour nous, ça nous donne de super indications, renchérit Lise Deleporte. On découvre ainsi que certains jeunes que l’on suit, ou que l’on va être amené à suivre, sont très bons avec l’imaginaire et le narratif. Cela peut être une porte d’entrée pour nous, au quotidien dans notre accompagnement. On peut passer par là pour que la séance soit un partage. Que ce ne soit pas le jeune qui subisse la rééducation, mais que ce soit un vrai moment partagé avec des médiums qui lui parle. »

