En quête d’ailleurs dans les jardins de l’ESAT La Gohelle

Saison : 2024/2025 - Artistes : Compagnie des Vagabondes - Établissements : ESAT de la Gohelle – La Vie Active

Petra, Macha et Douchka ont monté leur campement dans le jardin de l’ESAT La Gohelle. Les trois personnages suivent les traces de leur mère, partie en voyage dix ans plus tôt. Devant un public attentif, les 2 comédiennes racontent l’histoire de ce double périple. Pendant ce temps, Douchka (Oréli Paskal) dessine face au public.

Les artistes de la Compagnie des Vagabondes présentent le design final après leur spectacle. Il a été réalisé par l’artiste Oréli Paskal

« Ce n’est pas qu’un lieu de travail, rappelle à la fin du spectacle  Arnaud Sengier, responsable du conditionnement, l’accès à la culture fait partie de l’accompagnement proposé aux usagers de l’ESAT, c’est important pour créer du lien social et ouvrir les usagers à d’autres centres d’intérêts que le sport par exemple que l’on propose ici tout au long de l’année ».

Clémence, usagère de l’ESAT, a participé à la première rencontre avec les artistes. « On m’a proposé et j’ai accepté, se souvient-elle, j’avais peur que ce soit un peu enfantin, mais en assistant au spectacle aujourd’hui j’ai bien aimé. Je me suis rendue compte que c’était vivant et agréable. Cela nous permet de sortir de notre quotidien. »

Interviews croisées de Stéphanie Constantin, Anaïs Gheeraert, Oréli Paskal de la compagnie des Vagabondes et de Valérie Mayeux, monitrice éducatrice et Aurélie Samain, psychologue à l’ESAT La Gohelle.

Portrait des artistes  Stéphanie Constantin, Anaïs Gheeraert et Oréli Paskal
Portrait de Valérie Mayeux, monitrice éducatrice et Aurélie Samain, psychologue à l’ESAT La Gohelle dans le jardin.

Pourquoi avoir souhaité participer à Plaines Santé pour la première fois ? Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce dispositif ?

Aurélie : Le fait de pouvoir rendre accessible l’art, la culture, à nos usagers. C’est un type de format auquel ils ne sont pas habitués, et pourtant on a senti que ça leur plaisait. L’idée, c’est aussi d’ouvrir à la curiosité, à la découverte des spectacles. Et puis, permettre un petit moment de légèreté dans leur journée de travail, un format qui change un peu.

Valérie : C’est ce que je dis toujours quand je vois le spectacle : c’est notre petite parenthèse. Il y a le travail, bien sûr, mais on leur permet aussi d’avoir des moments de détente, où on laisse de côté la production. On se retrouve dans un contexte différent, sans l’atelier, sans les rôles habituels de collègues. C’est ce que j’ai ressenti aujourd’hui, encore plus que lors des premières représentations d’ailleurs, car là, on était vraiment dans un spectacle. Et puis, je n’étais même pas sur mon lieu de travail.

Qu’est-ce qui a changé par rapport aux autres fois ?

Valérie : Le jardin ! Je suis très attachée à cet espace parce que j’y viens régulièrement. Il y a aussi la présentation, l’organisation… Et puis, peut-être que Stéphanie, Anaïs et Oréli sont de plus en plus à l’aise avec nous, parce qu’elles nous connaissent mieux, elles ne sont plus dans l’inconnu. On s’apprécie, on est contentes de les recevoir, et je pense qu’elles sont contentes de venir. C’est un tout qui fait que c’était un peu particulier aujourd’hui.

Anaïs, Stéphanie, Oréli, vous avez ressenti cette différence aussi ?

Anaïs : Oui ! Il faut dire que depuis le début, on a toujours eu un super accueil ici. On a vraiment beaucoup de plaisir à venir à chaque fois. Ce qui est super avec Aurélie et Valérie, ce sont toutes les petites attentions : aujourd’hui par exemple elles avaient prévu les parasols, les bâches… Et en plus, ça s’accordait avec le décor, c’était magnifique ! Forcément, nous, ça nous met dans des conditions où on a envie de surfer là-dessus, de s’amuser, d’être ensemble.

Je pense que l’intérêt, le but, artistiquement, c’est vraiment de faire ensemble. Partager de l’intime, créer quelque chose avec, et pas être les artistes d’un côté et le public de l’autre. Là, on le ressent autant avec les usagers, les travailleurs, qu’avec le personnel. Il y a une vraie circulation.

Les artistes marchent dans le Jardin de

Pour vous aussi les vagabondes c’était votre première participation à Plaines Santé ? Qu’est-ce qui vous a donné envie ?

Stéphanie : On s’est dit tout de suite que c’était chouette, parce qu’on avait fait plusieurs fois Plaines d’été, un autre dispositif, mais l’idée reste la même : mettre l’art au milieu de la vie quotidienne, pas forcément dans des lieux dédiés comme les théâtres. C’est quelque chose qu’on a déjà beaucoup fait avec la compagnie: des résidences longues, à Ternier, dans le Vexin… On va dans des établissements, des centres sociaux, des EHPAD, des ESAT.

Ce qui était différent ici, c’est qu’on avait vraiment le temps de développer un spectacle, ce qu’on ne fait pas forcément d’habitude. Ce sont plutôt des improvisations préparées. Là, c’était une vraie création. 

On a le temps de se rencontrer. Contrairement à Plaines d’été où les liens sont plus compliqués à créer, ici tout est fluide. Et comme disait Anaïs : plus il y a de liens, plus ça a de sens, et plus on a envie de donner. Dans les deux sens. C’est un cercle vertueux.

Vous parliez d’accueil. C’est quoi, pour vous, bien accueillir des artistes ? Et quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Aurélie : Franchement, j’ai trouvé ça super bien organisé. Le dispositif est assez clé en main : la présentation des compagnies, le choix des artistes, les rencontres facilitées par Marie du BIP. C’est rassurant pour nous. La seule chose qu’on a dû organiser, c’est les lieux, les groupes participants. Mais c’était fluide.

Même pour faire sortir les personnes de leur temps de travail, on a l’habitude. On planifie avec la production, et si c’est fait en amont, c’est possible. On a aussi la chance d’avoir une direction qui soutient ce genre de projet. Ce n’est peut-être pas pareil partout, mais chez nous, on a cette chance. On mène des projets, on présente nos idées, on a de la matière. Bien sûr, ça demande de l’organisation, mais nous sommes soutenus.

Qu’est-ce qui caractérise un bon accueil pour vous en tant qu’artistes ?

Anaïs : Si la direction n’est pas sensible à l’artistique, ça nous demande beaucoup d’énergie, et on profite moins. On perd du temps, et le temps est compté. Le plaisir doit être partagé. C’est pour ça que la première rencontre est importante, pour créer de la confiance et se questionner sur l’intérêt de faire ça.

Les artistes présentent leur spectacle dans le jardin de l’ESAT La Gohelle, en présence du public

Vous avez créé une forme spécialement pour Plaines Santé. Comment avez-vous travaillé ? L’avez-vous fait évoluée ?

Oréli : Au début, c’était pensé comme quelque chose de très interactif, presque un atelier. Et puis petit à petit, c’est devenu une forme théâtrale. Moi, au début, je devais être dans le public pour dessiner, et elles ont fini par me mettre sur scène ! C’était mon petit trauma…[rires] mais ça s’est bien passé.

J’ai toujours essayé de recentrer sur la rencontre, sur l’échange, parce que dans mon travail d’illustratrice, j’ai l’habitude d’échanger avec les publics. Être sur scène, c’est différent : il y a les artistes d’un côté et le public de l’autre. Là, on a cherché un entre-deux. Et le dispositif le permet. On aime toutes les trois faire ça, et on a trouvé une façon de le faire ensemble.

Pourquoi avoir voulu créer une forme spécifique pour Plaine Santé ?

Stéphanie : C’est vrai que c’est un dispositif où on peut proposer une forme déjà existante, mais on a préféré créer. Ce qui était super, c’était de revenir cinq fois dans le même lieu. À chaque fois, on a eu des retours, des incompréhensions, des compréhensions, des échanges. Ça nous a permis de requestionner, d’ajuster, de retravailler la dramaturgie. On a vraiment tissé au fil des interventions.

Anaïs : Et puis on cherche à dire des choses qui nous touchent, à parler de ce qui nous tient à cœur. Il y avait cette idée de voyage, de déplacements simples, de comment mettre en valeur l’urbain ou les lieux quotidiens. Ici, c’est joli, mais parfois on est dans des salles de pause, dans des ateliers… Comment transformer ces espaces, même pour un instant. Les faire redécouvrir autrement.