Impromptus paysagers

Saison : 2024/2025 - Artistes : Chimène Berthe - Établissements : Santélys

Entretien avec Chimène Berthe (designer graphique et artiste visuelle) et Marine Foratier (artiste visuelle)

Dans le cadre de « Plaines Santé », Chimène Berthe et Marine Foratier proposent des interventions courtes, mobiles et sensibles autour du paysage, conçues pour s’adapter aux domiciles des personnes rencontrées. Elles racontent la genèse, le dispositif et l’attention portée aux échanges.

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter et présenter votre pratique ?

Chimène Berthe : Je suis artiste visuelle et designer graphique. J’ai une pratique de commande en design graphique, et une pratique artistique autour du paysage. Je travaille de manière pluridisciplinaire : textile, peinture… J’ai envie d’explorer le vivant, de fabriquer des pigments, du papier, et d’ouvrir ces recherches sur différents supports.

Marine Foratier : Je suis artiste visuelle. Je pratique la gravure et la tempographie. À côté, je mène des missions de médiation et de coordination de projets artistiques et culturels.

Comment avez-vous pensé ces impromptus ?

Chimène Berthe : Ce projet prolonge des recherches menées sur d’autres dispositifs, dont Plaines d’été. L’idée est de travailler le paysage et les souvenirs de paysages. On part de souvenirs de Marine que je traduis visuellement avec des textiles superposés. On joue entre abstraction et figuration pour créer des paysages graphiques dans un espace du quotidien. J’ai fabriqué de petits textiles colorés qui suggèrent des éléments, parfois illustrés, parfois seulement esquissés, pour évoquer des paysages très ouverts : intérieurs, extérieurs, mer, montagne…

Le dispositif a-t-il été conçu spécifiquement pour « Plaines Santé » ?

Chimène Berthe : Oui, à 100 %. Les rencontres se font en tête-à-tête avec des patients, dans des espaces très variables : de grandes pièces ou de petites chambres. Il fallait donc un dispositif modulaire, rapide à monter, mais suffisamment présent pour transformer un peu l’espace de vie. C’est un aparté de 30 minutes à une heure : il faut que ce soit fluide et que ça fonctionne visuellement.

Plaines Santé  Comment s’est formé votre duo ?

Chimène Berthe : Je suis très à l’aise sur le plan visuel, un peu moins dans l’échange humain. J’avais besoin d’un appui pour mettre des mots sur les idées. Marine a écrit tous les textes qui ont servi de base à mes paysages. Elle crée le lien entre les visuels, les patients et leur vécu. On dialogue, on pose des questions, et Marine anime très bien ces échanges.

Marine Foratier : Mon écriture est née de nos discussions. On s’est demandé de quoi se compose un paysage ; on a écrit de manière spontanée en y liant des notions d’atmosphère, de couleurs, d’éléments qui viennent perturber le paysage. Les textes s’appuient sur mes souvenirs d’enfance, ou des souvenirs plus tardifs.

Concrètement, comment se déroule un impromptu ?

Marine Foratier : En arrivant, je discute un peu avec le patient et le soignant pendant que Chimène monte le dispositif. On explique ce qu’on propose et la durée. Puis je lis un « souvenir de paysage », et Chimène l’interprète en direct avec les lais de tissu. Ensuite, nous avons d’autres scénarios : on peut coconstruire un paysage avec la personne, que Chimène interprète sur la structure. Ce moment est plus libre et expérimental.

Cela fait partie du travail de médiation : formuler les bonnes questions, ouvertes ou fermées selon les situations, pour permettre aux personnes d’entrer dans l’échange.

Quelles contraintes avez-vous dû prendre en compte ?

Chimène Berthe : D’abord l’espace : on intervient tantôt dans de grands salons, tantôt dans de petites chambres où le lit médical et les objets occupent déjà beaucoup de place. Il nous fallait un système compact et modulable. Avec la scénographe Nastassia Szymczak, on a conçu un dispositif filaire qui se monte et se démonte en cinq minutes, et qui tient replié dans un volume d’environ 1 m × 20 cm : peu encombrant, mais ample une fois déployé.

Marine Foratier : Autre contrainte : l’état de santé des personnes peut varier d’un jour à l’autre. Nous avons donc imaginé des scénarios de participation gradués. Si la personne n’a pas envie de parler, elle peut simplement écouter ; si elle le souhaite, elle coconstruit avec nous. L’adaptation est constante : chaque rencontre est une expérience unique.

Comment travaillez-vous le consentement et la préparation des rencontres ?

Marine Foratier : L’équipe soignante fait un travail essentiel en amont : elle diffuse l’information sur notre venue et identifie les patients partants. Chimène a réalisé un visuel de présentation qui circule dans les services. Le jour J, on (re)vérifie toujours avec les soignants puis avec la personne que c’est le bon moment, en tenant compte des variations de forme liées à leur situation.

La question du souvenir peut être sensible. Comment l’abordez-vous ?

Chimène Berthe : Nos propositions sont personnelles : on arrive avec nos souvenirs, et on invite la personne à se projeter. Cela peut raviver des choses positives… ou plus délicates. On a donc ajusté nos façons de faire. Plutôt que des questions très ouvertes, on privilégie parfois des questions simples et concrètes, par exemple : « À la plage, vous êtes plutôt sable ou galets ? ». Ces petites entrées, plus légères, ouvrent la discussion et permettent d’aller vers l’intime avec douceur. Souvent, l’impromptu se termine par un moment convivial ,un café, un jus, où l’on s’assoit et on échange à plusieurs. Ce temps de discussion fait pleinement partie de la proposition.

Un dernier mot ?

Chimène Berthe : Au moment du départ, on aime laisser un petit souvenir du « voyage » fait ensemble : une carte postale. Je la réalise en amont ; on y note la date et le lieu. Elle ne représente pas forcément l’endroit où l’on se trouve, mais des éléments de paysage évoqués pendant la rencontre, une montagne, une plage, un détail de couleur… Une manière de matérialiser les échanges.

Propos recueillis dans le cadre du dispositif « Plaines Santé » par Sidonie Hadoux.

Photos: Gabriela Téllez

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