Le collectif La Meute a investi deux weekends consécutifs le Centre de rééducation L’Espoir à Hellemmes dans le cadre du dispositif Plaines Santé. Le temps de six après-midis, les artistes ont invité les patients dans l’univers de leur opéra participatif. La pièce intitulée Furieux, s’inspire de l’histoire du dieu grec Dionysos.
Dimanche 5 septembre 2021, les températures sont estivales. Claire, Sarah, Sylvain et Grégoire s’installent à l’entrée du centre Espoir à Hellemmes, à l’ombre d’un arbre. L’atelier ne va pas tarder à commencer et les premiers patients s’installent avec enthousiasme. La plupart ont suivi les ateliers des jours précédents et semblent conquis.
Les artistes discutent entre eux avant le début de l’atelier. « Je dirais que l’on prend un temps pour s’échauffer la voix, après on part sur le chant d’amour et la guerre », propose Sarah Théry, chanteuse lyrique. « C’est bien de commencer par le sound painting, ça fonctionne toujours bien », renchérit Sylvain Rabourdin, violoniste et un des compositeurs de la pièce. « Très bien, échauffement, prénoms et ensuite guerre et chant d’amour », acquiesce Claire Pasquier, la metteuse en scène. Tout le monde est prêt. Les artistes regagnent leurs chaises. Grégoire, l’ingénieur son, s’installe derrière la sono.
« Merci d’être venus aussi nombreux », remercie Claire avant de présenter le projet pour les nouveaux participants : « Comme son nom l’indique, un opéra participatif nécessite des participants. Et bien aujourd’hui, c’est vous ! »
L’ambiance est rieuse et joyeuse. Une quinzaine de patients sont venus au rendez-vous. Sarah entame l’échauffement en invitant le petit groupe à se masser le nez, les pommettes, les tempes … « Allez, il fait chaud, on est bien, on est entre amis et on se masse les tempes ». Tout le monde rit et l’échauffement se poursuit dans la bonne humeur. Même Sylvain Pistone, le médiateur culturel du centre participe à l’échauffement – tout aussi motivé que ses patients. C’est un peu normal : l’opéra, c’était son idée.
« L’opéra c’est pour tout le monde »
« Mon rôle est de faire le lien entre le monde de la culture et le monde de la santé, explique l’animateur après l’atelier. J’avais très envie de travailler autour de l’opéra, poursuit-il. Depuis que j’ai découvert des mises en scène incroyables à Tourcoing, je suis devenu fan de cet art pourtant pas très populaire. Nous sommes désormais en lien avec L’Atelier Lyrique de Tourcoing pour mener des activités avec les patients. J’ai donc sauté sur l’occasion en découvrant ce que proposait La Meute dans le cadre de Plaines Santé. Travailler la voix me paraît intéressant, surtout avec des personnes aphasiques, cela déclenche une autre forme de communication. »
L’échauffement se poursuit avec le sound painting, un langage gestuel qui permet de créer de véritables « peintures sonores ». Tour à tour, les participants deviennent chefs d’orchestre, et d’un geste, ils commandent un son ensuite entonné par l’ensemble du groupe.
Le chœur est désormais prêt à répéter deux passages de l’opéra : le chant de la guerre et le chant d’amour. La plupart l’ont déjà chanté la veille. « Quel beau chœur » s’exclame Sylvain, le violoniste, à la fin du chant. Pour Claire, la metteuse en scène, les choristes ont fait leurs preuves : « On fait la scène entière de la guerre j’espère que vous êtes prêts ! » Divisés en deux camps, les chanteurs sont prêts. Grégoire lance la musique. C’est parti.
C’est intense. Quelques personnels soignants ont passé leur tête par les fenêtres du centre pour applaudir. « Bon on va faire la paix avant de se quitter quand même ! », propose Claire. Sylvain sort son violon et entame l’introduction du chant d’amour, le moment où Dionysos tombe amoureux après avoir surmonté tant de souffrances. Les yeux sont rivés sur le musicien. Même les roses du jardin semblent saisies par la beauté du moment. Puis, le chœur entame les répétitifs « J’ai essayé », pendant que Sarah emporte le groupe sous sa voix lyrique.
Benjamin est subjugué, « C’est magnifique » dit-il ému en applaudissant à la fin. « C’est trop fort , je voyais cela à la télé et là on voit ça en vrai ». Cet ancien judoka est hospitalisé depuis quatre semaines pour une opération du genoux. Il a participé à tous les ateliers du collectif : « Je voyais les feuilles en haut de l’arbre qui vibraient quand Sarah s’est mis à chanter ». Les autres rient. « On est parti loin » renchérit Estelle.
« La bonne nouvelle c’est que l’on se revoit la semaine prochaine », lance Claire. « Vous voyez que l’opéra est pour le monde », dit Sylvain Pistone, le médiateur culturel, fier du succès de l’atelier.
Véronique, elle, a découvert « un opéra moderne » qui l’a mis de bonne humeur. Pour Gérard, l’atelier lui a permis de passer un bon moment avec son épouse venue lui rendre visite. « C’est la deuxième fois que je chante dans ma vie, précise-t-il, la première fois c’était lors d’un karaoké au camping ».
« C’est vraiment prenant, confie Jacques, en pleine discussion avec Sarah, la chanteuse. J’ai plutôt une culture rock, et je ne chante jamais ailleurs que dans ma salle de bain, mais là c’était très bien. On est vraiment bien ici, On a l’habitude de faire des choses ensemble, c’est énorme. » Ce que ne contredira pas Véronique, les larmes aux yeux : « Ici, on est tous pareil, on se comprend, on est une vrai famille ».
Une chose est sûre, « y’a un truc qui vibre ici, c’est fort », acquiesce Claire. Et au vu de l’énergie de son médiateur culturel, et des patients, le Centre Espoir à Hellemmes n’est pas prêt de s’arrêter de vibrer.