A l’EPSMD de l’Aisne, on chante et on danse des poèmes.

Saison : 2022/2023 - Artistes : Cie N/KG – Gravitas Artis - Établissements : EPSMD de l’Aisne

Lundi 24 juillet 2023, nous avons suivi la compagnie N/KG – Gravitas Artis à l’Établissement Public de Santé Mentale Départemental (EPSMD) de l’Aisne situé à Prémontré. Emily Regen, danseuse, chorégraphe et fondatrice de la compagnie, accompagnée d’Elodie et Stéphane, danseuse et danseur, ont proposé un moment tout en douceur et poésie aux patientes et patients du service de psycho-gériatrie. 

« Il chante et danse des poèmes » murmure Emily en tenant une cocotte en papier dans ses mains, regard vers le public.  Elodie allume la musique et commence à marcher tranquillement au loin. Stéphane est debout, dos aux vitres. Emily attrape la cocotte. Un étrange duo commence avec la danseuse et sa grue de papier.

Pendant une heure, les trois danseurs se meuvent tout en délicatesse et avec poésie sous le regard médusé des patientes et patients. « Moi. J’adore la danse. La danse c’est ma vie. Je suis acteur de cinéma, réagit Roger, 84 ans. Ce que vous avez fait là, c’est digne d’une scène parisienne. »

Souvent, la magie opère là où on ne l’attend pas : un patient termine le poème à haute voix, une dame se lève pour aller danser avec les artistes. L’espace est ouvert : le public est libre d’y entrer, d’interagir, de participer.

INTERVIEW, Emily Regen, chorégraphe et créatrice de la compagnie N/KG – Gravitas Artis

Emily, peux-tu présenter la compagnie ?

La compagnie s’appelle N/KG – Gravitas Artis. N/KG est le symbole universel de la Gravité terrestre. Je l’ai appelée comme cela car nous travaillons sur le poids des choses. C’est la thématique du projet. J’aime trouver des points de connexion entre la danse et le soin. Je suis chorégraphe, mais je pratique aussi le soin énergétique à côté. C’est important pour moi de lier les deux.

Pourquoi avez-vous postulé à Plaines Santé ?

Je cherchais des appels à projets qui s’inscrivaient dans des lieux de soins, ou des lieux avec un public empêché. Je crois qu’aujourd’hui on ne peut plus se limiter aux théâtres. Il y a quelque chose à creuser en tant qu’artiste, aller plus au contact des gens. Je voulais vraiment inscrire le travail de la compagnie, créé il y a un an pour cela, au sein des hôpitaux. Alors quand j’ai lu l’appel à projets de Plaines Santé, j’ai aimé. J’ai aussi découvert la profusion d’artistes qui y participait et je me suis dit que j’aimerais y inclure mon travail.

Est-ce que tu continues de créer pour les lieux dédiés (théâtre, etc.) ou est-ce que tu ne produis plus que des pièces pour les lieux de soin ?

Il est vrai qu’avec la Cie N/KG je cible plutôt les lieux de soin mais j’aime aussi l’idée de continuer à produire des pièces pour les théâtres. On peut par exemple adapter au théâtre une pièce créée pour le milieu hospitalier. On peut essayer de toucher tout le monde avec une pièce autour des gestes du soin. Je pense que l’on peut s’adapter à plusieurs lieux, ou combiner les deux.

Qu’avez-vous proposé pour Plaines Santé 2023 ?

La pièce s’appelle Souffle Monde. C’est un spectacle complet qui dure une heure mais qui est découpé en petits tableaux. La pièce est racontée par un oiseau qui prend la forme d’une cocotte en papier et qui se promène à travers des poèmes. Il y a de l’écoute, du contact, de la danse contemporaine, du poids et des déséquilibres. Il y a aussi un peu de contact avec le public à travers les regards, des jeux avec des ballons de baudruche. Du contact aussi par le simple fait que nous soyons souvent dans des lieux très petits, et des lieux qui leur sont personnels, intimes. Cela nous demande de prendre un temps à chaque fois pour nous installer, pour prendre place, nous adapter.

Justement, est-ce difficile de prendre place ? Comment procédez-vous ?

Nous créons une sorte de petit bord plateau avec des chaises. On laisse néanmoins la possibilité aux personnes de circuler. Il n’y a pas d’obligation de regarder. Ils et elles peuvent aussi prendre la parole. Il y a un monsieur par exemple qui a terminé le poème que j’étais en train de dire. Il le connaissait ! Il l’a prononcé avec une telle lumière dans ses yeux : c’était magnifique. Après le spectacle, nous organisons toujours un temps d’échanges avec le public afin qu’ils et elles puissent nous partager leurs émotions, leurs ressentis.

Pour le moment, quels sont tes ressentis vis-à-vis de la réception de la pièce ?

Il y a beaucoup de personnes qui aiment la danse où qui dansaient avant. Elles nous racontent qu’elles aimaient danser le rock, ou qu’elles ont appris la danse classique. Pour le moment, nous sommes intervenus deux demi-journées en psychogériatrie avec des personnes qui ne peuvent pas beaucoup bouger. Mais, hier, une dame est venue rejoindre les danseurs. C’était très émouvant. C’était un moment du spectacle où le danseur [Stéphane] est assis sur une chaise et il est triste. Alors, nous venons le consoler en lui mettant des fleurs dans les cheveux, et là, une dame s’est levée et a voulu consoler le danseur à son tour. Elle l’a coiffé. Elle faisait partie de la pièce. C’était magique. Pour la suite, nous irons dans des services où les personnes sont plus mobiles et nous avons prévu des temps d’ateliers autour de pliages d’origamis. J’ai commencé à plier plein d’autres oiseaux pour avoir des objets transitionnels, qui permettent de créer un contact avec les personnes, de leur rappeler des souvenirs d’enfance. Nous sommes tous et toutes touchées par les cocottes en papier. Je me suis inspirée d’un conte japonais, la légende des mille grues, qui raconte que si l’on plie mille grues en papier dans une année, on peut voir son vœu de santé s’exaucer.