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2022/2023

La fée Linotte ouvre des portes au Centre Hospitalier de Saint-Quentin

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Mardi 3 octobre 2023, la comédienne-marionnettiste Fanchon Guillevic, compagnonne du Tas de Sable – Ches Panses Vertes, Centre National de la Marionnette, était au Centre Hospitalier de Saint-Quentin pour présenter l’impromptu A tire d’ailes pour les jeunes patients du service de pédiatrie.

Barbara entre dans la pièce où Fanchon se maquille. « Tu es prête ? demande gentiment la monitrice-éducatrice à sa complice du jour. Je vais voir si Chloé est disponible. » Chloé est une des adolescentes hospitalisées dans le service pédiatrique de l’hôpital. Sa maman est là en ce début d’après-midi, et c’est dans sa chambre que Fanchon, artiste marionnettiste, va jouer la première représentation de l’après-midi.

Pendant que Barbara prépare le terrain, Fanchon termine de recouvrir son visage d’un jaune métallisé. Face à l’évier, elle nous raconte comment se sont passées les représentations précédentes dans les autres services du centre hospitalier. Fanchon en est à sa troisième semaine d’intervention. Elle a joué pour différents services : les résidentes de deux EPHAD, les patients du service d’Oncologie-Hématologie et les enfants hospitalisés du service de pédiatrie. La petite forme scénique qu’elle présente a été spécialement pensée pour être jouée en milieu de soin, en chambre, au chevet des personnes empêchées.

Ce jour-là, en pédiatrie, Fanchon se présente dans 4 chambres. « Elle a du mérite !, commente Barbara Odelot, monitrice-éducatrice. Le fait de s’adapter à différents services n’est pas facile. Les personnes sont différentes. Elles n’ont pas forcément les mêmes attentes, explique-t-elle. Il faut trouver sa place quand on intervient. On entre dans une dynamique particulière à chaque fois. En pédiatrie, il faut être attentive au moindre regard, réflexion, parole. »

Pour Fanchon : « ce qui m’aide c’est d’être solide dans ma proposition, explique l’artiste, je sais que j’ai créé ce spectacle pour les adultes, en milieu de soin. Et je savais qu’il était facilement adaptable pour les ados. L’inverse aurait été plus compliqué. »

Un spectacle en toute intimité

Barbara vient d’aller demander à Chloé, de regagner sa chambre. Fanchon est prête. Elle sort de la salle d’atelier en poussant son castelet. Elle allume la musique et se dirige tout doucement dans le couloir où se trouve la chambre de Chloé. Assises sur le lit du fond, contre la fenêtre, l’adolescente et sa maman attendent le début de la représentation dans le noir. Fanchon entre avec ses sept portes. Elle referme délicatement celle de la chambre derrière elle. Le spectacle se fait en toute intimité, rien que pour Chloé et sa maman.

Barbara, ravie, occupe les autres adolescents autour d’un jeu de société. Elle va bientôt fermer les volets de la deuxième chambre où Fanchon se produira juste après.

« Nous, le personnel de l’hôpital, nous avons un regard professionnel avec des objectifs bien déterminés en fonction des patients. Les artistes quant à eux, apportent un regard neuf. C’est une autre dimension, explique l’éducatrice. Nous, on reste dans le côté médical : quand je les prends en ateliers, même si on est dans une pièce en dehors du service, l’objectif final c’est que l’enfant puisse adhérer aux soins et à la prise en charge psychologique. Les artistes amènent tout à fait autre chose. C’est pour cela que j’aime travailler sur ces projets-là. », confie Barbara.

INTERVIEW / Fanchon, de la poésie « à tire d’ailes »

Quel est l’origine de ton projet A tire d’ailes ?

Cette histoire démarre il y a quelques années. Ce projet est issu de mon double cursus comédienne-marionnettiste et art-thérapeute. Je n’ai jamais exercé en tant qu’art thérapeute mais j’ai gardé des souvenirs forts de mes passages dans les structures pendant mes stages. Et j’ai souhaité y revenir mais en tant qu’artiste.

Quand j’étais en master d’art-thérapie, j’ai conduit une recherche sur le castelet [petit théâtre de marionnettes] adaptable en milieu de soin.  Je voyais la pertinence d’aller au chevet des personnes. J’ai ensuite créé la petite forme A tire d’ailes, qui s’avère être une forme courte, en individuel, au chevet des personnes pour les publics empêchés au départ. Je voulais amener une forme artistique complète, un spectacle, en chambre.

Dès le départ, je voulais proposer une manière de s’évader. Je définis ce spectacle en « spectacle-soin », en tout cas moi c’est la dimension que j’y mets. J’ai pensé l’impact de soin au-delà du geste artistique. Et cela est dû à mon parcours de soignante.

Peux-tu nous présenter le personnage principal Linotte ?

Bien sûr ! Linotte est une fée, mère d’un univers. Elle a une grande robe brune, avec des grandes poches où elles cachent des choses. Elles se promènent toujours avec 7 portes. Elle vient ici pour passer un instant avec les patients. Derrière ses 7 portes, il y a 7 univers…

Comment te sers-tu de ces portes dans le spectacle ?

L’idée des portes m’est venue lors d’une résidence de création. Il s’agissait d’une semaine de recherche sur comment amener le spectacle en lieux fermés. Pour ce spectacle, j’installe les portes en chambre et autour du lit. Pendant la représentation, je fais la proposition d’ouvrir les portes. A chaque ouverture, nous faisons un voyage poétique dans un univers grâce à des lectures de Haïkus et du jeu. C’est précieux pour moi de pouvoir faire entendre de la poésie, et de la poésie qui me touche particulièrement.  Dans ce voyage, il y a aussi des images, de la manipulation d’objets et de lumières. Il y a aussi une marionnette et des silhouettes.

Pour te produire au chevet, tu utilises un castelet. Comment as-tu élaboré cet outil ?

Comme je disais précédemment, j’ai travaillé sur le castelet adaptable en milieu de soin pendant mes études. Mais je ne l’ai pas construit moi-même. Je ne voulais pas. J’ai convoqué Lucas Prieux pour m’aider à construire ce que j’avais dessiné : penser le chariot, le construire, réaliser les mécanismes.

Ensuite, Vincent Lengaine, ami et réalisateur-son a créé la bande son du spectacle. Je voulais vraiment offrir tous les éléments d’un spectacle jusqu’au son et les lumières.

Tout cela a été conçu sur-mesure pour s’adapter aux chambres d’hôpitaux. J’ai quand même dû m’adapter parfois car toutes les chambres n’ont pas un format standard, en EPHAD notamment. Les chambres étaient plus petites qu’à l’hôpital du coup je ne pouvais pas rentrer avec mon chariot. On a donc installé la scénographie ailleurs et ce sont les résidents et résidentes qui sont venus à moi, individuellement. Et cela a fonctionné aussi.

En milieu hospitalier, il faut savoir s’adapter comme disait Barbara Odelot, l’éducatrice avec qui tu as travaillé dans le service pédiatrie. De manière générale, que retiens-tu de ta collaboration avec le personnel ?

Alors, déjà j’étais ferme sur ma proposition : il s’agit d’une forme en chambre, au chevet. Je ne voulais pas renoncer à ça. J’ai proposé de rencontrer les équipes en amont pour leur présenter le projet.  J’ai eu le soutien précieux de la cadre. On a fait une réunion avec le Directeur et les autres cadres et ensuite on a géré par mail avec les équipes. J’ai donné en amont les dates où je venais. Je voulais des semaines entières pour être bien concentrée. Ensuite, j’ai surtout travaillé avec les éducatrices qui font le relais entre les patients, les résidents et moi. C’est tellement particulier d’intervenir en chambre. Je veux que le spectacle leur soit proposé mais absolument pas imposé. Et ce sont elles les interlocutrices identifiées au quotidien. Si besoin, s’il y a un peu de réticence, je viens en chambre pour me présenter. Souvent les animatrices ou éducatrices sont complices. Elles vont en chambre, elles ferment les volets, elles préparent la chambre à ma venue. Ce travail de collaboration avec les équipes est primordial et précieux.

De la « danse tout terrain » avec la compagnie Frichti Concept 

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Mardi 20 juin 2023, la compagnie Frichti Concept intervenait dans les EHPADs Saint-Vincent de Paul à Nogent-sur-Oise (60) et Les Marais à Margny-lès-Compiègne (60) pour une journée de virgules chorégraphiques dans le cadre du dispositif Plaines Santé.

Il est 10h00 passées quand Brendan Le Delliou, danseur et chorégraphe, et Virgine Avot, danseuse, membres de la compagnie Frichti arrivent dans le hall de l’EHPAD Saint-Vincent de Paul à Nogent-sur-Oise. L’impromptu artistique va bientôt commencer. Les artistes ont quelques minutes pour se changer et boire un café avant de rejoindre une première salle au rez-de-chaussée de l’établissement où des habitantes et habitants finissent de prendre leur petit déjeuner dans le calme. Les artistes déambulent entre les tables et les chaises sous le regard parfois médusé des habitants. Ensuite, rendez-vous à l’étage, où un autre groupe de résidentes les attendent. Là, la magie opère rapidement quand une des résidentes se lèvent pour rejoindre Virginie et danser avec elle !

Après ce grand moment d’émotions, la compagnie reprend la route direction la maison de retraite Les Marais à Margny-lès-Compiègne. Là encore, quelques résidents se lèvent pour danser…

La Malagua fait danser les mots et les corps à l’EPHAD

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Mercredi 21 juin 2023, la compagnie La Malagua a passé une journée aux côtés des résidents de l’EPHAD Alphonse Daudet dans le quartier de Moulins à Lille (59). Entre rencontres chantées, partage de souvenirs et mise en mouvements, la journée fut riche d’émotions.

Scheherazade Zambrano et Alejandro Russo interviennent dans les EPHADS lillois dans le cadre du dispositif Plaines Santé. Ce jour-là, les deux danseur.se.s investissent la résidence Alphonse Daudet, dans le quartier de Moulins. La structure accueille une trentaine de résident.e.s. Durant la matinée, les deux artistes en rencontrent quelqu’un.e.s. Ensemble, ils et elles chantent et se remémorent des souvenirs. Après le déjeuner, les participant.e.s de la matinée attendent avec fidélité leurs compagnons d’un jour dans la salle polyvalente.

Pendant ce temps, à l’étage, Alejandro s’occupe du montage son : il crée une composition à partir des paroles recueillies et des chansons choisies par les habitant.e.s. Scheherazade s’échauffe. Ensemble, il et elle créent une chorégraphie inspirée de tous les éléments de la rencontre.

Vers 15h00, le public s’impatiente. Les deux chorégraphes les rejoignent. Scheherazade initie un échauffement collectif de la voix. Puis, Alejandro déclenche la musique. C’est parti pour un cadeau chorégraphique d’une dizaine de minutes.

A l’EPSMD de l’Aisne, on chante et on danse des poèmes.

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Lundi 24 juillet 2023, nous avons suivi la compagnie N/KG – Gravitas Artis à l’Établissement Public de Santé Mentale Départemental (EPSMD) de l’Aisne situé à Prémontré. Emily Regen, danseuse, chorégraphe et fondatrice de la compagnie, accompagnée d’Elodie et Stéphane, danseuse et danseur, ont proposé un moment tout en douceur et poésie aux patientes et patients du service de psycho-gériatrie. 

« Il chante et danse des poèmes » murmure Emily en tenant une cocotte en papier dans ses mains, regard vers le public.  Elodie allume la musique et commence à marcher tranquillement au loin. Stéphane est debout, dos aux vitres. Emily attrape la cocotte. Un étrange duo commence avec la danseuse et sa grue de papier.

Pendant une heure, les trois danseurs se meuvent tout en délicatesse et avec poésie sous le regard médusé des patientes et patients. « Moi. J’adore la danse. La danse c’est ma vie. Je suis acteur de cinéma, réagit Roger, 84 ans. Ce que vous avez fait là, c’est digne d’une scène parisienne. »

Souvent, la magie opère là où on ne l’attend pas : un patient termine le poème à haute voix, une dame se lève pour aller danser avec les artistes. L’espace est ouvert : le public est libre d’y entrer, d’interagir, de participer.

INTERVIEW, Emily Regen, chorégraphe et créatrice de la compagnie N/KG – Gravitas Artis

Emily, peux-tu présenter la compagnie ?

La compagnie s’appelle N/KG – Gravitas Artis. N/KG est le symbole universel de la Gravité terrestre. Je l’ai appelée comme cela car nous travaillons sur le poids des choses. C’est la thématique du projet. J’aime trouver des points de connexion entre la danse et le soin. Je suis chorégraphe, mais je pratique aussi le soin énergétique à côté. C’est important pour moi de lier les deux.

Pourquoi avez-vous postulé à Plaines Santé ?

Je cherchais des appels à projets qui s’inscrivaient dans des lieux de soins, ou des lieux avec un public empêché. Je crois qu’aujourd’hui on ne peut plus se limiter aux théâtres. Il y a quelque chose à creuser en tant qu’artiste, aller plus au contact des gens. Je voulais vraiment inscrire le travail de la compagnie, créé il y a un an pour cela, au sein des hôpitaux. Alors quand j’ai lu l’appel à projets de Plaines Santé, j’ai aimé. J’ai aussi découvert la profusion d’artistes qui y participait et je me suis dit que j’aimerais y inclure mon travail.

Est-ce que tu continues de créer pour les lieux dédiés (théâtre, etc.) ou est-ce que tu ne produis plus que des pièces pour les lieux de soin ?

Il est vrai qu’avec la Cie N/KG je cible plutôt les lieux de soin mais j’aime aussi l’idée de continuer à produire des pièces pour les théâtres. On peut par exemple adapter au théâtre une pièce créée pour le milieu hospitalier. On peut essayer de toucher tout le monde avec une pièce autour des gestes du soin. Je pense que l’on peut s’adapter à plusieurs lieux, ou combiner les deux.

Qu’avez-vous proposé pour Plaines Santé 2023 ?

La pièce s’appelle Souffle Monde. C’est un spectacle complet qui dure une heure mais qui est découpé en petits tableaux. La pièce est racontée par un oiseau qui prend la forme d’une cocotte en papier et qui se promène à travers des poèmes. Il y a de l’écoute, du contact, de la danse contemporaine, du poids et des déséquilibres. Il y a aussi un peu de contact avec le public à travers les regards, des jeux avec des ballons de baudruche. Du contact aussi par le simple fait que nous soyons souvent dans des lieux très petits, et des lieux qui leur sont personnels, intimes. Cela nous demande de prendre un temps à chaque fois pour nous installer, pour prendre place, nous adapter.

Justement, est-ce difficile de prendre place ? Comment procédez-vous ?

Nous créons une sorte de petit bord plateau avec des chaises. On laisse néanmoins la possibilité aux personnes de circuler. Il n’y a pas d’obligation de regarder. Ils et elles peuvent aussi prendre la parole. Il y a un monsieur par exemple qui a terminé le poème que j’étais en train de dire. Il le connaissait ! Il l’a prononcé avec une telle lumière dans ses yeux : c’était magnifique. Après le spectacle, nous organisons toujours un temps d’échanges avec le public afin qu’ils et elles puissent nous partager leurs émotions, leurs ressentis.

Pour le moment, quels sont tes ressentis vis-à-vis de la réception de la pièce ?

Il y a beaucoup de personnes qui aiment la danse où qui dansaient avant. Elles nous racontent qu’elles aimaient danser le rock, ou qu’elles ont appris la danse classique. Pour le moment, nous sommes intervenus deux demi-journées en psychogériatrie avec des personnes qui ne peuvent pas beaucoup bouger. Mais, hier, une dame est venue rejoindre les danseurs. C’était très émouvant. C’était un moment du spectacle où le danseur [Stéphane] est assis sur une chaise et il est triste. Alors, nous venons le consoler en lui mettant des fleurs dans les cheveux, et là, une dame s’est levée et a voulu consoler le danseur à son tour. Elle l’a coiffé. Elle faisait partie de la pièce. C’était magique. Pour la suite, nous irons dans des services où les personnes sont plus mobiles et nous avons prévu des temps d’ateliers autour de pliages d’origamis. J’ai commencé à plier plein d’autres oiseaux pour avoir des objets transitionnels, qui permettent de créer un contact avec les personnes, de leur rappeler des souvenirs d’enfance. Nous sommes tous et toutes touchées par les cocottes en papier. Je me suis inspirée d’un conte japonais, la légende des mille grues, qui raconte que si l’on plie mille grues en papier dans une année, on peut voir son vœu de santé s’exaucer.

Trouver refuge … avec le Collectif Errances

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Le Collectif Errances a posé ses valises le temps d’une semaine à la clinique Lautréamont à Loos (59) à côté de Lille dans le cadre du dispositif Plaines Santé. Lectures musicales et ateliers d’écritures créatives ont rythmé la semaine, jusqu’au vendredi où le collectif a présenté sa dernière création, Peupl.é.e.s, une « lecture musique sur puzzle-paysage ».

« Cela fait longtemps que je n’ai pas joué aussi tôt », lance Mélody Blocquel, metteuse en scène et interprète, fondatrice du collectif Errances. Assise sur le puzzle installé au milieu de la pièce, Mélody s’étire. Sarah Baraka, interprète, et Thomas Jankowski, musicien, patientent également, l’air détendu et concentré. Au fond de la salle, Madeline Wood, la scénographe est assise. C’est elle qui a réalisé le puzzle géant sur lequel vont déambuler les artistes. Les spectateurs et spectatrices seront invitées à s’asseoir sur les parties recouvertes de moquette, au sein même de l’installation. C’est une invitation à la balade, une immersion dans un paysage imaginaire, ou réel, au gré des envies et de la réception de chacun et chacune.

Les jours précédents, les artistes ont proposé des ateliers d’écriture autour de la thématique. « C’était très agréable », explique Patricia, une des participantes. Ecoutez-là :

Patricia explique ce qu’elle a fait durant les ateliers d’écriture 

« Ce que j’aime, ce sont les débuts de marche … »

 Il est 10h passées, la porte de la salle s’ouvre. Les trois artistes prennent place au milieu du puzzle pendant que les jeunes spectateurs et spectatrices s’installent tout autour. Thomas gratte les premières notes sur sa guitare. Mélody est assise, Sarah allongée, ses yeux ouverts regardent le plafond. La balade peut commencer, rythmée par les mots du texte écrit par Mélody. Les trois interprètes nous emmènent dans un lieu tenu secret, un chemin de bord de mer bordé de tamaris, avec vue sur une île. Libre à nous d’imaginer notre propre lieu refuge. 

Patricia, spectatrice, nous partage ses ressentis après le spectacle

 

L’auditoire écoute, les visages sont détendus. Le puzzle retourné laisse apparaître des couleurs et des formes abstraites, douces et poétiques. Les personnes présentes ont accepté l’invitation : chacun et chacune semble revenir d’une promenade intérieure.

INTERVIEWS CROISÉES : LES ARTISTES, Mélody Blocquel, Sarah Baraka, Thomas Jankowski

Quels sont vos ressentis juste après la performance ? Comment avez-vous vécu le moment ?

Mélody : Je dirais que cela m’a aidé de voir des têtes connues. Nous avions rencontré ces personnes durant la semaine : nous avons partagé un ou plusieurs ateliers, nous les avons croisés dans les couloirs, on a partagé un repas. Je pense que cela a porté le spectacle. 

Sarah : Je suis d’accord. Voir des visages connus ; avoir traversé des choses avec certaines personnes, cela m’a aidé aussi. C’était comme avoir déjà un endroit commun. J’ai senti néanmoins que je mettais beaucoup d’énergie pour provoquer des réactions (rires). 

Mélody : Le spectacle était prévu à la fin d’une semaine d’ateliers et de rencontres avec les patients et patientes. Lundi j’ai joué un autre spectacle, puis nous avons fait une lecture musicale de Peuplé.e.s. À ce moment-là, on ne les connaissait pas. J’ai senti une différence. Ensuite, lors des ateliers, nous donnions et nous recevions aussi beaucoup. C’était un partage. Alors qu’aujourd’hui, c’était nous qui donnions quelque chose. Mais c’était très émouvant de leur partager ce qu’on leur a raconté cette semaine.

Sarah : Il y avait quelque chose de familier. Je me sentais plus à l’aise en fin de semaine. Lundi, on débarquait, on arrivait de l’extérieur, et on devait prendre place. Là, nous étions davantage posés.

Était-ce la première fois que le Collectif Errances intervenait en milieu hospitalier ?

Mélody : C’est tout récent. On a eu un premier projet il y a 2 semaines à l’EPSM de l’agglomération lilloise, à côté de Lille. Mais un projet comme celui-ci avec autant de rencontres, c’était la première fois, pour moi, et pour le Collectif Errances. 

Qu’est-ce que vous êtes venus chercher dans le cadre du dispositif Plaines Santé ?

Mélody : Le projet Peuplé.e.s a été pensé pour les lieux non dédiés au spectacle vivant. L’idée est d’aller vers les publics, de parler d’un lieu dans un autre lieu et pas dans une boîte noire de salle de spectacle. Dans le cadre de Plaines Santé, nous ne voulions pas uniquement proposer un spectacle mais nous souhaitions y aller petit à petit : partager du texte, de la musique, rendre accessible l’écriture poétique à travers les ateliers. Je voulais que les jeunes aillent chercher dans leurs imaginaires. Nous nous sommes vite rendus compte que ces jeunes avaient l’habitude de passer par l’écriture pour s’exprimer. Il n’y avait pas de blocages sur l’écrit alors nous sommes allés jusqu’au travail de l’oralité. Nous voulions croiser les voix, créer quelque chose de commun.

Thomas : Personnellement, je viens chercher du partage avant tout. Cela peut passer par l’énergie, de la musique, de l’attention. J’ai ressenti beaucoup d’attention cette semaine, une belle attention. 

Est-ce que le spectacle a été écrit avec l’objectif de parler à des jeunes hospitalisés, en situation de soin ?

Mélody : Non. J’avais à l’origine l’envie de partager mon expérience, d’être dans un récit optimiste et vivant. Mais il est vrai que plus on avançait dans la création et plus on se disait que cela faisait vraiment sens de venir ici. Et puis en étant ici, on s’est rendu compte que c’était évident, que ça faisait écho aux jeunes. On en a parlé avec certains mercredi, il y a eu beaucoup de textes de leur part sur des souvenirs de vacances. Pour eux, l’enfance n’est pas très loin : le lieu de vacances est souvent un endroit agréable, qui leur fait du bien. 

INTERVIEWS CROISEES : LES SOIGNANTES, Anne et Emilia, infirmières en hôpital de jour

Pouvez-vous présenter brièvement la structure ?

Emilia : On accueille des jeunes de 13 à 25 ans quelques jours dans la semaine en hôpital de jour. Durant les journées où les jeunes sont là, on leur propose des ateliers animés par des intervenants professionnels. 

Quels sont vos ressentis juste après avoir assisté à la représentation du Collectif Errances ?

Anne : Une vraie découverte pour moi ! Je ne savais pas ce qu’était un spectacle vivant. J’étais très étonnée par l’aspect immersif. Il m’a fallu un temps d’adaptation et après j’ai lâché prise et je me suis laissée aller. On a l’habitude des salles de spectacle où on est dans le noir, or là on était autant dans la lumière que les artistes. Il et elles nous ont inclus dans leur spectacle et il m’a fallu accepter de prendre place… de trouver ma place.

Emilia : Pour ma part j’ai fait plusieurs ateliers avec elles durant la semaine et j’ai compris le lien entre les activités d’écriture et le spectacle. Quand j’ai entendu les phrases qu’on avait utilisées dans les ateliers, j’ai compris. C’était intéressant d’être inclus dans le spectacle.

D’un point de vue de soignante, en quoi ce genre de dispositifs est intéressant pour les jeunes que vous accueillez ?

Emilia : La découverte de l’inconnu, et qu’ils puissent profiter de nouvelles expériences !

Anne : Cela les invite à s’ouvrir, à s’éveiller, à se laisser surprendre. On a eu des retours très positifs.

Est-ce que c’est la première fois que la structure accueille des artistes sur une semaine ?

Emilia : Il y a quelques années, nous avions accueilli une compagnie de clowns sur une semaine également.

Vous avez assisté au spectacle comme les patients, est-ce que le fait d’être tous et toutes spectatrices et spectateurs, à égalité entre patients et soignants est quelque chose de nouveau pour vous ?

Anne : Lors des activités, les patients et les soignants sont toujours positionnés de la même manière. On vit l’expérience avec eux, avec elles, à égalité. Ce n’est pas nouveau. C’était naturel. 

Dans Peuplé.e.s, il y a plein de mots issus du champ lexical du soin : « se réparer », « renaître », « respirer », « souffler ». Avez-vous pensé que le texte était plutôt approprié au public ?

Oui, les retours sont positifs. Les jeunes nous ont dit qu’ils auraient bien aimé connaître le thème au départ, mais finalement, au fur et à mesure du spectacle, ils ont constitué leur propre monde. Et c’est ce qui s’est produit sur moi aujourd’hui : j’ai lâché prise et cela m’a apaisé. Et je me demande si cela leur a fait la même chose, un apaisement vis-à-vis de leurs problématiques.

Emilia : Oui, j’ai vu des visages qui se sont détendus au fur et à mesure du spectacle. Je pense que la proposition les a détendus. Je pense que l’on pourra s’inspirer de cette expérience pour proposer de nouvelles choses dans le futur à nos patients. 

 
 
 

Le Collectif Errances a posé ses valises le temps d’une semaine à la clinique Lautréamont à Loos (59) à côté de Lille dans le cadre du dispositif Plaines Santé. Lectures musicales et ateliers d’écritures créatives ont rythmé la semaine, jusqu’au vendredi où le collectif a présenté sa dernière création, Peupl.é.e.s, une « lecture musique sur puzzle-paysage ».

« Cela fait longtemps que je n’ai pas joué aussi tôt », lance Mélody Blocquel, metteuse en scène et interprète, fondatrice du collectif Errances. Assise sur le puzzle installé au milieu de la pièce, Mélody s’étire. Sarah Baraka, interprète, et Thomas Jankowski, musicien, patientent également, l’air détendu et concentré. Au fond de la salle, Madeline Wood, la scénographe est assise. C’est elle qui a réalisé le puzzle géant sur lequel vont déambuler les artistes. Les spectateurs et spectatrices seront invitées à s’asseoir sur les parties recouvertes de moquette, au sein même de l’installation. C’est une invitation à la balade, une immersion dans un paysage imaginaire, ou réel, au gré des envies et de la réception de chacun et chacune.

Les jours précédents, les artistes ont proposé des ateliers d’écriture autour de la thématique. « C’était très agréable », explique Patricia, une des participantes. Ecoutez-là :

Patricia explique ce qu’elle a fait durant les ateliers d’écriture

Le temps des cerises à l’EHPAD Le Château d’Antilly

By | 2022/2023

Lundi 19 juin 2023, la compagnie audomaroise Les Lunaisiens se produisait pour la troisième fois à l’EHPAD du Château à Antilly (02) dans le cadre de ses impromptus pour Plaines Santé. 

La bâtisse en impose dès le portail d’entrée. L’EHPAD Le Château porte bien son nom, situé à Antilly, l’établissement accueille 80 résidents et résidentes, une équipe de 40 soignants et deux chiens. À l’étage, sur les tables de l’espace cuisine, deux habitants parcourent un album photo : « Vous connaissez la Dordogne ? », demande Michel en désignant les images proprement plastifiées dans son album. Il s’agit de photographies d’un château, encore un …

Le ton est donné. Une heure plus tard, Arnaud Marzorati et Mélanie Flahaut de la compagnie Les Lunaisiens entament une chanson qui chante les louanges d’Henri IV. Ce jour-là, les deux artistes proposent la (re)découverte d’un répertoire ancien, baroque, avec des chants et musiques de la Renaissance. A chaque impromptu proposé, c’est le même rituel : Arnaud Marzorati, directeur artistique de la compagnie et chanteur, vient accompagné d’un musicien ou d’une musicienne qui présente un instrument à l’auditoire, qui plus est un instrument peu connu… Mélanie Flahaut est venue avec son basson, un instrument de la famille des hautbois. « Un tuyau de 2 mètres où l’on souffle dedans à travers une hanche », explique l’instrumentiste. Après quelques mots sur l’histoire de l’instrument, la musicienne déambule dans la salle en jouant une mélodie.

Le basson raisonne dans la salle polyvalente de l’établissement. Les spectateurs et spectatrices écoutent attentivement. Certains ferment les yeux pour mieux écouter, d’autres dorment. Une personne agite ses bras doucement au-dessus de ses genoux au rythme de la mélodie. Il s’appelle Raymond : « Moi je suis un fan de musique. Le soir, je regarde l’émission de Nagui à la télé et je danse. C’est vrai que je préfère les musiques un peu plus costauds, le rock par exemple, mais il y a plein de musiques, comme le classique ou ce qu’on vient d’écouter, qu’on a mis de côté et ça fait du bien de les réécouter. C’est magnifique ! Je me suis régalé. Je suis heureux. »

Paulette, assise à quelques chaises de lui, est musicienne également. Elle l’a fait savoir dès la première visite des artistes de la compagnie. Quand Mélanie sort son instrument, elle ne laisse pas le temps aux autres spectateurs de deviner : « C’est un basson ! », répond-t-elle. 

« À 5 ans, on m’a fait apprendre le violon, se remémore-t-elle à la fin de la performance. Et chemin faisant, ça m’a plus et j’en ai fait jusqu’à l’âge de 25 ans. Mes violons m’ont suivi partout : je les ai amenés jusqu’ici dans ma chambre. Quand j’entends du violon, j’ai mon petit cœur qui se serre. » À chaque visite son instrument : viole de gambe, basson, accordéon, violon, au total une dizaine de musiciens et musiciennes viendront visiter les habitants de l’EHPAD du Château. « Et toujours la voix, précise Arnaud, car je ne suis que chanteur ! ». Pour l’artiste, chaque instrument donne l’occasion de présenter un répertoire différent : « des chansons qu’ils connaissent et d’autres qu’ils connaissent moins ». Cet après-midi-là, Arnaud et Mélanie entament Le Temps des Cerises. Dans la salle, des voix s’élèvent pour les accompagner. Certains yeux se mouillent aussi, la chanson réveille des souvenirs, ou la voix d’un être cher disparu. C’est cela aussi la musique : des décibels d’émotion, des gammes de joie et quelques notes de tristesse. 

Bouquet de chansons, de fleurs et de rencontres

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Carreaux Patrouille à l’unité de dialyse de Proville

 

Les impromptus se poursuivent, et c’est à Santélys, que la cie La Rustine intervient avec une proposition entre illustration, musique et poésie. Le 16 mai, Chloé et Romain Smagghe proposent aux patients et patientes et aux professionnels la création du bouquet de l’unité.

 

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux.

Construire « l’espoir avec des rêves et des désirs » à Raimbeaucourt

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Vendredi 24 mars 2023, Neebiic et Camille Gallard ont investi le centre Hélène Borel à Raimbeaucourt pour une journée d’impromptus artistiques. Les résidents du lieu ont assisté heureux et heureuses aux déambulations musicales de Neebiic, et au ciné-concert On a roulé sur la lune, avec le film documentaire de Camille Gallard, mis en musique par Neebiic.

« Aujourd’hui, ça va être une grosse journée ! », lance Mathieu, le référent culture de l’établissement. Assisté de Mehdi, bénévole et résident du foyer situé à Arleux, Mathieu accompagne les artistes le temps de leur journée d’intervention. La matinée est déjà bien entamée, et Neebiic (Ludivine Vandenbroucke et Adrien Fontaine) sont en train d’installer leur attirail pour le ciné-concert : claviers, fils électriques, pédales. Dans le coin à droite de l’entrée, l’écran est prêt à recevoir les images du film de Camille Gallard. Ce sera pour cet après-midi. Pour le moment, place à une déambulation musicale dans plusieurs services du centre.

Il est bientôt 11h00. Ludivine et Adrien enfilent les bretelles de leur accordéon. La bruine a cessé. Les artistes en profitent pour quitter la salle polyvalente : direction l’accueil de jour à quelques pas de là. On passe un pont au-dessus d’une petite rivière. Les arbres bourgeonnent très timidement encore en cette fin d’hiver, mais les quelques rayons de soleil qui passent à travers les nuées dessinent l’esquisse printanière du lieu.

Déambulations

Dans les couloirs de l’accueil de jour, l’ambiance est calme. Une partie des résidents sont en atelier de cuisine dans un autre bâtiment. Cinq personnes rejoignent les artistes. On s’assoit autour d’une table. Neebiic prend place également. Le temps d’un interlude, Camille entame la lecture d’un de ces textes sur le cinéma : «[…] Je préfère de loin le cinéma qui se présente devant nous avec l’honnêteté de fabriquer des images […] ». Le public écoute attentif. La lecture donne des envies à Francky, résident du lieu, « compositeur, interprète, slameur à plein temps ». Il sort de son sac à dos un carnet où il écrit ses textes. D’une voix assurée, il succède à Camille pour une seconde lecture : « Il est 10h20 et je viens de me lever. Soudain, je me mets à rêver […] ». La petite audience applaudit les deux lecteur et lectrice. Neebiic entame un dernier morceau avant de rejoindre l’aile d’un autre bâtiment… l’allée des coquelicots.

Dans cette allée, les résidentes sont alitées. Leur handicap les empêche de se mouvoir. À l’entrée de la chambre de Marianne, on peut lire sur la porte « Tok Tok Tok Rock ». On « toque », le visage de Marianne s’illumine d’un sourire. Elle arrête sa partie de solitaire pour profiter pleinement du cadeau que Neebiic est en train de lui offrir : la chanson Que je t’aime de Johnny Hallyday, revisitée à l’accordéon. Marianne chantonne en balançant la tête. Marianne est une grande fan de Johnny. Sa chambre est décorée de plusieurs posters et figurines du chanteur. Après le passage des musiciens, elle raconte qu’elle l’a vu trois fois en concerts : à Cambrai, à Lille, et à Paris !

« Rouler sur la lune »

Après le déjeuner, Mathieu ferme les rideaux pour la projection. Il est bientôt 14h00, et les résidents viennent de prendre place dans la salle polyvalente, face à l’écran. Ludivine et Adrien s’installent derrières leurs claviers.

« Bonjour à tous ou rebonjour. Je suis Camille Gallard, la réalisatrice du film que l’on va voir après. Et je suis accompagnée de Neebiic, les musiciens Ludivine Vandenbroucke et Adrien Fontaine. Je vais vous lire un petit texte pour ouvrir le bal de mes films. » L’audience est calme et attentive. « J’ai réalisé ce film lors d’une résidence à l’IEM St Exupéry à Amiens en 2019. […] Ma caméra me permet d’être en apesanteur le temps d’un tournage. Le film ne m’appartient plus, il est à vous,          et il est vivant avec les musiciens aujourd’hui. »

La musique commence. Silence dans la salle. Les yeux sont rivés vers l’écran. Les 18 spectateurs et spectatrices réagissent à plusieurs reprises, notamment quand    le jeune Dylan, 14 ans, déclame à la caméra tout l’amour qu’il ressent pour son amoureuse.

« C’était bien réalisé, les enfants sont vraiment émouvants. C’était bien fait. », réagit une résidente à la fin du film. « Moi, cela me rappelle quand j’étais jeune avec mon copain de l’époque. Mon père aller me conduire chez lui. Nous vivions la même chose que ces enfants », raconte une autre visiblement émue. Les échanges se poursuivent pendant un bon moment après le film. Pari réussi !

Interviews croisées 

Neebiic / Camille Gallard

Quels sont vos ressentis juste après la performance ?

Ludivine : J’ai trouvé ça assez émouvant. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas joué le ciné-concert donc c’était déjà un plaisir de le refaire ! Et puis, d’entendre les réactions des gens attendris : c’était mignon. Et puis, nous on a bien joué avec Adrien donc on est content de la performance !

Camille : Moi aussi, je suis émue d’avoir ces retours positifs, de voir que le film touche des personnes en dehors de l’endroit où j’ai filmé. Il y a des gens qui se sont identifiés aux personnes du film.

Ludivine : Et cela a suscité une réflexion sur l’enfance !

Camille : Oui, et aussi sur la nécessité de montrer des personnes en situation de handicap. Cela leur a fait du bien et ça m’a particulièrement touché car c’est le but de mon travail

Neebiic, c’est la première fois que vous intervenez en milieu hospitalier. Qu’est-ce qui vous intéresse dans la démarche et qu’êtes-vous venus chercher ?

Ludivine : C’est parti de ce film justement [On a roulé sur la lune, 2020, de Camille Gaillard]. La forme ciné-concert était le point départ pour Plaines Santé. Ensuite, on a travaillé et on a développé ce moment acoustique et déambulatoire que l’on a proposé ce matin. On s’est dit que ce serait opportun de jouer dans les chambres des résidents qui ne peuvent pas bouger.

Adrien : Je ne sais pas trop ce que l’on vient chercher. C’est ma première expérience en milieu hospitalier, alors j’arrive sans apriori, et sans savoir vraiment si ce que l’on montre est pertinent. On se fait tout petit. On vient avec des propositions projetées, toute faites, et très vite, on sent qu’il faut les mettre au niveau des énergies de chacun chacune. C’est donc aussi artistiquement intéressant au-delà du fait que c’est une expérience très touchante. Et il y a cette interrogation permanente : est-ce que c’est pertinent ? On va vers des gens qui n’ont pas forcément demandé quelque chose.

Ludivine : On partage tous les trois cette crainte là en fait ! C’est une occasion parfaite de tester ces rencontres mais effectivement les personnes n’ont pas vraiment demandé à ce que l’on soit là. On impose quelque chose mais on essaye de le faire en faisant attention aux énergies, aux envies des gens.

Camille : On arrive et eux n’ont pas choisi. Je me demande toujours : est-ce qu’on a notre place ? C’est peut-être pour cela qu’on attache autant d’importance aux retours. S’ils sont bons, cela nous permet de nous rassurer et de nous dire : ah si, on a bien fait notre travail !

Justement, comment avez-vous travaillé pour préparer ces impromptus ? Est-ce que vous réadaptez vos propositions au fur et à mesure ?

Ludivine : Aujourd’hui, c’était un peu la découverte. C’était la première fois que l’on jouait notre proposition déambulatoire par exemple. On a essayé des choses. Vivement les prochaines ! Cela donne envie de revenir pour tenter d’autres trucs et revoir les gens qu’on a rencontré.

Adrien : On se demandait vraiment comment les gens allaient accueillir cela. Et en fait, il s’est passé de très beaux moments !

Ludivine : Oui, j’ai beaucoup aimé par exemple le moment dans la chambre de Marianne quand on a joué Johnny !

Camille : Cela me fait penser à la question de vos masques [Le duo Neebiic est normalement masqué sur scène avec des visages de singes] : est-ce qu’on les met ? est-ce qu’on ne les met pas ? Est-ce que ça fait peur ? Et là en fait on a eu des supers retours sur vos masques donc on s’est dit : ah bah si en fait il faut les mettre !

Camille, toi ce n’est pas la 1ère fois que tu interviens en milieu hospitalier. Qu’est-ce que tu aimes dans cette démarche ?

Camille : Ce n’est pas la première fois, mais ici c’est différent. Avec Plaines Santé, c’est une forme diffusion. D’habitude, je créé avec les résidents. Je travaille avec eux et ils se reconnaissent dans les films. Là je viens avec un film que j’ai fait ailleurs et que je montre donc c’est une autre démarche. Je suis toujours très contente de ramener ici de la diffusion et de la culture, mais ce n’est pas sans questionnement et sans peur.

 
 
 

Mehdi

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Mehdi, résident à Arleux, bénévole à Raimbeaucourt. J’ai 36 ans

Comment es-tu devenu bénévole pour le centre Hélène Borel ?

J’étais à l’accueil de jour où il nous est proposé un certain nombre d’activité qui m’ont permis de m’ouvrir. Maintenant, j’ai envie de faire autre chose. J’ai toujours été ouvert aux autres, mais je n’étais pas ouvert au monde extérieur. Quand j’ai commencé à prendre le bus par exemple, je flippais beaucoup. T’es tout seul dans le bus, si le chauffeur ne s’arrête pas, tu te retrouves loin et c’est un problème. Mais aujourd’hui, je n’ai plus peur et j’ai eu envie de bouger, d’être actif.

Pour ta mission de bénévole, tu es amené à te déplacer, notamment pour aller de ton lieu de vie à Arleux, jusqu’au centre de Raimbeaucourt (25km) Quelles difficultés rencontres-tu ?

Pour venir à Raimbeaucourt, il me faut prendre 2 bus. Il faut que je parte à 7h51 d’Arleux et j’arrive à 9h37 à Raimbeaucourt. La difficulté c’est qu’il faut prévenir la société de bus avant de partir sinon les chauffeurs parfois refusent de nous prendre. Mais les choses s’améliorent : les bus sont désormais gratuits et adaptés ! Si je veux aller plus vite, je dois faire appel à un taxi privé, cela coute 60 euros la journée.  Faciliter la mobilité des personnes en situation de handicap reste un chantier. Tout est plus cher pour nous. Mais moi j’ai la bougeotte dans le sang, alors je prends les transports et je m’assure qu’on respecte mes droits !

Quelles sont tes missions en tant que bénévole ?

S’il y a un évènement, Mathieu m’appelle. Si je suis disponible, je viens. Mais il se peut que je ne sois pas disponible, car j’ai aussi des séances de rééducation à l’extérieur. Si je suis disponible, j’aide à la logistique comme par exemple recouvrir les fenêtres de papier pour créer une salle de projection pour les films de Camille ! C’est ce qui m’attend dimanche à Arleux par exemple.

Qu’as-tu pensé du film de Camille ?

J’ai pensé que le film était pas mal. Il dit les choses réelles. Même si ce sont des enfants qui le disent, ils racontent ce que l’on vit. On ne serait pas handicapé aujourd’hui, on serait plus visible.

Dans le film, on parle du regard des autres sur les personnes en situation de handicap. Est-ce que cette question du regard t’a fait écho ?

Le regard des autres, je m’en fou ! On m’accepte comme je suis. Si on ne m’accepte pas, les personnes dégagent.

Les artistes confiaient qu’ils avaient peur de s’imposer, de proposer des activités artistiques que vous n’avez pas demandé. En tant que résident et ancien usager de l’accueil de jour, que penses-tu des activités proposées ?

J’ai arrêté l’accueil de jour car je n’y trouvais plus mon compte. On faisait beaucoup d’activités et ce n’était plus ce que j’avais besoin. Mais c’est personnel. On ne peut pas dire que l’accueil de jour est une mauvaise chose. Les personnes qui viennent n’ont souvent rien d’autre à faire. S’ils n’ont pas cette chance, ils restent chez eux, parfois seuls, à ne rien faire. C’est très important que la culture vienne à eux. Heureusement, que j’ai trouvé le centre Hélène Borel à un moment dans ma vie car cela m’a permis de m’ouvrir. J’étais plus renfermé avant ; et cela m’a permis de prendre mon indépendance. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de bouger d’une ville à l’autre. Mais certaines personnes, en raison de leur handicap, ne peuvent pas se déplacer. Et c’est triste : toute personne doit pouvoir se déplacer ! Bouger, c’est s’octroyer un moment d’évasion.

Expériences musicales à l’APEI de Denain

By | 2022/2023

Plaines Santé repart pour une nouvelle édition : et c’est l’APEI – Papillons Blancs de Denain, qui a accueilli les premiers impromptus de la saison avec le collectif Muzzix. L’APEI de Denain se compose d’une multitude de services et deux sont concernés par les impromptus artistiques : le SAJ et le SAT qui accueillent des adultes en situation de handicap intellectuel. Le 10 mars 2023, le Cruz/Beaumont duo (guitares électriques) a proposé un concert-rencontre d’une heure environ afin de faire découvrir la musique expérimentale aux usagers de l’établissement.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux.