La Rose de Picardie s’ouvre aux haïkus dansés de la compagnie Tourne au Sol

Saison : 2023/2024 - Artistes : Compagnie Tourne Au Sol - Établissements : CH Corbie, CH Albert

Dans le cadre de Plaines Santé, la compagnie Tourne au Sol a été accueillie par les Hôpitaux d’Albert et Corbie, en Picardie. Le 25 septembre 2024, quatre artistes de la compagnie,  Paul, Madeline, Eugénie, et Félix – étaient présents au sein de la résidence Rose de Picardie pour proposer une déambulation poétique aux résidents et résidentes de l’établissement. Les Centres Hospitaliers d’Albert et de Corbie sont en Direction commune depuis septembre 2017, deux hôpitaux de proximité labellisés, deux hôpitaux appartenant au GHT Somme Littoral Sud. Ils ont tous deux la particularité de compter un versant sanitaire et un versant médico-social.

– Est-ce que tout le monde est là où on attend encore du monde ? demande Paul

– C’est bon, on peut y aller.

« Bonjour à toutes et tous, nous allons commencer la promenade, mais pour cela, je vous invite à vous déplacer. Suivez-nous. », lance Paul à la petite équipe de résidents et résidentes assis dans le hall d’entrée. Quelques minutes sont nécessaires à la troupe pour rejoindre le point de départ de la balade, à quelques mètres de là, au fond du couloir.

– Claudette tu peux reculer ? Je vais installer Anne-Marie à côté de toi, demande une éducatrice.

Face au salon de coiffure, les personnes regardent avec curiosité les artistes. La fontaine décorative offre ses petits bruits de clapotis en fond sonore.

Les quatre artistes se présentent : Félix, Eugénie, Madeline et Paul. Avant de commencer l’impromptu, ils expliquent leur proposition : une déambulation sonore, dansée et poétique dans le couloir de la résidence.  « J’aime bien dire que nous laissons penser nos corps », explique Paul, après avoir présenté les haïkus, de courts poèmes japonais que les 4 artistes s’apprêtent à interpréter avec leurs corps.

« Lucioles, lucioles »

Alors que la petite troupe se dirige vers le couloir pour entamer la balade, un résident sort de sa chambre, mine patibulaire, mais néanmoins intriguée par ce qui est en train de se passer. Sans un mot, il fait des petits pas saccadés pour faire avancer sa chaise roulante, sans avoir à trop forcer sur ses bras. Il suit le cortège sans trop de difficulté. Le rythme est lent, indolent comme un serpent endormi. Il passe devant la chambre 54, celle de Pierre, imperturbable quant à lui devant sa télévision. Derrière sa porte, Eugénie danse le haïku sur les mains.

En tournant à droite au fond du couloir, on retrouve le groupe qui s’est arrêté. Paul vient de sortir un papier de sa chaussette où il est y est inscrit un second haïku.

« Sous le divin nez du divin Bouddha »

– Pouvez-vous me donner un chiffre entre 1 et 6 ?

– 6 !

« Sous le divin nez du divin Bouddha pend une morve de glace » répète Eugénie plusieurs fois.

D’autres haïkus suivent.

Les corps des artistes bougent au milieu du public. Puis Paul agite ses quilles de jonglage en se dirigeant vers le hall. Il invite ainsi le groupe à continuer la promenade. Dans le hall d’abord, puis dans le réfectoire. Il est bientôt l’heure du déjeuner et les bruits des charriots du personnel de cuisine accompagnent les pas de Madeline qui cueille des fleurs imaginaires. Les verres titillent au loin. « Où sont les sets de table ? », demande une voix grave dans la cuisine.

Le groupe se réunit au centre de la salle à manger. A l’angle du mur de la cuisine, les cuisinières s’agglutinent discrètement, curieuses. Imperturbable, une résidente tricote sur une chaise sans même lever son regard.  Sur une autre table, un monsieur lit son journal en lançant des regards curieux de temps en temps tout en restant absorbé par la lecture des actualités locales. 

Les artistes se placent aux quatre coins du groupe et le dernier haïku est récité en canon. L’effet est réussi. Les résidents oublient pour quelques instants leurs estomacs qui gargouillent, enveloppés dans une sensation étrange créée par les voix des artistes et les mots qui s’entrechoquent. Puis, le mouvement revient, encore une fois, une dernière fois. Félix et Paul jonglent entre les résidents. Madeline déambulent en dansant pendant qu’Eugénie tient debout sur ses mains. Les regards des membres du public sont attentifs, amusés parfois, circonspects pour d’autres. La musique s’arrête. Les mains applaudissent. Les bouchent sourient et remercient.

« C’était bien, beaucoup de souplesse ! réagit Jean-Pierre. Quand j’étais jeune, je savais aussi marcher sur les mains. » Gisèle quant à elle est stupéfaite : « C’est incroyable que l’on pense encore à nous comme ça ! »

« La poésie me touche beaucoup de manière générale. Le fait d’avoir un travail à la fois corporel et vocal sur de la poésie m’intéressait particulièrement », réagit Eugénie à la fin de l’impromptu. « Le format balade était aussi intéressant pour créer la rencontre, mettre tous les corps en mouvement et ne pas être en spectacle fixe. »

Pour Félix, ancien orthopédiste, Plaines Santé lui permet de faire le lien entre son ancienne et sa nouvelle activité : « J’aime proposer de la proximité et du contact avec des personnes en milieu hospitalier », précise-t-il.