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Lune bleue et soleil vert au centre hospitalier de Soissons

By | 2023/2024

Jeudi 11 juillet 2024, le duo Le quadrille des homards était au sein de la résidence Saint-Lazare du centre hospitalier de Soissons pour une après-midi de danse et de dessin.

Sarah Nouveau lance un bras vers le ciel et se contorsionne légèrement vers la droite. Les deux pieds sur un tapis de yoga, elle s’étire. A sa droite, Caroline Chopin, sculptrice et dessinatrice, trie ses crayons. « Nous avons remarqué que c’est plus puissant dans l’intime, s’exclame Caroline. Et puis même si on appelle cela des impromptus, on les prévient en amont car le côté surprise ne fonctionne pas bien avec ce public. » Les deux artistes déambulent depuis trois semaines dans la résidence Saint-Lazare du centre hospitalier de Soissons au chevet des résidents. « La réception est différente en fonction des personnes, poursuit Sarah. Il faut un peu de temps pour briser la glace parfois. » Sarah est danseuse. Cette après-midi elle propose de courtes performances chorégraphiques. Pour cela, les résidents sont d’abord invités à choisir des cartes : des formes, puis des couleurs. Leur choix influence la musique et la danse que Sarah effectue ensuite sous leurs yeux. Au même moment, Caroline dessine le corps de son amie danseuse qui se meut. A la fin de la performance, l’artiste offre le dessin aux spectateurs.

Une dame apparait à la porte d’entrée de la salle d’activité où Sarah finit d’étirer ses mollets. Elle semble soucieuse, le visage fermé. C’est Sylviane, une résidente. « Ce sera en haut, dans le salon Chopin, on arrive, on va vous y emmener », lui explique Peggy Bosniaque, animatrice culturelle de l’établissement. Elle parle fort en articulant exagérément pour que Sylviane qui souffre de surdité puisse lire sur ses lèvres. Quelques minutes plus tard, ils sont 5 résidents à s’installer sur les canapés du salon Chopin.  Sarah mélange les cartes et la petite équipe choisit 2 images. Soudain les premières notes de musique sortent de la petite enceinte que Sarah tient dans ses mains. Elle la repose et entame une première danse. Caroline, assise au milieu du public débute son dessin.

« Comme au spectacle »

Dans le public, les sourcils de Sylviane se défroncent. Elle sourit et regarde apaisée le spectacle qui s’offre à elle. Sylviane n’entend plus, mais elle voit, elle voit le corps de la danseuse. Elle voit les doigts de la dessinatrice qui glissent sur la page blanche. A sa gauche, Joséphine a les yeux pétillants et la bouche ébahit. Elle suit les mouvements de la danseuse avec sa tête, dans une chorégraphie bien à elle. Elle ne la quitte pas des yeux. Elle rit, pousse des petits cris d’enthousiasme. « Si on faisait ça tous les jours, on serait en forme », s’écrie-t-elle à la fin de la chorégraphie. Elle rit, et son rire danse aussi dans le petit salon. Puis, les résidents se lèvent pour une valse. Maryse, une des animatrices, saisit le bras de Sylviane et l’entraine sur la piste. En quelques secondes, tout le monde est debout. Petits pas. Petits pas. Petits pas…

Quelques minutes plus tard, une seconde représentation a lieu un peu plus loin dans le couloir. Cette fois, c’est sur les vitres que dessine Caroline. Puis, le duo se rend dans la chambre 46 où Josiane se repose dans son lit. « Bonjour madame, comment allez-vous ? demande Sarah », « Vous pouvez éteindre la télé ? demande poliment Caroline, vous serez comme au spectacle ». Josiane s’amuse : « J’ai bonne mine aujourd’hui ça tombe bien ! C’est ma première sortie officielle » dit-elle avec humour.

Pour Peggy Bosniaque, animatrice, le projet est une réussite : « Je les ai accompagnées plusieurs fois lors de leurs interventions et j’ai vu des sourires, des larmes, de l’émerveillement. C’est magique ! », réagit-elle.

« C’est quoi le ciel pour toi ? »

By | 2023/2024

Du 20 mars au 25 juin 2024, l’artiste plasticienne et scénographe Ingrid Buffetaud s’est rendue à raison d’une demi-journée par semaine à la clinique Marie Savoie au Cateau Cambrésis (59) dans le cadre de Plaines Santé. L’artiste a proposé une installation aux allures d’atelier où le ciel est donné à voir à travers des images et témoignages collectés. Interview.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Ingrid Buffetaut, je suis artiste plasticienne et scénographe, diplômée de l’école des arts décoratifs de Paris. Mais dans le cadre de Plaines Santé, j’ai proposé un projet qui s’apparente davantage au domaine des arts visuels.

Peux-tu nous parler de ton approche de manière générale ?
En termes de création, je suis sur le dessin et l’espace, d’où ma double casquette d’artiste plasticienne et de scénographe. Comment le public peut se mouvoir au sein de l’œuvre ? Comment il se déplace avec une œuvre ? Ce sont des questions qui m’intéressent dans mon travail de scénographe. Je travaille principalement pour le spectacle vivant et parfois pour des expositions. En ce qui concerne le dessin, j’ai une pratique très académique, mais j’aime opérer un twist parfois en me focalisant un détail précis dans l’image. Je peux parfois garder uniquement un détail et effacer tout le reste. J’ai un intérêt pour les choses très ordinaires. Je me questionne aussi beaucoup sur comment aller chercher le regard des autres et comment comprendre ce regard.

Qu’est-ce-qui t’a amené à candidater à Plaines Santé ? Qu’es-tu venu « chercher » ?
J’ai tout de suite pensé au projet « C’est quoi le ciel ? ». J’avais envie de rencontrer des personnes que je n’aurais pas pu rencontrer dans des lieux dédiés comme une galerie. J’ai envie de croire que l‘art contemporain ne s’intéresse pas qu’aux regards des élites. Chaque regard compte. Il faut casser les barrières. Avec « C’est quoi le ciel ? » ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je sors des lieux type galerie, je préfère le déployer dans des évènements culturels. Mais c’était la première fois en milieu hospitalier.

Est-ce que tu avais déjà travaille avec des personnes empêchées ?
Non, c’était la première fois et ce fut une vraie découverte. Mais j’ai été très bien accompagnée pour cela, que ce soit par le BIP ou par les équipes de l’hôpital.

On en a déjà un peu parlé, mais tu as proposé l’installation participative « C’est quoi le ciel ? » : pourquoi celui-ci ?
Pour aller à la rencontre d’un nouveau public mais aussi car c’est un projet malléable, léger, facile à déployer dans des lieux très différents.

Peux-tu nous parler des prémices de ce travail : comment est né ce projet ?

J’ai commencé ce projet en 2018. C’était mon projet de diplôme. A l’école, on a dû travailler pendant un an sur un projet de création. Nous étions seuls, en autonomie, et en dialogue avec nos professeurs. Parfois j’étais un peu perdue dans mes recherches. On nous avait demandé de partir d’un texte. J’avais choisi L’étranger, de Camus, qui est un de mes livres préférés. On pouvait s’éloigner du texte d’ailleurs au fur et à mesure, et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait. Je me suis beaucoup éloigné. Mais au début de la recherche, je suis partie de l’idée que je n’arrivais pas beaucoup à communiquer avec mes professeures. Et dans un élan très dramatique j’ai conclu que l’on ne pouvait pas se comprendre entre êtres humains. Puis, j’ai tourné ça en : c’est difficile d se comprendre mais on peut s’en rapprocher le plus possible. C’est ainsi qu’est venue l’idée de faire réagir des personnes sur un même élément, un élément que l’on a en commun comme le ciel, et de découvrir qu’on y met tous quelque chose de différent. Le ciel était un élément pratique car il revêt plein de significations, d’interprétations, d’approches. C’est un projet porté non pas sur le ciel, mais sur la multitude de regards qu’on porte sur le ciel.

Comment l’as-tu mis en place dans le cadre de Plaines Santé ? As-tu travaillé avec les équipes soignantes pour cela ?

J’étais très autonome. J’avais pensé le dispositif en déambulation. Je me promenais et j’allais à la rencontre des gens avec pour seule limite de ne pas aller en chambre. Je trouvais cela trop intrusif. Et puis, j’ai installé une exposition permanente mais évolutive dans les couloirs. A chacune de mes venues, j’ajoutais des éléments : des textes collectés dans les sessions précédentes et des images du ciel imprimées sur des grands voiles. Je voulais aussi leur offrir une respiration à travers cette installation. La lecture peut rebuter, en plus les textes sont écrits assez petits. Alors si les patient.e.s ne voulaient pas lire, ils et elles pouvaient venir pour regarder le ciel. Les patients venaient me parler, cela attisé leur curiosité. Ils et elles me reconnaissaient car les personnes sont souvent hospitalisées sur du temps long.

D’un autre côté, j’ai aussi fait des ateliers avec l’art thérapeute de la clinique. Nous avons mixé nos pratiques pour proposer des temps de création aux patients.

Et puis pour finir, hier d’ailleurs, nous avons organisé une restitution. J’ai rassemblé tous les témoignages dans une exposition et j’ai réalisé une édition papier pour que les personnes gardent une trace.

Comment ont réagi les patients ?

Ce n’est pas toujours évident de faire sortir les gens de leur chambre. Je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup d’actions proposées au sein de la clinique mais que peu de gens y vont. Parmi les gens que j’ai rencontré, il y en a eu a qui cela a parlé fort, et d’autres pas du tout. Mais c’est toujours comme ça. Pour certaines personnes, leur manque d’estime de soi rendait la prise de parole difficile. Pour d’autres, il était trop douloureux d’évoquer le ciel car cela les ramenait à des êtres chers disparus. Mais globalement, ce fut bien accueilli. Certains étaient très volontaires, voire ont participé plusieurs fois. Certains se sont appropriés le dispositif et ont posé leurs propres conditions : ils ne voulaient pas être enregistrés mais ont préféré écrire des poèmes. Lors de la restitution, une personne m’é écrit un mot où j’ai pu lire « Merci de nous avoir permis de nous exprimer librement ». C’était chouette car c’était le but !

Parmi les intentions que tu as mises dans cette installation, il y a la volonté de « pousser les participantes et les visiteurs à s’intéresser au regard de l’autre ».

Est-ce que cela a fonctionné ?

Je ne sais pas si les gens en ont beaucoup discuté entre eux. Mais cela a créé des formes de curiosité : en lisant les textes, les personnes essayent de reconnaître qui avait pu les écrire. Les hospitalisations sont longues dans cette clinique, alors tout le monde a le temps de se connaître un peu. Une fois aussi je discutais avec un patient et à la fin il m’a dit : « Et pour vous, c’est quoi le ciel ? ».

Tu as écrit aussi au sujet de cette installation vouloir leur faire « prendre conscience de la particularité de leur regard et de leur légitimité en tant que spectateurs et spectatrices. » Est-ce qu’il y a aussi une volonté de démocratiser l’art contemporain ? et pourquoi ?

J’ai une formation en art, or je ne me sens pas particulièrement faire partie du monde l’art contemporain car je ne suis pas représentée par une galerie par exemple. Et au fond, j’aimerais l’être. Mais je me sens encore en dehors. Ce projet s’adresse à des personnes qui ne se sentent pas légitimes à donner un avis sur l’art. Ok, l’art est une expérience esthétique en premier lieu, une relation très individuelle du spectateur à l’œuvre. Mais je voulais aussi leur dire que leur regard fait œuvre, il fait même partie de l’œuvre. C’est ma manière de leur dire que chaque regard est intéressant.

Est-ce que tu as pu avoir des discussions au sujet de l’art avec les patients par exemple ? Si oui, une anecdote ?

Non. Nous n’en avons pas parlé frontalement. On a parlé du ciel sans aller au-delà. Je ne voulais pas forcément aborder ce sujet de manière directe car les gens se ferment. C’était une invitation un peu cachée à réfléchir à ces notions.

Et toi, qu’est-ce que tu as découvert suite à cette expérience ? En tant qu’artiste, est-ce que cela est venu te questionner sur de nouveaux champs ? Est-ce que cela t’a bousculé à certains endroits ? conforter dans d’autres ?

Cela m’a conforté dans l’idée que ce projet parle à des gens, qu’il fonctionne. Ensuite, j’ai trouvé que l’exposition temporaire était aussi un bon moyen de les aborder, et de les faire venir à leur guise, pour lire ou pour regarder. Mais le point de ce projet qui reste le plus à travailler est sur le fait de faire participer les gens. Il y a encore des barrières. La question est très vaste donc pas toujours facile.

Si tu devais refaire Plaines Santé, qu’est-ce que tu garderais et qu’est-ce que tu changerais ?

J’ajouterais plus d’activités annexes pour amener les gens à participer. Je me suis concentrée sur la déambulation dans la clinique, c’était bien, mais je pense que des ateliers dessin ou peinture autour de la thématique du ciel auraient pu alimenter l’installation.
Je garderai l’édition papier car j’ai trouvé ça bien que les participants puissent repartir avec quelque chose.

Antoine Besoin, responsable des soins à la clinique Marie Savoie

La clinique Marie Savoie participe pour la première fois à Plaines Santé. C’est un établissement de réhabilitation psycho-sociale et professionnelle qui reçoit des patients avec des troubles psychiques stabilisés. Pendant 10 mois d’hospitalisation complète, les patients sont accompagné.e.s dans un projet personnel ou/et professionnel pour retrouver leur autonomie.

C’est votre première participation à Plaines Santé, pourquoi avez-vous souhaité participé ?

Disons que l’offre a créé le besoin. Quand l’appel d’offre a été publié, notre Directrice nous la transmis et nous avons candidaté. On ne s’imaginait pas être sélectionnés et puis la bonne nouvelle est arrivée. Nous avons réussi à mobiliser les équipes qui ont choisis 3 propositions artistiques  dont  celle   d’Ingrid  Buffetaut,    C’est quoi le ciel ?

Justement, il y a peu d’artistes visuels qui participent à Plaines Santé. En quoi cette proposition vous semblait intéressante pour vos patients ?

En faisant nos choix, nous essayions de nous projeter dans ce que cela pourrait donner dans un lieu de soin. Ce n’est pas un lieu anodin. On voulait quelque chose de vivant. L’exposition permanente et évolutive nous semblait intéressante. Nous étions curieux de voir la réception des patients.

Et donc, quels retours de la part des patients ?

L’émotion qui est ressorti le plus était l’intrigue. Ils venaient me voir en me demandant : « c’est quoi ça ? », « pourquoi ? », « qui est responsable de ça ? », « qu’est-ce que cela signifie ? ». Puis ils ont compris et ont adhéré. Ils trouvaient que c’était bien de partir d’une chose abstraite comme le ciel, et d’aller vers du personnel.
Concernant les personnes qui ont participées aux enregistrements, elles ont d’abord été gênées, puis finalement elles ont réussi à se prêter au jeu pour finir par être fières de voir leurs témoignages accrochés au mur.

Et vous, avez-vous observé des effets sur vos patients ?

C’est un bon complément au soin. Nous menons déjà des activités artistiques avec nos patients. Ils et elles participent à des ateliers externes de poterie, craies grasses et aquarelles. Ils y font ce qu’ils veulent. Là, on était guidé par la proposition d’Ingrid. Il a fallu se concentrer, faire travailler la mémoire et la lecture. Ce sont des compétences que nous ne mobilisons pas dans les autres médiations artistiques.

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Interviews croisées, Cie On Off & Hôpital maritime de Berck

By | 2023/2024

Stéphanie, Cécile, pouvez-vous présenter la compagnie On Off ?
La compagnie propose des spectacles dans l’espace public ou dans des lieux atypiques comme des hôpitaux, des écoles mais aussi des lieux dédiés comme les théâtres. Nous sommes des sortes de 4-4 de la culture avec comme outil principal la musique et le chant polyphonique.

Anthony, toi tu travailles au service animation de l’hôpital maritime de Berck, est-ce que tu peux présenter le service ?
Oui, l’hôpital est spécialisé dans la rééducation. Il dispose d’un service animation qui est ouvert tous les jours, y compris les week-ends et les jours fériés. Notre équipe propose des animations, des ateliers manuels et des spectacles pour les patients.

Stéphanie et Cécile, comment avez-vous avez préparé Plaines Santé ? Qu’est-ce que vous proposez ?

Stéphanie : Nous nous sommes appuyées sur des spectacles que nous avions déjà. On a par exemple un spectacle, les Chti Lyrics, à partir duquel on a proposé plusieurs animations lors de notre deuxième venue. Pour cette semaine, Anthony a proposé le thème du sport. Nous nous sommes alors inspirées d’un autre de nos spectacles où l’on chante des chansons de rugby.

Cécile : Nous avons adhéré tout de suite à cette thématique. On travaille en va-et-vient, en discussion, en dialogue avec Anthony. Nous arrivons avec une boîte à outils et lui pioche dedans. On joue ensuite au ping-pong avec nos matériaux sonores et des nouvelles propositions.

Anthony : On se nourrit mutuellement de nos idées. Il y a une véritable unité qui se crée et les patients adhèrent facilement. C’est vraiment très riche émotionnellement et musicalement. C’est quelque chose qui reste gravé dans la mémoire de tous. Ça agrémente leur séjour de manière bénéfique.

Arrivez-vous à tisser des liens avec les patients ?
Cécile : Oh oui ! Et très vite. Quand on propose des livraisons de chansons en chambre par exemple, on rentre tout de suite dans une intimité. Aussi, nous sommes logées à l’hôpital, alors on passe dans un couloir, on s’arrête, on discute et on continue d’instaurer une présence. On partage l’envers du décor aussi.

Stéphanie : Oui, c’est une immersion totale pendant vraiment 4 jours. On déambule du service de rééducation aux services de soins en passant par les chambres pour les personnes alitées. On investit tous les lieux de l’hôpital même l’extérieur.

Qu’est-ce qui vous intéressait dans le dispositif Plaines Santé ?

Cécile : C’est une autre façon de travailler notre duo. Cela fait plus de 15 ans qu’on travaille ensemble et c’est important d’être en contact avec du vivant. On pourrait imaginer que notre métier se situe dans le monde de la culture, pour des initiés. Cela nous fait du bien d’être en contact avec plusieurs types de publics.

Stéphanie : Ici nous vivons un véritable échange avec les patients. Ce qu’on ne vit pas forcément en spectacle, parce qu’en spectacle, même si on échange à la fin, c’est très bref. Ici on découvre les patients, ils nous découvrent et tout de suite on est dans l’échange. Et effectivement, comme on est là toute la journée, ils nous nourrissent, on les nourrit. On a l’impression qu’à chaque fois, c’est encore plus fort.

Et vous, c’est la première fois que vous participez à Plaines Santé. Et vous avez repostulez pour la saison prochaine. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce dispositif ?

Anthony : Nous avions déjà eu l’occasion de travailler avec le BIP pour des résidences d’artistes. Mais là, ce qui nous a plus c’est de travailler sur du long terme avec la compagnie. Les patients ressentent forcément ce lien qu’on a avec les artistes. Et du coup, c’est beaucoup plus riche, il y a encore beaucoup plus de partage.

 

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Du sport, des étirements et des champions à l’hôpital maritime de Berck

By | 2023/2024

Jeudi 23 mai 2024, nous retrouvons Stéphanie Petit et Cécile Thircuir, chanteuses et comédiennes de la compagnie On Off à l’hôpital maritime de Berck. Elles ont posé bagage depuis le début de la semaine au sein de cette bâtisse historique avec vue sur la mer. Pas question d’être en vacances pour autant, les deux artistes sont là dans le cadre de Plaines Santé. Chaque jour, elles proposent des impromptus artistiques pour les patients de l’hôpital, avec la complicité de l’équipe du service animation. C’est leur troisième semaine d’intervention : une semaine sur le thème des Jeux Olympiques.

Transformer des lieux avec la compagnie John Degois

By | 2022/2023

En novembre dernier, la compagnie John Degois s’est rendue auprès des jeunes de l’EMP de Beauvais pour leur offrir des impromptus dans un environnement à la fois dynamique et détendu. Des danses improvisées et des freestyles ont été accompagnés d’une musique de guitare afin de créer une atmosphère unique de sensibilité ancrée dans le présent.

JULIEN BUCCI, de la poésie plein les oreilles

By | 2022/2023

Le 20 octobre 2023, Julien Bucci de la compagnie Home Théâtre, et Cloük, alias Chloé Smagghe, étaient au Centre Hospitalier d’Arras pour le dernier jour d’intervention de la compagnie dans le cadre de Plaines Santé. Tantôt seul, tantôt accompagné de Chloé ou du musicien David Laisné, Julien Bucci a offert aux patients et patientes de l’hôpital un moment de poésie et de bien-être.

Il est 14h00 passées de quelques minutes, et déjà le duo s’active dans le couloir du centre hospitalier d’Arras. Les lectures en chambre vont commencer à 14h30. Julien Bucci, écrivain, poète, ouvre une mallette dans laquelle sont exposés des livres.  Il la pose sur un chariot, réquisitionné pour l’occasion. Aujourd’hui, Julien est accompagné de l’illustratrice Cloük, alias Chloé Smagghe qui installe sa boîte de pastels et ses feuilles blanches juste à côté de la mallette du poète.

En quelques minutes, le duo est prêt. Julien tient dans sa main la liste des chambres où les personnes ont répondu positivement à leur proposition. Il échauffe rapidement sa voix en passant la porte du couloir. Cloük le suit en poussant le chariot jusqu’à la première chambre. C’est un refus pour cette première. La dame n’est finalement pas disponible. Le duo part alors vers une autre chambre. Cette fois-ci, c’est un oui. Ils peuvent rentrer et prendre place à côté de Roger.

La proposition est belle de simplicité : Julien offre au chevet la lecture d’un poème qu’il a écrit. Pendant ce temps, Cloük dessine l’illustration qui lui correspond. A la fin de la lecture, l’illustratrice offre le dessin à la personne. Le duo échange quelques bribes avec l’auditeur ou l’auditrice puis quitte la chambre, les laissant suspendus aux mots, aux souvenirs, aux images qui se dessinent dans leurs têtes.

« Je me voyais circuler autour des arbres, le long de la rivière »

Roger a fermé les yeux durant la lecture. Il est parti en promenade, loin des quatre murs blancs de sa chambre. Puis, il a tardé à les rouvrir, apaisé, là où il était. « J’ai bien respiré », dit-il en ouvrant les paupières. « J’en ai besoin. » Respirer, c’est ce que proposaient les derniers vers du poème que Julien lui a lu. 

Une fois les artistes sortis de sa chambre, Roger a pris délicatement dans ses mains le dessin laissé par Cloük. Il l’a longuement regardé. « Je dessine depuis que je suis petit. Je dessine tout le temps. Cela me détend. Alors quand on m’offre un dessin, ça me touche, ça me donne envie de prendre un crayon. Mais mon fils ne m’a pas apporté mes affaires. Ce n’est pas grave, je fais des mots croisés ! »

« J’aime bien la passiflore »

Dans la chambre à côté de celle de Roger, il y a Roland qui attend son épouse hospitalisée. Après quelques minutes d’attente, l’infirmier la ramène, poussant son fauteuil roulant. « Ça fait longtemps que tu es là ? », demande-t-elle d’une voix vive, avant de lui donner les nouvelles. Sur sa table, il y a une petite pile de livres. Alors quand Julien et Chloé leur proposent un moment de poésie, les deux complices acceptent avec des étincelles dans le regard. « Ah les rouges-gorges ! J’en voyais beaucoup quand j’étais gamin mais aujourd’hui je n’en vois presque plus », réagit Roland à la fin du récital. Son épouse remercie chaleureusement les artistes : « J’aime bien le passiflore, alors quand vous me parlez de cette fleur, cela me projette des images très agréables. Cela me rappelle le passiflore qui trônait à l’entrée d’une maison de vacances en Provence, où nous allions… Il y a quelques années. »

« J’aurais aimé que vous me parliez de truites »

Daniel est un ancien notaire. Énergique, loquace, souriant. A la fin du poème, il s’exclame : « C’est beau tout ça, toutes ces fleurs, toute cette nature, mais j’aurais aimé que vous me parliez de truites. Dans la rivière, j’aurais aimé qu’il y ait des truites ! ». Les deux artistes s’amusent. Et quand Cloük lui tend la feuille de papier où elle a dessiné un joli brin de muguet, Daniel rétorque : « Bon, c’est très beau, mais j’aurais préféré des jonquilles ! ».

« Le jardin c’est ma vie »

« Plein de plantes, plein de fleurs, c’est ma vie ! s’exclame Françoise. J’ai la main verte, à chaque fois que je fais des boutures, ça prend ! Je ne sais plus quoi en faire ! J’en donne à mes auxiliaires de vie et à ma petite-fille. Bon, malheureusement je n’arrive plus à jardiner dans le jardin à cause de ma santé. A la maison, j’ai une collection de chouettes dans ma verrière. Mais j’accepte aussi de mettre autre chose que des chouettes, alors je mettrai le dessin sur une étagère à côté de mes chouettes ! 

Le goût de la cerise

La fin d’après-midi se déroule un étage au-dessus, à l’EHPAD. Plusieurs résidents et résidentes ont aussi droit à une lecture dessinée : Gilles, Raymond et son doudou, Marie, Jeanne. Quand Cloük offre le dessin à Jeanne, elle ne comprend pas :

  • C’est pourquoi ? demande-t-elle
  • C’est pour vous ! rétorque Cloük

Alors Jeanne parle de ses problèmes de mémoire. Dans le dessin de Cloük, il y a une cerise, une belle cerise rouge. 

  • Et le goût de la cerise, vous vous en souvenez ? demande l’illustratrice
  • Oui, un jour, mon fils est venu me rendre visite avec un gros paquet
  • Et bien on vous laisse avec ce dessin, poursuit Julien. Et si vous ne vous souvenez plus de nous, et bien vous regarderez ce dessin, et peut-être que vous vous souviendrez de ce moment. De ce moment, de nous ou du goût de la cerise. 

INTERVIEW / Julien Bucci, de l’art de la bibliothérapie

Julien, Chloé, quels sont vos ressentis juste après cette intervention ?

Julien : Je suis content. Ces interventions nous permettent d’expérimenter des choses. Aujourd’hui par exemple, j’ai lu des nouveaux textes : j’ai terminé d’écrire le dernier hier soir. Je me suis rendu compte qu’il y avait des mots qui percutent les auditeurs : la passiflore, le parquet, les truites.

Chloé : Oui, c’est un laboratoire d’expérimentations. Au départ, je devais dessiner sur des vitres. Mais parfois, ça n’a pas été possible. Alors je suis passée au papier. La première fois j’ai fait les dessins à l’aquarelle. Mais c’est long, ça coule. Aujourd’hui c’est la première fois que je testais avec les pastels. Et j’ai bien aimé !

Julien, tu as choisi d’inviter d’autres artistes pour certains de tes impromptus. Aujourd’hui, il s’agit de Chloé. Pourquoi ?

Julien : Je suis convaincu qu’un texte lu raisonne ensuite dans la personne. Mais si tu laisses un dessin, il raisonne plus encore. La démarche de la compagnie, ce sont les mots. Les mots qui prennent soin, les mots qui aident, qui soutiennent. Il y a une démarche portée sur la bibliothérapie. Le texte résonne aussi chez la personne qui m’accompagne. Pour moi le critère d’un bon spectacle, c’est la rémanence : qu’est-ce qu’il reste ? qu’est-ce qui raisonne ? Laisser un dessin c’est laisser une trace.

Chloé : Oui, puis parfois, les gens ne savent pas quoi faire ou qui regarder pendant la lecture, alors ils peuvent me regarder dessiner. Avec les enfants, ils ont beaucoup regardé le dessin pendant la lecture.  Là aujourd’hui, je les ai trouvés en face à face avec toi. Ils te regardaient, réagissaient à certains mots.

Chloé, quant à toi, pourquoi as-tu accepté l’invitation de Julien ?

Je trouvais intéressant de confronter mon univers avec celui de quelqu’un d’autre. J’aime beaucoup l’écriture de Julien. Elle est très illustrée ce qui me permet d’avoir des images en tête assez rapidement. On a une bonne complicité et j’aimais cette proposition au chevet. Je n’avais jamais fait de dessins au chevet donc cela m’intéressait.

Chloé, ce n’est pas ta première participation à Plaines Santé, tu étais intervenue l’année dernière avec ta compagnie, La Rustine. Qu’est ce qui t’intéresse dans ce dispositif ?

Le contact des gens. Je trouve ça bien de développer dessin et soin. Ce sont des milieux fermés, et nous venons leur apporter un ailleurs. J’aime bien aussi travailler avec les personnes âgées. Cette expérience-là me donne envie de creuser. Elle me conforte et me donne des idées pour des futurs projets !

Julien, comment as-tu travaillé à l’écriture de ces textes ? 

Pour les textes lus aujourd’hui, je me suis inspiré d’un auteur hongrois Dan Jacz. Ma démarche est aussi inspirée des recherches sur les neurones miroirs, une théorie en neurosciences qui stipule que : les mêmes zones neuronales sont stimulées si je fais l’action physiquement ou si j’entends juste le mot, ou le verbe qui désigne l’action.  Donc dans mes textes, il y a beaucoup de verbes d’action. On avance. On progresse dans une linéarité. On ne perd pas l’auditeur ou l’auditrice. Le champ lexical est aussi choisi scrupuleusement : nature, fleurs, animaux, avec l’idée que le mot va à un moment réveiller des choses profondes chez la personne.

Tu as aussi laissé un téléphone se promener dans les différents services … Tu peux nous en dire plus sur ce drôle de combiné ?

Oui ! C’est un projet né pendant le confinement à l’origine. Les personnes qui l’utilisent tapent un numéro et entendent un poème au bout du fil. Et à chaque fois, dans les services, j’ai procédé comme cela. Je demande aux personnes de choisir un poème et je leur lis. Ce sont des poèmes qui répondent tous à un besoin (rassurer, aimer, transporter, réchauffer, etc.)

Quel est le service que vous avez préféré ?

Julien : J’ai adoré la néonatalogie. C’était très fort. Les bébés étaient prématurés et ils avaient des électrocardiogrammes. Au fur et à mesure de la lecture, leur rythme cardiaque ralentissait. C’est l’infirmier qui me l’a indiqué. La lecture était adressée aux mamans. Le rythme du cœur de la maman baisse, et automatiquement le rythme cardiaque des bébés baisse. D’habitude je ne sais pas mesurer l’effet que j’ai avec mes lectures, or là, c’est devenu très tangible. C’était émouvant.

Chloé : les personnes âgées. J’ai envie de continuer à travailler avec ce public.

Tu as employé le mot bibliothérapie dans une des réponses précédentes, qu’est-ce que c’est ? 

La bibliothérapie, qui est une sous-branche de l’art-thérapie, consiste à utiliser le potentiel des mots dans un but de mieux-être, de détente (ou au contraire de dynamisation) et surtout de maintien de la créativité de chaque individu, à tout âge de la vie.
 
Ce matin, j’ai fait écrire des jeunes en grande souffrance psychique dans une unité pédopsychiatrique. Après avoir mis des mots sur des émotions très fortes qu’elles ressentaient, plusieurs patientes ont exprimé spontanément qu’elles se sentaient mieux.
 
Il y a deux grands types de bibliothérapie. Il y a une approche anglo-saxonne qui consiste à prescrire des ouvrages strictement informatifs. On préconise la lecture d’essais qui abordent ce dont le ou la patiente souffre, mais jamais de fiction. En France et dans les pays francophones, il y a une approche plus créative, auto-émancipatrice. Dans cette approche, on mobilise des extraits littéraires ou poétiques, et non des essais ou des livres de développement personnel. Ce sont les potentiels de la métaphore, de la polysémie du verbe, de la puissance cathartique d’un récit, qui agissent, résonnent et apaisent. Les mots ont une force d’impact colossale. Ils peuvent blesser. Mais ils peuvent aussi réunir, réparer, si on sait les choisir avec soin.

Larguer les amarres, direction l’Irlande avec les résidents de l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney

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Larguer les amarres, direction l’Irlande avec les résidents de l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney

Jeudi 28 septembre, nous sommes allées à la rencontre du duo de musiciens Margaux Liénard et Julien Biget à l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney à Cambrai. 

Le duo interprète ce jour-là un répertoire traditionnel irlandais composé de chansons d’amour, d’exode, d’exil, de marins et de ferrailleurs. Derrière eux, la grande baie vitrée de la demeure donne sur le jardin de la résidence. Les branches des arbres ondulent avec le vent. On pourrait croire qu’ils dansent. Le public assis est silencieux, attentif. On entend le talon de Julien battre la mesure sur le vieux plancher de la salle à manger. Puis, les cordes s’arrêtent. Les dernières notes d’une Polka disparaissent dans les airs. Les artistes sourient à leur public.

  • « Maintenant, vous n’avez plus d’excuses pour ne pas danser : nous allons jouer une danse que tout le monde connaît : une valse ! », s’écrie Margaux.
  •  « Ah, hélas, si on pouvait », rétorque Liliane en montrant son genou douloureux.

Ce jour-là, 22 résidents de l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney à Cambrai sont descendus dans la salle à manger pour écouter les musiciens. Le foyer se situe dans une très belle et grande maison bourgeoise, entourée d’un parc arboré, au milieu du béton de la ville. Mais hormis la poésie du jardin, les résidents ne voient pas souvent défiler des artistes.

« Est-ce que vous avez un autre travail ? », demande Liliane entre deux morceaux. Les deux musiciens rient et lui répondent avec bienveillance : « Non, notre travail c’est de jouer de la musique. » Liliane acquiesce, visiblement convaincue.

Fermer les yeux et danser sur le pont des bateaux 

Entre deux chansons, le duo traduit et explique les paroles des chansons. Margaux raconte son voyage en bateau jusqu’à l’Irlande et le scorbut des marins. Certains résidents ferment les yeux. Les marins irlandais dansent derrière leurs paupières. Sont-ils en train de danser avec eux ? Ils dansent sur le pont du bateau et rayent le plancher. Ils oublient le scorbut, les tempêtes et les genoux douloureux. Et puis, ils ouvrent de nouveau les yeux, revenus de leur grand voyage. C’est la dernière chanson.

« J’ai adoré, cela me rappelle quand j’allais danser au Marché Couvert à Cambrai, lors des repas dansants, se souvient Liliane. Malheureusement aujourd’hui, à 88 ans, je n’ai plus la santé pour ça ! ».

« C’est un bol d’air frais dans notre quotidien ! Merci ! vient dire Paul aux musiciens. Mais j’aimerais que vous chantiez des chansons que l’on connaît la prochaine fois. Pour qu’on puisse chanter ! »,  remarque le vieil homme. « Enfin, c’était très bien quand même ! », ajoute-t-il en les saluant.

Ce répertoire était une première pour les résidents de l’EHPAD. Lors de leurs précédentes représentations, Margaux et Julien ont proposé un répertoire traditionnel local, du Cambrésis.

INTERVIEW 

Margaux Liénard et Julien Biget, pour l’amour de la chanson traditionnelle

Pouvez-vous présenter votre duo ?

Margaux : Notre s’appelle Brunette à longuet. C’est le titre d’une chanson originaire de Cambrai. On voulait partager un répertoire local avec les gens d’ici. Il y a une partie du répertoire sur lequel je travaille depuis plusieurs années, et que je collecte dans les services d’archives ou auprès des gens sur le territoire de l’Avesnois-Thiérache. Avec Julien, on a étoffé le répertoire avec d’autres chansons traditionnelles de la région.

Julien : Pendant très longtemps, on a targué ces chansons de populaires, or aujourd’hui, elles ne le sont plus du tout. Personnellement, je m’intéresse aux musiques traditionnelles depuis toujours. J’ai été conquis par leur esthétisme simple et accessible. C’est cette simplicité qui permet leur passation orale.

Alors justement, parlons musiques traditionnelles : est-ce que cette catégorie de musique avait un rôle spécifique à l’époque ? une fonction sociale par exemple ?

Margaux : Oui, elles avaient plusieurs fonctions. Il y a les chansons narratives, les chansons de travail, les chansons de processions, les chansons d’enfants, etc. Il y a plein de contextes différents dans lesquels on chantait ces chansons.

Julien : La plupart des chansons qu’on chante se retrouvent quasiment partout en France. On en retrouve aussi au Québec. Les textes sont parfois très proches. Les mélodies en revanche évoluent. Les écritures de ces chansons ont été initiées par des gens de lettres au Moyen-Age.

Margaux : On parle de chansons traditionnelles quand elles se sont transmises oralement.

Julien : Il y a un ingrédient essentiel pour les percevoir et les recevoir, c’est la place de la métaphore. Il n’y a pas une seule phrase qui ne soit pas métaphorique.

Margaux, quelle est l’origine de cette récolte que tu as entreprise dans l’Avesnois-Thiérache ?

Margaux : Je suis de l’Avesnois de génération en génération. A force de chanter des musiques d’ailleurs, j’ai eu envie de revenir sur mon territoire, de redécouvrir ses chansons et ses musiques.

Et alors quelles découvertes as-tu faites ?

Margaux : C’est un territoire où les traditions ont disparu depuis plus longtemps que dans d’autres régions. C’est un travail de fourmi. Beaucoup de choses ont disparu mais il reste encore des traces parfois. Il y a aussi des traditions orales qui étaient là, et que je n’ai pas vu, par exemple dans certaines harmonies fanfares. Ces cultures ont disparu il y a très peu de temps. J’aurais presque pu les connaître et mes parents les ont connues. Mais elles existent encore dans certaines fanfares belges donc j’ai pu faire des ponts aussi avec les régions alentour.

Pourquoi ces cultures ont disparu ?

Margaux : Les guerres, la disparition des rassemblements pendant les guerres.

Julien : L’industrialisation aussi, qui a vidé les campagnes dès la fin du XIXe siècle.

Margaux : Oui, les gens voulaient des « choses » de la ville. Les cultures locales étaient stigmatisées, et ce dès le milieu du XIXe. On n’avait plus trop envie des violoneux pour danser, mais plutôt d’ensembles de musique plus « classes » venus de la ville.

Julien : Les traditions orales ont été mieux préservées dans des régions où il y a eu moins de passages, ou des régions préservées par des éléments naturels comme la Montagne, ou la Bretagne aussi qui est un cul-de-sac. Si on parle de tout ça, c‘est important. Cela explique pourquoi ces chansons ont disparu et pourquoi elles réapparaissent.

Et alors, pourquoi Plaines Santé ?

Margaux : Nous voulions diffuser ces chansons, les faire revivre sinon elles sont oubliées. Je ne voulais pas les laisser dans un carnet. Et puis, vu que j’ai beaucoup collecté ces traditions auprès des personnes âgées, je trouvais ça juste de venir les chanter dans un établissement de type EHPAD.

Julien : Nous sommes venus faire notre métier. Nous ne sommes pas des scientifiques. On collecte dans une démarche vivante de musiciens. Et puis, on a une expérience en milieu hospitalier depuis 7-8 ans, notamment avec le BIP.

Vous êtes bientôt à la fin de l’aventure Plaines Santé, après 13 représentations dans ces 2 EHPAD, quels sont vos ressentis ? votre bilan ?

Margaux : C’est un établissement qui n’avait jamais accueilli d’artistes dans ce contexte-là. Nous avions l’expérience du BIP qui nous a pas mal servi pour composer avec l’établissement et les animatrices sur place. En général, ça s’est très bien passé. On a dû convaincre pour des interventions au chevet, mais on y est arrivé. Les équipes ont été agréablement surprises et on va pouvoir le refaire. Nous sommes contents.

On a eu quelques remarques sur le fait que les chansons n’étaient pas assez connues. Alors on s’est adapté. On a ajouté le petit quinquin au répertoire par exemple. On a aussi dynamisé notre premier set. On fait chanter le public aussi quand ce sont des chansons à réponse.

Et puis on a accepté de jouer un autre répertoire que celui prévu initialement. Aujourd’hui, nous jouons de la musique traditionnelle irlandaise … en anglais ! On espère que cela va leur plaire.

Julien : Oui, c’est un public très exigeant.

La fée Linotte ouvre des portes au Centre Hospitalier de Saint-Quentin

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Mardi 3 octobre 2023, la comédienne-marionnettiste Fanchon Guillevic, compagnonne du Tas de Sable – Ches Panses Vertes, Centre National de la Marionnette, était au Centre Hospitalier de Saint-Quentin pour présenter l’impromptu A tire d’ailes pour les jeunes patients du service de pédiatrie.

Barbara entre dans la pièce où Fanchon se maquille. « Tu es prête ? demande gentiment la monitrice-éducatrice à sa complice du jour. Je vais voir si Chloé est disponible. » Chloé est une des adolescentes hospitalisées dans le service pédiatrique de l’hôpital. Sa maman est là en ce début d’après-midi, et c’est dans sa chambre que Fanchon, artiste marionnettiste, va jouer la première représentation de l’après-midi.

Pendant que Barbara prépare le terrain, Fanchon termine de recouvrir son visage d’un jaune métallisé. Face à l’évier, elle nous raconte comment se sont passées les représentations précédentes dans les autres services du centre hospitalier. Fanchon en est à sa troisième semaine d’intervention. Elle a joué pour différents services : les résidentes de deux EPHAD, les patients du service d’Oncologie-Hématologie et les enfants hospitalisés du service de pédiatrie. La petite forme scénique qu’elle présente a été spécialement pensée pour être jouée en milieu de soin, en chambre, au chevet des personnes empêchées.

Ce jour-là, en pédiatrie, Fanchon se présente dans 4 chambres. « Elle a du mérite !, commente Barbara Odelot, monitrice-éducatrice. Le fait de s’adapter à différents services n’est pas facile. Les personnes sont différentes. Elles n’ont pas forcément les mêmes attentes, explique-t-elle. Il faut trouver sa place quand on intervient. On entre dans une dynamique particulière à chaque fois. En pédiatrie, il faut être attentive au moindre regard, réflexion, parole. »

Pour Fanchon : « ce qui m’aide c’est d’être solide dans ma proposition, explique l’artiste, je sais que j’ai créé ce spectacle pour les adultes, en milieu de soin. Et je savais qu’il était facilement adaptable pour les ados. L’inverse aurait été plus compliqué. »

Un spectacle en toute intimité

Barbara vient d’aller demander à Chloé, de regagner sa chambre. Fanchon est prête. Elle sort de la salle d’atelier en poussant son castelet. Elle allume la musique et se dirige tout doucement dans le couloir où se trouve la chambre de Chloé. Assises sur le lit du fond, contre la fenêtre, l’adolescente et sa maman attendent le début de la représentation dans le noir. Fanchon entre avec ses sept portes. Elle referme délicatement celle de la chambre derrière elle. Le spectacle se fait en toute intimité, rien que pour Chloé et sa maman.

Barbara, ravie, occupe les autres adolescents autour d’un jeu de société. Elle va bientôt fermer les volets de la deuxième chambre où Fanchon se produira juste après.

« Nous, le personnel de l’hôpital, nous avons un regard professionnel avec des objectifs bien déterminés en fonction des patients. Les artistes quant à eux, apportent un regard neuf. C’est une autre dimension, explique l’éducatrice. Nous, on reste dans le côté médical : quand je les prends en ateliers, même si on est dans une pièce en dehors du service, l’objectif final c’est que l’enfant puisse adhérer aux soins et à la prise en charge psychologique. Les artistes amènent tout à fait autre chose. C’est pour cela que j’aime travailler sur ces projets-là. », confie Barbara.

INTERVIEW / Fanchon, de la poésie « à tire d’ailes »

Quel est l’origine de ton projet A tire d’ailes ?

Cette histoire démarre il y a quelques années. Ce projet est issu de mon double cursus comédienne-marionnettiste et art-thérapeute. Je n’ai jamais exercé en tant qu’art thérapeute mais j’ai gardé des souvenirs forts de mes passages dans les structures pendant mes stages. Et j’ai souhaité y revenir mais en tant qu’artiste.

Quand j’étais en master d’art-thérapie, j’ai conduit une recherche sur le castelet [petit théâtre de marionnettes] adaptable en milieu de soin.  Je voyais la pertinence d’aller au chevet des personnes. J’ai ensuite créé la petite forme A tire d’ailes, qui s’avère être une forme courte, en individuel, au chevet des personnes pour les publics empêchés au départ. Je voulais amener une forme artistique complète, un spectacle, en chambre.

Dès le départ, je voulais proposer une manière de s’évader. Je définis ce spectacle en « spectacle-soin », en tout cas moi c’est la dimension que j’y mets. J’ai pensé l’impact de soin au-delà du geste artistique. Et cela est dû à mon parcours de soignante.

Peux-tu nous présenter le personnage principal Linotte ?

Bien sûr ! Linotte est une fée, mère d’un univers. Elle a une grande robe brune, avec des grandes poches où elles cachent des choses. Elles se promènent toujours avec 7 portes. Elle vient ici pour passer un instant avec les patients. Derrière ses 7 portes, il y a 7 univers…

Comment te sers-tu de ces portes dans le spectacle ?

L’idée des portes m’est venue lors d’une résidence de création. Il s’agissait d’une semaine de recherche sur comment amener le spectacle en lieux fermés. Pour ce spectacle, j’installe les portes en chambre et autour du lit. Pendant la représentation, je fais la proposition d’ouvrir les portes. A chaque ouverture, nous faisons un voyage poétique dans un univers grâce à des lectures de Haïkus et du jeu. C’est précieux pour moi de pouvoir faire entendre de la poésie, et de la poésie qui me touche particulièrement.  Dans ce voyage, il y a aussi des images, de la manipulation d’objets et de lumières. Il y a aussi une marionnette et des silhouettes.

Pour te produire au chevet, tu utilises un castelet. Comment as-tu élaboré cet outil ?

Comme je disais précédemment, j’ai travaillé sur le castelet adaptable en milieu de soin pendant mes études. Mais je ne l’ai pas construit moi-même. Je ne voulais pas. J’ai convoqué Lucas Prieux pour m’aider à construire ce que j’avais dessiné : penser le chariot, le construire, réaliser les mécanismes.

Ensuite, Vincent Lengaine, ami et réalisateur-son a créé la bande son du spectacle. Je voulais vraiment offrir tous les éléments d’un spectacle jusqu’au son et les lumières.

Tout cela a été conçu sur-mesure pour s’adapter aux chambres d’hôpitaux. J’ai quand même dû m’adapter parfois car toutes les chambres n’ont pas un format standard, en EPHAD notamment. Les chambres étaient plus petites qu’à l’hôpital du coup je ne pouvais pas rentrer avec mon chariot. On a donc installé la scénographie ailleurs et ce sont les résidents et résidentes qui sont venus à moi, individuellement. Et cela a fonctionné aussi.

En milieu hospitalier, il faut savoir s’adapter comme disait Barbara Odelot, l’éducatrice avec qui tu as travaillé dans le service pédiatrie. De manière générale, que retiens-tu de ta collaboration avec le personnel ?

Alors, déjà j’étais ferme sur ma proposition : il s’agit d’une forme en chambre, au chevet. Je ne voulais pas renoncer à ça. J’ai proposé de rencontrer les équipes en amont pour leur présenter le projet.  J’ai eu le soutien précieux de la cadre. On a fait une réunion avec le Directeur et les autres cadres et ensuite on a géré par mail avec les équipes. J’ai donné en amont les dates où je venais. Je voulais des semaines entières pour être bien concentrée. Ensuite, j’ai surtout travaillé avec les éducatrices qui font le relais entre les patients, les résidents et moi. C’est tellement particulier d’intervenir en chambre. Je veux que le spectacle leur soit proposé mais absolument pas imposé. Et ce sont elles les interlocutrices identifiées au quotidien. Si besoin, s’il y a un peu de réticence, je viens en chambre pour me présenter. Souvent les animatrices ou éducatrices sont complices. Elles vont en chambre, elles ferment les volets, elles préparent la chambre à ma venue. Ce travail de collaboration avec les équipes est primordial et précieux.

De la « danse tout terrain » avec la compagnie Frichti Concept 

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Mardi 20 juin 2023, la compagnie Frichti Concept intervenait dans les EHPADs Saint-Vincent de Paul à Nogent-sur-Oise (60) et Les Marais à Margny-lès-Compiègne (60) pour une journée de virgules chorégraphiques dans le cadre du dispositif Plaines Santé.

Il est 10h00 passées quand Brendan Le Delliou, danseur et chorégraphe, et Virgine Avot, danseuse, membres de la compagnie Frichti arrivent dans le hall de l’EHPAD Saint-Vincent de Paul à Nogent-sur-Oise. L’impromptu artistique va bientôt commencer. Les artistes ont quelques minutes pour se changer et boire un café avant de rejoindre une première salle au rez-de-chaussée de l’établissement où des habitantes et habitants finissent de prendre leur petit déjeuner dans le calme. Les artistes déambulent entre les tables et les chaises sous le regard parfois médusé des habitants. Ensuite, rendez-vous à l’étage, où un autre groupe de résidentes les attendent. Là, la magie opère rapidement quand une des résidentes se lèvent pour rejoindre Virginie et danser avec elle !

Après ce grand moment d’émotions, la compagnie reprend la route direction la maison de retraite Les Marais à Margny-lès-Compiègne. Là encore, quelques résidents se lèvent pour danser…

Trouver refuge … avec le Collectif Errances

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Le Collectif Errances a posé ses valises le temps d’une semaine à la clinique Lautréamont à Loos (59) à côté de Lille dans le cadre du dispositif Plaines Santé. Lectures musicales et ateliers d’écritures créatives ont rythmé la semaine, jusqu’au vendredi où le collectif a présenté sa dernière création, Peupl.é.e.s, une « lecture musique sur puzzle-paysage ».

« Cela fait longtemps que je n’ai pas joué aussi tôt », lance Mélody Blocquel, metteuse en scène et interprète, fondatrice du collectif Errances. Assise sur le puzzle installé au milieu de la pièce, Mélody s’étire. Sarah Baraka, interprète, et Thomas Jankowski, musicien, patientent également, l’air détendu et concentré. Au fond de la salle, Madeline Wood, la scénographe est assise. C’est elle qui a réalisé le puzzle géant sur lequel vont déambuler les artistes. Les spectateurs et spectatrices seront invitées à s’asseoir sur les parties recouvertes de moquette, au sein même de l’installation. C’est une invitation à la balade, une immersion dans un paysage imaginaire, ou réel, au gré des envies et de la réception de chacun et chacune.

Les jours précédents, les artistes ont proposé des ateliers d’écriture autour de la thématique. « C’était très agréable », explique Patricia, une des participantes. Ecoutez-là :

Patricia explique ce qu’elle a fait durant les ateliers d’écriture

« Ce que j’aime, ce sont les débuts de marche … »

Il est 10h passées, la porte de la salle s’ouvre. Les trois artistes prennent place au milieu du puzzle pendant que les jeunes spectateurs et spectatrices s’installent tout autour. Thomas gratte les premières notes sur sa guitare. Mélody est assise, Sarah allongée, ses yeux ouverts regardent le plafond. La balade peut commencer, rythmée par les mots du texte écrit par Mélody. Les trois interprètes nous emmènent dans un lieu tenu secret, un chemin de bord de mer bordé de tamaris, avec vue sur une île. Libre à nous d’imaginer notre propre lieu refuge.

Patricia, spectatrice, nous partage ses ressentis après le spectacle

L’auditoire écoute, les visages sont détendus. Le puzzle retourné laisse apparaître des couleurs et des formes abstraites, douces et poétiques. Les personnes présentes ont accepté l’invitation : chacun et chacune semble revenir d’une promenade intérieure.

 

INTERVIEWS CROISÉES : LES ARTISTES, Mélody Blocquel, Sarah Baraka, Thomas Jankowski

Quels sont vos ressentis juste après la performance ? Comment avez-vous vécu le moment ?

Mélody : Je dirais que cela m’a aidé de voir des têtes connues. Nous avions rencontré ces personnes durant la semaine : nous avons partagé un ou plusieurs ateliers, nous les avons croisés dans les couloirs, on a partagé un repas. Je pense que cela a porté le spectacle. 

Sarah : Je suis d’accord. Voir des visages connus ; avoir traversé des choses avec certaines personnes, cela m’a aidé aussi. C’était comme avoir déjà un endroit commun. J’ai senti néanmoins que je mettais beaucoup d’énergie pour provoquer des réactions (rires). 

Mélody : Le spectacle était prévu à la fin d’une semaine d’ateliers et de rencontres avec les patients et patientes. Lundi j’ai joué un autre spectacle, puis nous avons fait une lecture musicale de Peuplées. À ce moment-là, on ne les connaissait pas. J’ai senti une différence. Ensuite, lors des ateliers, nous donnions et nous recevions aussi beaucoup. C’était un partage. Alors qu’aujourd’hui, c’était nous qui donnions quelque chose. Mais c’était très émouvant de leur partager ce qu’on leur a raconté cette semaine.

Sarah : Il y avait quelque chose de familier. Je me sentais plus à l’aise en fin de semaine. Lundi, on débarquait, on arrivait de l’extérieur, et on devait prendre place.     Là, nous étions davantage posés.

Était-ce la première fois que le Collectif Errances intervenait en milieu hospitalier ?

Mélody : C’est tout récent. On a eu un premier projet il y a 2 semaines à l’EPSM de l’agglomération lilloise, à côté de Lille. Mais un projet comme celui-ci avec autant de rencontres, c’était la première fois, pour moi, et pour le Collectif Errances.

Qu’est-ce que vous êtes venus chercher dans le cadre du dispositif Plaines Santé ?

Mélody : Le projet Peuplé.e.s a été pensé pour les lieux non dédiés au spectacle vivant. L’idée est d’aller vers les publics, de parler d’un lieu dans un autre lieu et pas dans une boîte noire de salle de spectacle. Dans le cadre de Plaines Santé, nous ne voulions pas uniquement proposer un spectacle mais nous souhaitions y aller petit à petit : partager du texte, de la musique, rendre accessible l’écriture poétique à travers les ateliers. Je voulais que les jeunes aillent chercher dans leurs imaginaires. Nous nous sommes vite rendus compte que ces jeunes avaient l’habitude de passer par l’écriture pour s’exprimer. Il n’y avait pas de blocages sur l’écrit alors nous sommes allés jusqu’au travail de l’oralité. Nous voulions croiser les voix, créer quelque chose de commun.

Thomas : Personnellement, je viens chercher du partage avant tout. Cela peut passer par l’énergie, de la musique, de l’attention. J’ai ressenti beaucoup d’attention cette semaine, une belle attention.

Est-ce que le spectacle a été écrit avec l’objectif de parler à des jeunes hospitalisés, en situation de soin ?

Mélody : Non. J’avais à l’origine l’envie de partager mon expérience, d’être dans un récit optimiste et vivant. Mais il est vrai que plus on avançait dans la création et plus on se disait que cela faisait vraiment sens de venir ici. Et puis en étant ici, on s’est rendu compte que c’était évident, que ça faisait écho aux jeunes. On en a parlé avec certains mercredi, il y a eu beaucoup de textes de leur part sur des souvenirs de vacances. Pour eux, l’enfance n’est pas très loin : le lieu de vacances est souvent un endroit agréable, qui leur fait du bien. 

INTERVIEWS CROISEES : LES SOIGNANTES, Anne et Emilia, infirmières en hôpital de jour

Pouvez-vous présenter brièvement la structure ?

Emilia : On accueille des jeunes de 13 à 25 ans quelques jours dans la semaine en hôpital de jour. Durant les journées où les jeunes sont là, on leur propose des ateliers animés par des intervenants professionnels. 

Quels sont vos ressentis juste après avoir assisté à la représentation du Collectif Errances ?

Anne : Une vraie découverte pour moi ! Je ne savais pas ce qu’était un spectacle vivant. J’étais très étonnée par l’aspect immersif. Il m’a fallu un temps d’adaptation  et après j’ai lâché prise et je me suis laissée aller. On a l’habitude des salles de spectacle où on est dans le noir, or là on était autant dans la lumière que les artistes.       Il et elles nous ont inclus dans leur spectacle et il m’a fallu accepter de prendre place… de trouver ma place.

Emilia : Pour ma part j’ai fait plusieurs ateliers avec elles durant la semaine et j’ai compris le lien entre les activités d’écriture et le spectacle. Quand j’ai entendu les phrases qu’on avait utilisées dans les ateliers, j’ai compris. C’était intéressant d’être inclus dans le spectacle.

D’un point de vue de soignante, en quoi ce genre de dispositifs est intéressant pour les jeunes que vous accueillez ?

Emilia : La découverte de l’inconnu, et qu’ils puissent profiter de nouvelles expériences !

Anne : Cela les invite à s’ouvrir, à s’éveiller, à se laisser surprendre. On a eu des retours très positifs.

Est-ce que c’est la première fois que la structure accueille des artistes sur une semaine ?

Emilia : Il y a quelques années, nous avions accueilli une compagnie de clowns sur une semaine également.

Vous avez assisté au spectacle comme les patients, est-ce que le fait d’être tous et toutes spectatrices et spectateurs, à égalité entre patients et soignants est quelque chose de nouveau pour vous ?

Anne : Lors des activités, les patients et les soignants sont toujours positionnés de la même manière. On vit l’expérience avec eux, avec elles, à égalité. Ce n’est pas nouveau. C’était naturel. 

Dans Peuplé.e.s, il y a plein de mots issus du champ lexical du soin : « se réparer », « renaître », « respirer », « souffler ». Avez-vous pensé que le texte était plutôt approprié au public ?

Oui, les retours sont positifs. Les jeunes nous ont dit qu’ils auraient bien aimé connaître le thème au départ, mais finalement, au fur et à mesure du spectacle, ils ont constitué leur propre monde. Et c’est ce qui s’est produit sur moi aujourd’hui : j’ai lâché prise et cela m’a apaisé. Et je me demande si cela leur a fait la même chose,    un apaisement vis-à-vis de leurs problématiques.

Emilia : Oui, j’ai vu des visages qui se sont détendus au fur et à mesure du spectacle. Je pense que la proposition les a détendus. Je pense que l’on pourra s’inspirer de cette expérience pour proposer de nouvelles choses dans le futur à nos patients.