Du théâtre documentaire pour réapprendre à parler de soi

Saison : 2023/2024 - Artistes : Collectif l a c a v a l e - Établissements : Association Ensemble Autrement

Vendredi 27 septembre 2024, le collectif l a c a v a l e et les usagers de l’association Ensemble Autrement étaient accueillis à la médiathèque du quartier Moulins à Lille pour la dernière représentation de la pièce Noires mines Samir, écrit et mis en scène par Antoine d’Heygere, et interprété par Adil Mekki.

 

Ensemble Autrement basée dans la métropole lilloise est une association qui travaille avec des personnes en situation de handicap psychique mais aussi en souffrance du handicap psychique. La structure travaille sur l’autonomisation dans la vie quotidienne et dans la vie sociale. Dans le cadre de Plaines Santé, elle a travaillé avec le collectif  l a c a v a l e . Retour en images et en sons sur la représentation du 27 septembre dernier.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

Marianne Maravilla , animatrice socio-culturelle pour Ensemble autrement

Pourquoi avez-vous voulu travailler avec le collectif l a c a v a l e dans le cadre de Plaines Santé ? Et comment s’est déroulé le projet ?

Nous étions intéressés par l’aspect documentaire de leur travail afin de travailler avec le public directement sur le vécu. Pour creuser la souffrance psychique, il faut essayer d’apprendre des choses sur soi. Or, la pièce Noires mines Samir raconte l’histoire d’une personne qui parle de son vécu, de ses difficultés : la drogue, l’alcool, l’acceptation de son homosexualité, la religion, tous des questionnements-là que notre public peut avoir.
On sait que ça peut amener à créer une discussion. Pour cela, nous avons pensé le projet en trois temps. Dans un premier temps, on voit le spectacle chez eux, en petit comité. Après le spectacle, le jour même, on goûte tous ensemble. On prend un goûter, un moment convivial où il y a des questions qui sont posées, parfois aussi des moments où chacun a besoin de raconter aussi son vécu.

La deuxième partie du projet consistait en un temps de rencontres dans lequel chacun doit réfléchir à une musique. Et de là, chacun raconte un souvenir avec et à travers cette chanson. On a appris encore une fois beaucoup de choses sur chacun de nos bénéficiaires.

Ensuite, il y avait cette représentation collective. Mais la dernière partie c’est manger un tiramisu tous ensemble, comme dit la fin du spectacle. Chaque habitat partagé, là où ils ont joué vont créer leur propre tiramisu. Et après, on va faire un concours du tiramisu où on goûte tous ensemble pour se dire au revoir.

Trois questions à Adil Mekki, comédien

Et qu’est-ce qui t’as plu quand tu as lu le script ?

Quand j’ai lu le texte, je me suis dit que c’était une histoire qu’on ne porte jamais sur les plateaux. Ce sont des corps qu’on ne voit jamais sur les plateaux. Ce sont des humains qu’on ne voit jamais sur les plateaux. Donc à partir de là, la question est simple : est-ce que c’est moi qui le porte ou pas ? Et oui, j’avais très envie de porter cette histoire-là, je trouvais que ça prenait sens au regard de mon histoire personnelle. Ce mec c’est à la fois mon père, mon grand-père, moi, je veux dire c’est le mec qu’on croise dans la rue, c’est tout le monde et personne à la fois et l’idée c’est d’en faire sur scène un héros tragique dans la mesure où des héros tragiques en fait on en a partout autour de nous, mais on ne les regarde plus parce qu’ils sont tous tragiques maintenant.

C’est toujours l’espoir qui guide ses pas, sa réflexion, ses envies et sa pulsion de vie. Il est animé par l’idée que l’amour existe, que l’amitié c’est fort et que le bonheur c’est ce qu’il faut aller toucher. Et il dit souvent « je voudrais bien être heureux » mais il est toujours confronté à des démons qu’il s’invente, qu’il se crée, qui sont l’autodétermination. Donc c’est un retour au fatum en fait, fatalement on est pleinement dans la tragédie grecque mais avec un personnage on ne peut plus contemporain.

Qu’est-ce que ça t’a fait de le jouer dans le cadre de Plaines Santé, de le montrer à des personnes qui souffrent peut-être de la même maladie que Samir ?

Le dispositif Plaines Santé est apparu comme assez évident pour ce spectacle. C’était la première fois que je me confrontais à un rôle de cette nature, c’est-à-dire une personne souffrant de troubles psychiques, mais ça n’a jamais été une donnée dans le travail aussi.

Dans le travail, dans le processus de création, à aucun moment on s’est posé la question de l’impact de ces troubles-là sur l’addiction ou le corps. C’était vraiment des indications de jeu comme on aurait pu dire d’un Roméo, d’une Juliette. Il n’a jamais été question de l’impact de la maladie dans le corps et dans la voix. Aussi, pour moi jouer devant des personnes qui connaissent ce parcours plus ou moins de loin me paraît comme nécessaire pour dire : « on vous voit, en tout cas moi, je vous vois, je vous sais et je suis là avec vous. »

C’était la dernière représentation dans le cadre de Plaines Santé aujourd’hui. Il y a eu beaucoup d’émotions. Tu les as remerciés pour ces rencontres intenses. Est-ce que tu aurais quelque chose qui t’a marqué particulièrement, que tu aurais envie de nous partager ?

L’association Ensemble Autrement a été une vraie rencontre. Je suis très content d’avoir fait la rencontre de ces femmes qui portent haut des valeurs d’humanisme. Je suis très content d’avoir rencontré ce pan de la société aussi, et je parle des personnes qui s’occupent des personnes qui souffrent. Le social ça existe, c’est fort, c’est beau, c’est une vraie leçon d’humilité. Je crois que dans chaque parcours d’humain on devrait passer par ça, et c’est très important. Et puis après, moi ça m’a donné envie de m’engager encore plus. Je le suis déjà dans mon artisanat, mais de l’être plus au jour le jour. L’engagement existe aussi dans la vie de tous les jours, et c’est ce que font ces femmes.