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Plaines Santé au foyer Victor Morel, des acrobaties sous le soleil

By | 2024/2025

Dans Passing Swiftly, Špela Vodeb et Christine Daigle bousculent les codes et se lancent dans une exploration physique et sensible du rapport à l’autre. Une pièce acrobatique accompagnée de musique live, jouée par Enguerran Wimez, et composée par Joris Pesquer. Le trio a la chance d’être acceuilli au foyer Victor Morel à Campagne-les-Hesdins, dans l le Pas-de-Calais, où une commission culture composée des résidents et de leur animateur, participe de près au dispositif Plaines Santé.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

Passing Swiftly : une expérience physique et sensible partagée avec les résidents – entretien

By | 2024/2025

Au foyer Victor Morel, ce sont les résidents et résidentes qui choisissent les artistes qui seront accueillis chez eux. Pour cela, l’équipe a monté une commission culture. Et leur motivation ne s’arrête pas là, car ils participent aussi à la commission de sélection des artistes pour l’ensemble du dispositif Plaines Santé.

Un investissement dont les résidents ne sont pas peu fiers et qui participent à changer le regard sur leurs situations. Changer les regards, faire évoluer les rôles, c’est aussi ce que propose la compagnie Un loup pour l’homme avec le duo acrobatique Passing swiftly.

Comment est né le spectacle Passing Swiftly ?

Christine : Le point de départ, c’était simple : on voulait voir ce que faisait deux voltigeuses qui se portent mutuellement. Ça partait d’une envie de tester, d’explorer, et aussi de questionner les rôles, en tant que femmes, en tant que personnes. On a travaillé autour de la zone de confort : comment on en sort, qu’est- ce que ça demande, comment on construit une relation de confiance et de communication autour de ça.

Et puis, au début, c’était une petite forme, créée pour une carte blanche. On s’est rendues compte qu’on avait envie de continuer, de faire évoluer le projet, de l’adapter pour aller à la rencontre des gens, en dehors des salles traditionnelles.

Justement, échanger les rôles de voltigeuse et de porteuse, ça représente quoi dans le monde du cirque ?

Christine : En acro, le porteur ou la porteuse est en bas, il·elle soulève. Le·la voltigeur·euse, c’est celui

ou celle qui est en l’air. Et nous, avec nos gabarits pas très grands, on a toujours été voltigeuses. Mais à chaque fois qu’on se croisait, on jouait à se porter, on rigolait, et on prenait du plaisir à ça. C’est devenu un terrain d’expérimentation, et c’est là que l’envie est née.

En fait, c’est aussi une façon de sortir des cadres habituels, de casser des normes, et de dire : tiens, et si on faisait autrement ?

De fil en aiguille, on a fait d’autres résidences, eu d’autres propositions. Et puis il y avait aussi cette envie d’avoir une forme très adaptable, très ouverte, où on peut vraiment sortir des boîtes noires des théâtres, aller vers les gens. Une forme techniquement légère, capable de se déplacer, pour aller à la rencontre de différents publics et de différents types de lieux. Ça a vraiment fait partie de la réflexion du processus.

 

La musique live semble jouer un rôle essentiel dans Passing Swiftly. Pourquoi ce choix ?

Enguerran : C’est super intéressant parce que la musique est vivante, comme le corps. Je m’adapte àleurs rythmes, à ce qu’il se passe sur scène. Ça devient un vrai dialogue. Et pour moi aussi, c’est une sortie de zone de confort.

Christine : Et depuis, la musique fait complètement partie du spectacle. Elle accompagne les moments de tension, de transition… On ne peut plus s’en passer ! Il joue à l’instant, il sent ce qu’on fait, il s’adapte. Et nous aussi, on réagit à ce qu’il joue. Il y a un dialogue qui se crée, un lien fort. C’est précieux.

Et pour toi Enguerran, qu’est-ce que ça t’apporte de jouer avec des gens qui ne font pas de musique ?

Avec la compagnie, on travaille ensemble depuis cinq ans, mais Passing Swiftly m’a clairement fait sortir de ma zone de confort. J’ai l’habitude de jouer en duo, avec un autre musicien, mais là, je suis seul avec ma guitare, face au public. Il a fallu que j’apprenne à lire une partition physique, à m’adapter en temps réel. Rien n’est figé, tout évolue. Et j’ai découvert le plaisir d’accompagner ce mouvement vivant, de chercher la note juste au bon moment. C’est un vrai défi, mais très stimulant.

Qu’est-ce que le dispositif Plaines Santé vous a apporté ?

Christine : Ce qui nous a plu, c’est le temps de la rencontre. Dans beaucoup de spectacles, tu arrives, tu joues, tu repars. Là, on prend le temps. On fait des ateliers, on échange.

Enguerran : C’est super intéressant parce que la musique est vivante, comme le corps. Je m’adapte. Ça nous permet aussi d’aller vers des publics qu’on ne voit pas dans les salles ou sous les chapiteaux. On sort tous de nos quotidiens, et ça crée des échanges très forts.

En quelques jours, avez-vous senti cette rencontre se produire avec les résident·es ?

Christine : Oui, tout de suite. Les gens ont été très accueillants, très généreux. Ils nous ont tout de suite intégrés. Ce qu’on partage, ce n’est pas juste un spectacle, c’est aussi un effort commun. Eux aussi se dépassent dans les exercices qu’on propose mais aussi tous les jours. Ce n’est pas spectaculaire, mais c’est profond. Il y a de la fragilité, de la sincérité, de l’énergie.

Špela : Et je pense que c’est un spectacle parfait pour ce lieu, parce que, comme Christine a dit, on est sortis de nos rôles habituels. Notre proposition est très simple. Et avec eux, ce qu’on fait, c’est aussi très simple, mais ça demande beaucoup d’efforts. Même des choses basiques, ça demande de l’énergie, de la force. Ce n’est pas forcément spectaculaire vu de l’extérieur, mais on voit l’effort. On partage ce type de dépassement. 

Et avec Christine, on a beaucoup travaillé sur la confiance, comment on se parle, comment on fait les choses ensemble. On se pose tout le temps la question : “Comment tu te sens ?”, “Qu’est-ce que tu as besoin ?”. Pour que la voltigeuse se sente en sécurité. Et ça, c’est important aussi à transmettre ici.

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Photographies: Gabriela Téllez

Apprivoiser nos casseroles avec la compagnie Le Tout collectif

By | 2024/2025

La saison 2025 de Plaine Santé est officiellement lancée. Pour ouvrir cette cinquième édition, direction le Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles spécialisées L’Espoir, à Hellemmes (59).

Il est presque 13h, ce vendredi 11 avril 2024. Dans la salle d’activité du centre, transformée pour l’occasion en espace scénique improvisé, deux paravents bleus font office de coulisses. Derrière l’un, Ondine enfile un long gilet orange. Derrière l’autre, Thyl se prépare, invisible mais déjà concentré. Le spectacle se jouera juste sous le panneau de basket, dans une lumière douce de mi-journée. Dehors, à travers les grandes baies vitrées, on aperçoit deux soignants allongés dans l’herbe, profitant de l’ombre d’un cerisier en fleurs.

Mais il est temps de commencer : la pause déjeuner ne dure que trente minutes. Une quarantaine de personnes – soignants, personnel administratif, quelques patients – ont fait le déplacement, intrigués par cette parenthèse artistique.

Ondine ouvre le bal et lance la musique. Surgissant de sa cachette, Thyl entre en scène dans le rôle de Marcellin, une grosse casserole rouge accrochée à lui. Elle l’entrave, le gêne, mais c’est aussi elle qui va provoquer la rencontre. Car Ondine, elle, sait comment « apprivoiser sa petite casserole ».

Pendant 25 minutes, le duo transporte le public dans un tourbillon d’émotions. On rit, on est touché, on se reconnaît. À la fin, les réactions fusent :

« C’était trop beau ! » s’exclame une soignante.
« J’ai pleuré tout du long », ajoute une collègue dans un sourire.
« Un très beau message », résume une autre.

À 13h30 pile, le public repart vers ses postes. Les deux comédiens, eux, restent un instant. Les visages détendus, les sourires complices : mission réussie.

« On a trouvé intéressant qu’une compagnie aborde le handicap avec ce ton-là »

Interview de Sylvain Pistone, médiateur culturel en charge des animations individuelles et collectives et du Pôle Culture du

Centre L’espoir

 

Pouvez-vous nous présenter brièvement le Centre L’espoir ?
Oui, c’est un centre de rééducation et de réadaptation. On y accueille des personnes souffrant de troubles de l’appareil neurologique ou locomoteur. On a également un hôpital de jour et un centre de santé.

Quelle place occupent actuellement la culture et les artistes ici, au sein du centre ?
Grâce à la DRAC avec qui nous sommes en partenariat depuis 2017, on s’inscrit soit dans le programme Circulation (résidences artistiques), soit dans celui de Plaine Santé. C’est la troisième fois qu’on accueille des équipes artistiques dans ce cadre-là.

Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans le programme Plaine Santé ?
Déjà, pour moi, c’est un programme “clé en main”, donc je n’ai pas grand-chose à faire, à part accueillir les artistes dans de bonnes conditions — ce qui est déjà important. Mais ce que j’apprécie particulièrement, c’est que le dispositif s’adresse à tout le monde : patients, personnel, familles, visiteurs… Ce n’est pas ciblé uniquement sur un public. J’aime cette idée d’entièreté. Que tout ce qu’on appelle les “blouses blanches” puissent aussi être intégrées dans le projet, ça me plaît beaucoup.

Cette ouverture à tous les publics, c’est une spécificité du programme Plaine Santé ?
C’est une spécificité des accompagnements proposés par la DRAC, pas uniquement de Plaines Santé. Le programme Circulation fonctionne pareil : c’est pensé pour tout le monde.

Comment procédez-vous pour choisir les artistes ?
On met en place un comité de pilotage composé généralement de thérapeutes, de soignants, de membres de la direction et moi-même. La DRAC nous propose une présélection d’artistes, une vingtaine au total. On en retient trois ou quatre : on classe nos vœux, puis c’est Plaines Santé qui répartit.

Les patients participent-ils à ce choix ?
Pas dans le cadre de Plaines Santé. En revanche, pour le programme Circulation, j’inclus une représentante des usagers dans le choix de l’artiste.

Est-ce que la compagnie Le corps collectif faisait partir de vos choix ?
Oui, elle faisait partie de nos quatre choix. Ce n’est pas moi personnellement qui l’ai choisie, mais on a spécifiquement été attirés par le projet autour de La Petite Casserole. C’était au moment de la sortie du film Un p’tit truc en plus, d’Arthus. Beaucoup l’avaient vu, et ont fait le lien entre les deux.
Ils ont trouvé intéressant qu’une compagnie aborde le handicap avec ce ton-là. On s’est dit que ce serait bien de l’avoir ici.

Et comment se passe leurs interventions ?
Très bien ! C’est leur deuxième passage. On a fait une première déambulation la semaine dernière.
Ils ont été bien accueillis, autant par les patients que par le personnel. C’est peut-être aussi grâce à leur approche humoristique.

Vous disiez que c’était un programme clé en main, mais concrètement, que signifie pour vous “accueillir une compagnie” ? Quelles sont les difficultés et les facilités ?
Ce n’est pas toujours simple. Pas à cause des patients, mais plutôt vis-à-vis du personnel soignant, qui est parfois un peu éloigné du monde artistique et culturel. Ils s’interrogent sur l’intérêt de la présence d’artistes dans un lieu de soin. Ça peut être un vrai défi pour moi, mais aussi un aspect passionnant du travail. On nous prend parfois pour des extraterrestres, que ce soit avec une danseuse, un plasticien ou une troupe de spectacle vivant, comme ici.

Et concrètement, comment vous organisez-vous pour les accueillir ?
L’idée, c’est de les rendre visibles, partout. Le centre est très grand, il faut beaucoup marcher, beaucoup se déplacer entre les services. Les artistes jouent un rôle de lien entre ces différents services. Cette transversalité est essentielle pour moi. Il faut aussi que tout le monde sache qu’ils sont là — c’est primordial.

Et pour les soignants qui sont parfois réticents, comment faites-vous pour les inclure davantage ?
C’est pour ça que le comité de pilotage est important : pour qu’ils aient leur mot à dire dans le choix ou l’accueil des artistes. Avec cette compagnie-là, c’est encore plus facile car ils fonctionnent avec des “impromptus”. Il n’y a pas de communication préalable : l’intervention artistique est une surprise.
Ils débarquent dans un service, lancent une performance, et les gens sont pris sur le vif, obligés de participer. J’avais un peu peur que ça tombe à plat, surtout dans des endroits plus isolés, mais là, ça a bien marché.

« Ça a tellement bien marché qu’on a eu envie d’en faire un vrai spectacle. »

Interview d’Ondine, Thyl et Jean Desbonnet de la compagnie Le Tout Collectif

 

Pouvez-vous vous présenter et présenter la compagnie ?

Ondine : Je suis comédienne et cofondatrice de la compagnie. Nos projets mélangent différents univers artistiques. On travaille beaucoup sur les questions de handicap, notamment avec des structures comme les Papillons Blancs.
Thyl : Je suis comédien amateur, mais je participe régulièrement aux créations de la compagnie.                                                                                                                             Jean : Je suis président de l’association qui porte administrativement la compagnie, et aussi un peu « homme à tout faire » des spectacles !

Pourquoi avez-vous souhaité participer au programme Plaines Santé ?
Ondine : Parce que ça correspond à nos valeurs. On crée des spectacles pour des lieux non dédiés à la scène. L’essentiel pour nous, c’est d’ouvrir le dialogue, de partager avec toutes les personnes, quelles que soient leurs histoires ou leurs parcours.                                                                                                                                           Jean : Et parce que c’est rémunéré – ce qui est rare ! Ça nous permet d’être tous présents, d’investir pleinement le projet. C’est important pour les artistes d’être reconnus aussi financièrement. Sinon on le ferait peut-être quand même… mais là, c’est vraiment possible.

Quel est le point de départ du spectacle La petite casserole ?
Ondine : À l’origine, c’est une adaptation libre de La petite casserole d’Anatole, un album jeunesse d’Isabelle Carrier. À l’origine, c’était un mini impromptu de 15 minutes pour le Téléthon à Armentières. Ça a tellement bien marché qu’on a eu envie d’en faire un vrai spectacle.

Comment avez-vous préparé les impromptus pour Plaines Santé ?
Ondine : On a choisi de ne pas tout dévoiler du spectacle. On a créé des petites scènes visuelles ou participatives, des détournements d’objets, de la danse dans les couloirs, des jeux avec le personnel… Le but, c’était de semer des graines, d’attiser la curiosité.
Thyl : On a prévu trois déambulations avant chaque représentation. Ensuite, il y a encore 2 dates à caler avec le futur service des grands brûlés qui ouvrira à l’automne.

Quels retours avez-vous reçus jusqu’à présent ?
Ondine : Très positifs. Les gens ont vraiment joué le jeu, même ceux qu’on pensait moins réceptifs, comme les services administratifs.
Thyl : Il y a eu une vraie participation, une curiosité, et pas mal de bonne humeur.

Thyl, comment arrivez-vous à concilier vie professionnelle à l’ESAT et vie artistique ?
Thyl : J’ai un trois-quarts temps à l’ESAT pour pouvoir me libérer du temps. C’est chargé, mais j’aime ça. Cela me permet de répéter, de me produire mais aussi de me reposer parfois. 

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Photographies: Gabriela Téllez

Quand l’opéra vient au chevet des résidents de l’EPHAD Les Charmilles à Barlin

By | 2023/2024

Vendredi 22 novembre 2024, la compagnie Ensemble II Buranello était à l’EHPAD Les Charmilles à Barlin dans le Pas-de-Calais pour une série de chansons au chevet et un concert pour l’ensemble des résidents.

Guy est assis sur la table près de la fenêtre. Il boit son café face au grand miroir où l’on peut lire « Le comptoir ». Nous sommes dans la cafétaria de l’EHPAD Les Charmilles , à Barlin. « J’aurais bien aimé jouer d’un instrument de musique », dit-il en évoquant ces souvenirs : « j’avais une guitare dans le temps, avec une petite méthode, mais j’aurais voulu apprendre l’orgue et jouer à l’Eglise ! ». Si Guy nous parle de musique, c’est que des musiciens s’échauffent dans le bureau de l’animateur, juste en face de lui. Stéphanie Revillion, soprano,  Zeljko Drion-Marric, chanteur et claveciniste, et Martin Billé au théorbe viennent d’arriver pour une nouvelle journée d’impromptus dans le cadre de Plaines Santé. Guy les connait, il a assisté aux différentes conférences que la compagnie a animé. « Ma préférée était celle sur l’orgue, dit-t-il, mais j’ai aimé aussi celle sur le clavecin », se remémore le sexagénaire.

« Quand on s’est rendu compte que c’était un petit établissement, nous avons dû adapter la proposition, explique Stéphanie Révillion, nous avons proposé une série de conférences sur les instruments baroque, des cours de chant, des concerts, etc. ». La présence d’une école maternelle a également permis de varier les publics en proposant aux enfants de venir assister aux concerts, ou en faisant des ateliers directement avec eux. « Du public extérieur et des résidents d’un autre EHPAD sont également venus », ajoute Yoann Pontois, animateur et care manager de l’établissement.

Quelques notes d’amour

 La matinée est consacrée à des concerts aux chevets pour les résidents de l’EHPAD. « Ce sont des personnes qui ne sortent pas de leur chambre et qui ne pourront pas être présentes cet après-midi pour le concert », explique Yoann Pontois.

« Bonjour Madame, je suis chanteuse, et nous allons vous interpréter une chanson d’amour », lance Stéphanie à Lucette, chambre 104.

 

Lucette, qui d’habitude « refuse tout » selon Yoan, a accepté le cadeau offert par les artistes. Assise sur son fauteuil à côté de la fenêtre, dans sa chambre aux murs rouges, elle écoute le regard un peu perdu, face aux photos encadrées qui ornent ses murs. Entre ses mains, posée sur sa tablette, une petite boule de Crystal. « J’étais un peu dans mes pensées, mais j’ai entendu », réagit-elle une fois les artistes partis. 

Ces derniers sont partis offrir quelques notes d’amour, chambre 116, à quelques pas de là. On peut les entendre du couloir, ce dont ne se prive pas Jean-Pierre, assis dans sa chaise roulante, qui écoute sur le pas de la porte.

« Je n’étais jamais allée à l’opéra »

Dans le couloir, il y a aussi Madame Lemaire, comme elle se présente. « Vous vous rendez-compte la chance qu’on a ? », interpelle-t-elle. « Je ne suis jamais allée à l’opéra, et voilà que l’opéra vient à moi ».  Elle nous raconte à quel point elle aime la musique, que cela la détend et lui rappelle des souvenirs. « Je n’écoute pas ce genre de musique habituellement, mais il faut être ouvert et curieux à tout ! », ajoute-elle pleine d’entrain. « Moi c’est la chanson Diego de Johnny Hallyday : à chaque fois que je l’écoute, je pleure ! » 

La tournée matinale se termine dans un petit salon où plusieurs résidents et résidentes sont réunis avec leur famille. Fabienne est venue rendre visite à son père, Jacques. Ils étaient en train de discuter quand le trio est arrivé. « Ce n’est pas l’image habituel de l’hôpital, c’est bien ! réagit-elle. Mon père était éveillé, j’ai vu qu’il était attentif, je crois que ça lui a fait du bien ».

« Notre rôle d’artiste en milieu de soin est essentiel »

Les trois artistes sont invités à déjeuner avec les résidents. Aujourd’hui c’est repas de fête : moules frites. Ils enchaineront cet après-midi avec un concert collectif. « Notre rôle d’artiste en milieu de soin est essentiel, confie Martin Billé, joueur de théorbe, et notre musique s’y prête énormément je crois ». Pour Stéphanie Révillion, même constat : « Je pense que c’est important d’aller à la rencontre de personnes qui ne peuvent pas avoir accès normalement à la culture. Je le fais ponctuellement depuis longtemps, mais avec Plaines Santé, cela se passe sur le temps long, c’est comme être en résidence », explique la chanteuse. « Et c’est ce temps long qui permet la rencontre. »

« C’est important nous à Barlin de faire venir la culture. Nous sommes dans le bassin minier, et quand les mines se sont arrêtées, tout s’est un peu arrêté. Nous voulons vraiment offrir aux résidents des propositions culturelles qui leur permettent de s’ouvrir et de découvrir des nouvelles choses », Yoan Pontois, animateur et care manager à l’EPHAD Les Charmilles.

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Photographies: Gabriela Téllez

« Qu’est-ce que c’est que ce cirque ! »

By | 2023/2024

Jeudi 17 octobre 2024, les artistes de la compagnie DYSPERCÉE ont proposé leur création Vibrations aux résidents du foyer Le Verger ( Univi Handicap – Le clos du nid de l’Oise) situé dans la commune de Le Tillet (60). Victor Debouvere à la jonglerie, Ségolène Brutin à la harpe et Joséphine Triballeau en contorsion, se sont invités dans les couloirs et les chambres pour de joyeux moments de musique et d’acrobaties.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

Carnet de bord de la compagnie Dyspercée

By | 2023/2024

Tout au long de leurs interventions artistiques pendant la saison 2023-2024, les membres de la compagnie Dyspercée ont tenu un carnet de bord dans lequel ils racontent leur expérience dans les établissements Le Verger et Le Beaucamp – UNIVI à Cires-lès-Mello. Voici une sélection de ces récits. 

20/02/2024

« Nous traversons de charmants villages, avant d’arriver enfin au clos du Nid.[…] On est heureux d’être là, je suis heureuse d’être là.»

« […] nous sommes accueillis chaleureusement par les résidents. Nous leur dévoilons les coulisses de notre préparation, en accordant nos corps et nos instruments, avant de leur livrer nos premières improvisations. Nous sommes surpris par la qualité de l’écoute et de l’attention que les résidents nous offrent. Un café, un biscuit et c’est reparti ! »

« C’est tout de suite comme une porte qui s’ouvre, un air vivifiant qui s’engouffre en moi »

« C’est à l’espace de restauration que nous faisons escale, entre le plat et le dessert! La harpe navigue entre les tables, les pieds et les diabolos effleurent le plafond… Nous nous amusons de ce lieu exigu, en nous apercevant que c’est aussi ce qui favorise la proximité avec les résidents. “Une harpe dans un réfectoire, on a jamais vu ça !” »

« Nous déroulons un long fil blanc, tenu par les résidents. Au fur et à mesure de notre tissage nous créons de nouveaux espaces de jeu dans lesquels Victor et moi nous faufilons… Nous nous rendons compte que ce fil tendu entre les résidents crée du lien entre eux, au sens propre comme au figuré. C’est une piste que nous avons très envie de pousser. »

« C’est dans une ambiance très bon enfant que notre improvisation évolue, c’est doux et on se sent accueilli, c’est fluide…»

« En arrivant sur les lieux, nous nous apercevons que tous les résidents présents dans la salle polyvalente se sont rassemblés pour observer notre dernière étape artistique de la journée. Le lieu est propice au travail “in situ” : on cherche à utiliser le mobilier, la verrière, les décors de Noël encore installés…De nouveaux visages viennent s’ajouter au groupe. “Quand est-ce que vous revenez ?”, “vous êtes là demain?”. Les résidents semblent aussi impatients que nous à l’idée de recommencer. Ils nous appellent par nos prénoms et nous commençons à retenir les leurs. »

 

21/02/2024

« Guidés par Denovan nous débutons notre voyage en “Amerique”. Denovan semble très impliqué dans la décoration de sa chambre! Nous débutons par une impro dynamique de Victor et Ségolène. Attirés par le son de la harpe, les résidents s’accumulent devant la porte de Denovan. Nous déambulons de chambre en chambre, reconnaissants de la confiance que nous offrent les résidents en nous partageant une part de leur intimité. Nous découvrons les singularités de chacun: Franck le mélomane, Sonia qui nous offre de jolis bracelets qu’elle a confectionné, Mariame qui nous suit partout, Louise et ses colliers de perles… »

« Nous voilà arrivés dans les Ateliers du foyer Le Verger. Nous naviguons de salle en salle sous les regards amusés/timides/étonnés des résidents. Victor jongle avec des planches de bois, Ségolène orne sa harpe de fleurs tandis que je me contorsionne sur les plans de travail. Nous en profitons pour découvrir les réalisations des “p’tites mains”. Nos propositions semblent les inspirer. Dans l’atelier bois, on entend “On pourrait faire une maquette de harpe !” C’est à se demander qui sont les véritables artistes! »

« On apprend que l’un des résidents, Nicolas, sait jongler. Une complicité se crée avec Victor qui lui promet de lui offrir ses anciennes balles de jonglerie lors de notre prochaine visite. »

« Nous retournons au groupe E, où nous avons commencé notre aventure hier matin. Une fois de plus nous sommes accueillis avec des applaudissements, du café, des biscuits… Quel sens de l’hospitalité! Nous livrons nos dernières forces lors d’une nouvelle “bulle de poésie”. Les regards bienveillants des résidents et de l’équipe encadrante nous font oublier la fatigue. Une demie-heure plus tard, nous voilà sur le départ, des bracelets aux poignets, des dessins dans les poches et des souvenirs plein la tête… »

18/10/2024

« 10h – Nous arrivons au Beaucamp. On reconnaît être encore drainés par les expériences intenses de la veille. Mais l’envie de poursuivre nos rencontres est plus
forte. Nous voyageons au travers de l’Europe (nom donné au couloir du 1er étage) à la rencontre de chacun. Nous commençons en douceur car certains sortent tout juste
de la sieste. Mais le calme est de courte durée et on se retrouve à chanter avec les résidents et à échanger autour de leurs passions. »

« On a même la possibilité d’explorer de nouveaux moteurs de jeu, ce qui nous prouve une fois de plus que nous devons approfondir nos recherches artistiques au-delà des Plaines Santé. »

« On fait un petit détour par les bureaux administratifs pour faire quelques bêtises artistiques à l’intention de Frédérique et Nadjia. Arlette surgit et surprend Victor sur le point de jongler avec un vase en verre. Frédérique a bien du mal à se concentrer sur sa conversation téléphonique…»

« Avant de partir, on est rejoint sur le parking par un jeune homme. Il nous apprend quelques mots en langue des signes. On apprend à dire “merci”. Alors on répète, merci, merci, merci…»

 

20/11/2024

《12h: Nous arrivons au Beaucamp, heureux de retrouver les sourires des résidents. On entend “oh les artistes, voilà les artistes!” Ségolène fait sonner la cloche et nous démarrons notre premier impromptu sur l’ensemble du rez-de-chaussée, entre le hall, l’orangeraie et les chambres. C’est la première fois que nous essayons ce “protocole artistique”. Nous sommes ravis de voir que les résidents nous accompagnent tout au long du chemin que nous dessinons. 》

16h30: Nous arrivons dans la salle du goûter, où nous nous installons pour développer une proposition musicale entre harpe et électro. Le mouvement vient s’ajouter à tout cela. Les autres résidents, attirés par la musique, nous rejoignent. A la fin de la proposition, l’un d’eux nous confie tout bas “j’ai beaucoup aimé, merci” Il fait déjà nuit. Avant de partir du Beaucamp nous échangeons avec Aude, Mariame… et Katy qui heureusement connaît le code de la porte ! 》
20h: nous célébrons ces Plaines Santé autour d’un gargantuesque repas au restaurant l’Eden (si vous connaissez pas, on vous le recommande vivement !)

 

21/11/2024

《10h30: C’est rassasiés et bien reposés que nous arrivons dans les ateliers du Verger. En quelques secondes, c’est la magie de Noël qui nous emporte : les petites maisons en bois, les décorations, les couronnes… On a envie de tout emporter avec nous. Ah oui, les impromptus, c’est pour ça qu’on est là! On démarre dans l’atelier fleur, avant de nous rendre dans l’atelier bois. Dans les couloirs je croise Nico et son grand sourire. “Il est là mon copain ?” me demande-t-il en parlant de Victor. Nous nous dirigeons ensuite vers l’atelier des boutonnier ou l’improvisation se termine par une valse et une demande en mariage ! On aura tout vécu au clos du Nid!  Nous clôturons la matinée à l’atelier boulangerie ou l’odeur du pain chaud entoure notre dernière improvisation. Margot distribue ses nombreuses photos sous le regard amusé et attendu des résidents qui se reconnaissent. On se prend dans les bras, on fait des “selfies”… La magie de Noël arrive à son paroxysme quand de gros flocons se mettent soudain à tomber du ciel. “Ce midi c’est truffade, youpi!” 》

《13h45: Le groupe E nous accueille pour notre intervention finale. On a envie de savourer l’instant. On prend le temps d’installer nos instruments et c’est parti: La harpe retentit, les notes de musique reprises par Victor qui les transforme Nous tissons un espace à l’aide d’une grande corde tenue par les résidents. L’un d’entre eux se lève et nous suit tout au long de cette improvisation, il se met debout sur sa chaise, danse, s’allonge au sol… je m’allonge à côté de lui et il me répète “ça fait du bien!” L’improvisation prend fin, le café et les biscuits viennent clôturer ce moment. Les résidents nous partagent leur impatience à l’idée de voir les fêtes de fin d’année approcher. “Je vais mettre une robe rouge et du maquillage” annonce l’une, “je vais avoir plein de kinder” dit l’autre… Nous quittons les lieux, reconnaissants de toute la confiance qui nous a été accordée cette année, et portés par la conviction que l’aventure ne fait que commencer pour VIBRATION…》

 

Des petites virgules dansées pour un moment de légèreté au CH Tourcoing

By | 2023/2024

Vendredi 6 décembre 2024, la compagnie de danse Frichti Concept donnait son dernier impromptu de la saison au Centre Hospitalier de Tourcoing (59). Le personnel des services administratifs ainsi que les enfants et parents du centre d’action médico-social précoce (CAMSP) ont eu le plaisir de se faire offrir des petites virgules dansées. Un moment de légèreté

Des notes de musique se font entendre dans le hall d’entrée de l’administration du Centre Hospitalier de Tourcoing. La mélodie nous guide vers les escaliers qui conduisent aux étages. Quatre à quatre nous montons les marches en carrelage blanc pour arriver nez à nez avec les deux danseurs. La musique est lente, agréable et nostalgique à la fois. Les mouvements sont synchronisés, chorégraphiés, élancés. Brendan Le Delliou et Damien Dreux lancent des sourires avant de tournoyer sur eux-mêmes. Le hall du service est exigu. A chaque jetée, les longs bras de Brendan effleurent le plafond. 

« C’était étonnant, confie Charlotte Grzonkowski, au contrôle de gestion. J’entendais de la musique de l’étage d’en dessous et je me demandais ce que c’était ! C’est une très belle récréation ! C’était impressionnant de voir des danseurs qui investissent l’espace comme ça. Quand j’irai déjeuner je verrai le hall différemment désormais ! » 

La musique a attiré les salariés qui semblent apprécier cette escapade matinale. A l’étage supérieur, les artistes prennent place dans le couloir étroit des services de la Direction. Quand la musique retentit, des têtes curieuses apparaissent à l’entrée des bureaux. Les yeux sont rivés sur les danseurs et les sourires se pendent aux lèvres. « Vous revenez demain ? » lance une dame amusée. « C’est bien, ça nous change de la visite des docteurs », dit une autre. 

« Nous sommes danseurs, et nous sommes là pour tout le monde. Nous voulions vous offrir une minute de danse. Nous sommes passés dans beaucoup de services de l’hôpital et nous voulions aussi venir voir les personnes qui travaillent dans les bureaux », explique Brendan Le Delliou, danseur et chorégraphe. La veille la compagnie a dansé pour les travailleurs de la blanchisserie. « C’était un super moment, se rappelle Brendan, d’abord ils étaient plutôt méfiants et ensuite on a eu un vrai temps d’échange. Ils étaient touchés qu’on vienne jusqu’à eux. Ils sont invisibles alors que leur travail est essentiel pour faire tourner l’hôpital. »

Boum matinale au CAMSP

Geneviève Bouillet, coordinatrice du CAMSP, le centre d’action médico-social précoce, nous accueille de derrière ses lunettes en forme de sapin de Noël. « Je ne les porte pas tous les jours, plaisante-t-elle, c’est qu’aujourd’hui c’est jour de fête. » Deux fois par an, le service organise une journée festive. Les deux danseurs tombent à pic. Les enfants et leurs parents s’amusent dans la grande salle d’attente jonchée de jouets. Les artistes lancent la musique, à peine perceptible dans le joyeux brouhaha. A l’avancée des deux danseurs, un petit garçon court intimidé vers sa maman : « je suis venue voir le pédiatre, explique-t-elle, et c’est la première fois que je vois quelque chose comme ça ici. » 

Sur un minuscule fauteuil bleu, une petite fille regarde attentive la chorégraphie. Son frère, Erwan, derrière elle, est tout aussi intrigué. « Encore » entend-t-on à la fin de la première virgule. « Qui veut m’offrir un geste ? » demande Brendan. Erwan accepte. Et Brendan lui offre une danse.  C’est ensuite au tour de Soujoud d’offrir une gracieuse pirouette, sous le regard très amusé de sa mère venue avec une amie. Nassim, plus timide, se gratte la tête. Damien se saisit du geste hésitant et propose à son tour une danse.  La rencontre se termine par une boum improvisée : personnel, enfants, parents, et jouets en plastique : tout le monde se met à bouger. 

Sortir du quotidien

A l’autre bout de la salle d’attente, Géraldine et Céline ont regardé les danseurs avec beaucoup de plaisir. « D’habitude, on attend, on gère les crises des enfants, ce n’est pas toujours facile, confie Géraldine. Là, je me sens détendue ! ». Emmanuelle, une autre maman, fondatrice d’une association pour les parents d’enfants souffrant d’un trouble du spectre autistique (Les Super TSA) a aimé : « Cela leur fait beaucoup de bien, ici, on vit des moments difficiles parfois. L’annonce du diagnostique par exemple est un moment douloureux pour les parents. » 

Il est temps de quitter les lieux pour les deux danseurs. C’est la fin de leur aventure Plaines Santé. « On est allé dans différents services, on a rencontré différentes personnes, des patients, des travailleurs de l’administration ou de la blanchisserie, et à chaque fois l’accueil était super. Ce type de dispositif est essentiel. », dit Damien en sortant. « Il y a toujours un petit vide quand ça se termine ». 

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Photographies: Gabriela Téllez

Des cartes postales en pagaille au foyer d’hébergement Léopold Bellan de Noyon

By | 2023/2024

Depuis octobre 2024, les artistes Louise Bronx et Martin Granger, de la compagnie Métalu A Chahuter, ont installé leur fabrique de cartes postales poétiques au Foyer d’hébergement -SAVS-SEAD de la Fondation Léopold Bellan à Noyon. Les résidents sont invités à créer des cartes postales pour les envoyer ensuite aux gens qu’ils aiment, ou à de parfaits inconnus. Une exposition se tiendra au Théâtre du Chevalet à Noyon, du 2 au 20 décembre 2024 afin de clore le projet.

Il est tout juste 14h, et Claudine attend le début de l’atelier. Martin, poète, musicien, s’installe à côté d’elle pour l’aider à rédiger un poème, selon la carte postale qu’elle a créée. Pour cela, Louise, artiste collagiste, leur ramène à chaque séance ses trésors de magazines à découper, et des cartes postales par dizaines. Ensemble, ils créent des images grâce à la technique du collage.

– Claudine, qu’est-ce qu’on peut dire de cette carte ?

– Y’a une dame – et des maisons.

– Plutôt des maisons de pauvres ou de riches ?

– De riches !

– Qui pourraient habiter dans ces maisons ?

– Des gens !

– Oui mais qui ?

– Je ne sais pas

– Et alors ce personnage au premier plan qu’est-ce qu’il fait ?

– Il danse !

Un peu plus loin, Louise range les magazines sur le rebord de la fenêtre, face au ginko plusieurs fois centenaire qui trône au milieu de la cour. « J’arrive, je vous rejoins tout de suite ! » Les participants arrivent au compte-goutte. Nous sommes vendredi après-midi, et certains sont encore au travail, à l’ESAT, situé à 2 kilomètres du foyer. En ce début d’après-midi pluvieux, seules les résidentes du foyer de vie sont au rendez-vous. Annie n’a manqué aucun atelier. « Tu vas choisir une autre carte Annie, quelque chose de plus simple pour qu’on puisse y ajouter deux personnages pour illustrer ce que pourraient être les retrouvailles avec ton frère ».  Louise prend la main d’Annie pour l’inviter à la table où a été disposée une pile de cartes postales.

Pendant ce temps, Martin et Claudine ont terminé le premier poème de l’après-midi. Martin le lit à voix haute. Tout le monde s’arrête pour écouter :

 

« Il y a des maisons de riches

Et c’est moi qui les habite

Pour fêter ça, je danse

En regardant les oiseaux »

De grands sourires accompagnent la lecture. C’est une approbation générale pour le haïku de Claudine.

« Le collage est une récréation »

Sur la table, des magazines sur divers sujets : automobiles, ski, mode, et aussi de vieilles encyclopédies illustrées. « On m’en offre, explique Louise. J’en achète aussi dans les Emmaüs, les ressourceries, les boîtes à livres. Le collage est une récréation. On peut créer ce que l’on veut. Je donne des idées parfois, je suggère des choses aussi mais ils me disent aussi quand ils n’aiment pas. C’est une cocréation entre les résidents et nous. L’important c’est de raconter une histoire. »

Patricia revient du travail. Elle travaille à l’ESAT de Noyon. Elle explique à Louise qu’elle a terminé son poste à midi et qu’elle a empaqueté des freins. Soudain, Martin s’exclame au loin : « cette femme va se transformer en moine anglo-saxon ». Tout le monde rit. Il est en train d’aider Claudine à réaliser un nouveau collage. Elle a besoin d’une figure féminine pour coller sur la carte qu’elle destine à son frère. « Tout est possible avec le collage ! »

Patricia se laisse tenter par l’atelier et décide de fabriquer une carte pour sa coiffeuse. « Elle aime bien couper. », précise-t-elle. « Ok, donc on cherche des petits ciseaux. », guide Louise. Patricia ne prend pas le temps d’enlever son anorak, ni son badge du travail. Elle se lance avec concentration dans la confection de sa carte.

« Je me sens utile, je sens que je leur fais du bien, explique Louise Bronx. Les résidents étaient en demande, ça leur fait du bien de pousser leur imagination. Si je pouvais, je ne ferais que ça ! »

Un camembert tout droit sorti des pies d’une vache

Tout est possible avec le collage, mais avec les mots aussi. C’est avec Annie désormais que Martin écrit un nouveau haïku. « Imagine que tu es en train de rêver et dans ton rêve il y a le camembert le, plus merveilleux. Comment est-il ? » aiguille l’artiste. « Il coule », répond Annie. « Il coule de la vache ! »

Pour Martin Granger, sa motivation est dans la rencontre : « On rencontre des gens, on voit du pays. C’est stimulant de faire de la poésie avec des gens qui ont peu de mots. Il y a de la bonne humeur, ça rigole. Parfois on doit mâcher le travail mais cela ne veut pas dire qu’il ne se passe pas quelque chose. Tout le monde a bien compris que la carte postale est un don que l’on fait à quelqu’un. Et ils ont voulu en envoyer à leurs familles et aux personnels du centre. Finalement on s’est éloigné de notre idée première qui était d’écrire à des inconnus, mais ce n’est pas grave.  On se marre bien ! On revient chez nous sur les rotules mais on vient en courant ! »

Interview

Est-ce que vous pouvez vous présenter et présenter la structure ? 

Je suis Yann Primault, je suis le directeur de l’établissement. Ici, on est dans un lieu de vie qui est géré par la Fondation Léopold Bellan, qui est au cœur de la ville de Noyon. C’est un lieu de vie qui accueille des adultes en situation de handicap : handicap mental et handicap psychique, et qui travaillent en milieu protégé.

Ils ne sont donc pas là en journée : ils partent le matin au travail à l’ESAT, qui est à 2 kilomètres d’ici. Ils reviennent le soir et ils sont là les week-ends. Certains habitant ici dans l’unité collective, d’autres habitent dans des appartements en centre-ville.

Par ailleurs, il y a d’autres personnes aussi qui ne travaillent plus, mais qui souhaitent continuer à habiter ici. Donc ils sont au foyer de vie où il y a des activités qui sont proposées en journée. Voilà, chacun a sa chambre, puis sa liberté, puis le niveau d’accompagnement qui correspond à ses besoins.

Qu’est-ce qui vous a motivé à postuler à Plaine Santé ? 

J’avais envie de faire entrer la culture au sein de l’établissement. C’est toujours bien de faire rentrer des gens extérieurs qui ne sont pas éducateurs, qui ne sont pas du métier. Ce sont d’autres regards, ce sont d’autres approches.

La culture, pour moi, c’est un ciment culturel. C’est un vrai support d’échange. On n’est plus la personne handicapée qui est accompagnée, on est tous des petits artistes à inventer, à faire de la poésie, donc je trouvais que c’était vraiment très intéressant. Et puis ce projet a été porté par certains professionnels ici, donc je l’ai vraiment soutenu. On a vraiment envie de pouvoir renouveler ce type d’expérience. 

C’est une première pour vous de faire venir des artistes dans l’établissement ? 

Personnellement, j’ai travaillé beaucoup dans des hôpitaux de jours, en psychiatrie, où on travaillait énormément avec des artistes. Théâtre, peinture, photographie. Le média culturel a toujours été un support de l’accompagnement et du soin.

Donc pour moi, c’était important de pouvoir le poursuivre ici. Et d’autant plus sur un lieu de vie. Et puis nous avions trouvé l’idée des cartes postales super. J’aimerais tellement recevoir d’un inconnu un poème, et encore plus un poème qui vient d’une structure qui accompagne des personnes en difficulté. Je trouve ça très réjouissant, très beau, et puis les poèmes et les collages sont très beaux.

C’est pour l’objet cartes postales que vous aviez choisi le duo Martin Granger et Louise Bronx ?

En fait, on ne savait pas trop, mais lors de la présentation, on a trouvé ça assez intéressant. Cette idée des poèmes, je trouvais ça vraiment très intéressant. Ils avaient expliqué que leur proposition était inspirée d’un poète dont le projet est d’envoyer un poème à chaque habitant de la terre.

Je trouve ça tellement beau ! Si on se consacrait tous un peu plus à ça, à faire des choses comme ça, complètement folles, mais hyper belles, je pense que le monde irait mieux. En plus, il y a cette idée où la culture vient dans l’établissement, ensuite la culture qui est créée ici repart, et elle refait du lien localement.

Elle va refaire du lien avec l’exposition notamment ? 

Exactement, l’exposition finale aura lieu au Chevalet, qui est la salle culturelle de Noyon, et après cela, les cartes postales seront envoyées.

Donc comme ça, tous les habitants, les partenaires, les familles, les résidents pourront venir voir les créations. Certains résidents qui ont fait des cartes postales préfèrent les envoyer à des gens qu’ils connaissent, à leurs familles, etc. Mais il me semble qu’il y aura aussi d’autres cartes postales qui seront envoyées comme ça, un peu… n’importe où.

Si vous deviez refaire Plaines Santé, aurez-vous envie de vous ouvrir à d’autres arts ?

Oui, oui, je n’ai pas d’idées arrêtées. Je trouve que le théâtre, ça serait aussi intéressant. La musique aussi ! La peinture… Je trouve que tout support est intéressant à partir du moment où c’est porté par un artiste. Il y a une sensibilité et des compétences propres aux artistes. Et je trouve que c’est une manière de valoriser les personnes qui sont ici.

Pour cette première participation, vous n’avez pas fait participer vos résidents au choix des artistes. Est-ce que c’est une chose que vous aimeriez faire évoluer ?

Oui, c’était une première, donc on a un peu tâtonné. Mais oui, ça a complètement vocation à ce que ce soit fait par les résidents. Par les éducateurs et les résidents, ensemble, qu’il y ait une vraie rencontre et que ce soit eux qui participent à ce choix.

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Photographies: Gabriela Téllez

Du théâtre documentaire pour réapprendre à parler de soi

By | 2023/2024

Vendredi 27 septembre 2024, le collectif l a c a v a l e et les usagers de l’association Ensemble Autrement étaient accueillis à la médiathèque du quartier Moulins à Lille pour la dernière représentation de la pièce Noires mines Samir, écrit et mis en scène par Antoine d’Heygere, et interprété par Adil Mekki.

 

Ensemble Autrement basée dans la métropole lilloise est une association qui travaille avec des personnes en situation de handicap psychique mais aussi en souffrance du handicap psychique. La structure travaille sur l’autonomisation dans la vie quotidienne et dans la vie sociale. Dans le cadre de Plaines Santé, elle a travaillé avec le collectif  l a c a v a l e . Retour en images et en sons sur la représentation du 27 septembre dernier.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

Marianne Maravilla , animatrice socio-culturelle pour Ensemble autrement

Pourquoi avez-vous voulu travailler avec le collectif l a c a v a l e dans le cadre de Plaines Santé ? Et comment s’est déroulé le projet ?

Nous étions intéressés par l’aspect documentaire de leur travail afin de travailler avec le public directement sur le vécu. Pour creuser la souffrance psychique, il faut essayer d’apprendre des choses sur soi. Or, la pièce Noires mines Samir raconte l’histoire d’une personne qui parle de son vécu, de ses difficultés : la drogue, l’alcool, l’acceptation de son homosexualité, la religion, tous des questionnements-là que notre public peut avoir.
On sait que ça peut amener à créer une discussion. Pour cela, nous avons pensé le projet en trois temps. Dans un premier temps, on voit le spectacle chez eux, en petit comité. Après le spectacle, le jour même, on goûte tous ensemble. On prend un goûter, un moment convivial où il y a des questions qui sont posées, parfois aussi des moments où chacun a besoin de raconter aussi son vécu.

La deuxième partie du projet consistait en un temps de rencontres dans lequel chacun doit réfléchir à une musique. Et de là, chacun raconte un souvenir avec et à travers cette chanson. On a appris encore une fois beaucoup de choses sur chacun de nos bénéficiaires.

Ensuite, il y avait cette représentation collective. Mais la dernière partie c’est manger un tiramisu tous ensemble, comme dit la fin du spectacle. Chaque habitat partagé, là où ils ont joué vont créer leur propre tiramisu. Et après, on va faire un concours du tiramisu où on goûte tous ensemble pour se dire au revoir.

Trois questions à Adil Mekki, comédien

Et qu’est-ce qui t’as plu quand tu as lu le script ?

Quand j’ai lu le texte, je me suis dit que c’était une histoire qu’on ne porte jamais sur les plateaux. Ce sont des corps qu’on ne voit jamais sur les plateaux. Ce sont des humains qu’on ne voit jamais sur les plateaux. Donc à partir de là, la question est simple : est-ce que c’est moi qui le porte ou pas ? Et oui, j’avais très envie de porter cette histoire-là, je trouvais que ça prenait sens au regard de mon histoire personnelle. Ce mec c’est à la fois mon père, mon grand-père, moi, je veux dire c’est le mec qu’on croise dans la rue, c’est tout le monde et personne à la fois et l’idée c’est d’en faire sur scène un héros tragique dans la mesure où des héros tragiques en fait on en a partout autour de nous, mais on ne les regarde plus parce qu’ils sont tous tragiques maintenant.

C’est toujours l’espoir qui guide ses pas, sa réflexion, ses envies et sa pulsion de vie. Il est animé par l’idée que l’amour existe, que l’amitié c’est fort et que le bonheur c’est ce qu’il faut aller toucher. Et il dit souvent « je voudrais bien être heureux » mais il est toujours confronté à des démons qu’il s’invente, qu’il se crée, qui sont l’autodétermination. Donc c’est un retour au fatum en fait, fatalement on est pleinement dans la tragédie grecque mais avec un personnage on ne peut plus contemporain.

Qu’est-ce que ça t’a fait de le jouer dans le cadre de Plaines Santé, de le montrer à des personnes qui souffrent peut-être de la même maladie que Samir ?

Le dispositif Plaines Santé est apparu comme assez évident pour ce spectacle. C’était la première fois que je me confrontais à un rôle de cette nature, c’est-à-dire une personne souffrant de troubles psychiques, mais ça n’a jamais été une donnée dans le travail aussi.

Dans le travail, dans le processus de création, à aucun moment on s’est posé la question de l’impact de ces troubles-là sur l’addiction ou le corps. C’était vraiment des indications de jeu comme on aurait pu dire d’un Roméo, d’une Juliette. Il n’a jamais été question de l’impact de la maladie dans le corps et dans la voix. Aussi, pour moi jouer devant des personnes qui connaissent ce parcours plus ou moins de loin me paraît comme nécessaire pour dire : « on vous voit, en tout cas moi, je vous vois, je vous sais et je suis là avec vous. »

C’était la dernière représentation dans le cadre de Plaines Santé aujourd’hui. Il y a eu beaucoup d’émotions. Tu les as remerciés pour ces rencontres intenses. Est-ce que tu aurais quelque chose qui t’a marqué particulièrement, que tu aurais envie de nous partager ?

L’association Ensemble Autrement a été une vraie rencontre. Je suis très content d’avoir fait la rencontre de ces femmes qui portent haut des valeurs d’humanisme. Je suis très content d’avoir rencontré ce pan de la société aussi, et je parle des personnes qui s’occupent des personnes qui souffrent. Le social ça existe, c’est fort, c’est beau, c’est une vraie leçon d’humilité. Je crois que dans chaque parcours d’humain on devrait passer par ça, et c’est très important. Et puis après, moi ça m’a donné envie de m’engager encore plus. Je le suis déjà dans mon artisanat, mais de l’être plus au jour le jour. L’engagement existe aussi dans la vie de tous les jours, et c’est ce que font ces femmes.

Les oiseaux swinguent à l’EPSM de la Somme

By | 2023/2024

Jeudi 12 septembre 2024, le trio vocal The Swing Birds étaient à l’EPSM de la Somme pour une journée d’impromptus dans le cadre de Plaines Santé. Chorale minute et siestes sonores étaient au rendez-vous.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

« Personnellement j’ai beaucoup pleuré, raconte Eva sous l’œil bienveillant et amusé de ses comparses. L’autre jour, lors de nos passages en chambre, j’ai discuté avec Monique, qui m’a parlé de son chemin et des raisons de sa présence ici. C’était un échange très précieux. Par le chant, j’ai eu l’impression de lui donner un peu de bonheur. Elle s’est souvenue d’une chanson. Elle ne savait plus pourquoi elle la connaissait et où elle l’avait apprise mais elle s’est réjouit que sa mémoire fonctionne encore ! »

La chanson dont se souvient Monique est celle de Charles Aznavour, Formi-formidable. Eva Gentili, Perle Solvès et Alice Fraiche Pech, les trois chanteuses la reprennent en harmonie devant le public de l’unité de psycho-gériatrie de l’EPSM. Une chorale minute se dessine ensuite avec une autre chanson.

« L’idée était de proposer différentes choses selon les publics, explique Alice Fraiche Pech. Un instant en tête à tête, en chambre, pour un vrai échange. J’avais aussi très envie de mêler les patients et les soignants en proposant des siestes sonores. Enfin, nous proposons un atelier où nous créons ensemble sous la forme d’une chorale minute ».

Après la pause déjeuner, le trio se rend dans un autre établissement de l’EPSM, l’hôpital de jour pour adolescents. Cette fois, c’est une sieste sonore qui attend les patients et le personnel, ravit de se voir offrir cette pause bien méritée.

Pierre-Antoine Joliveau, infirmier cadre santé, responsable de 3 unités auprès d’adolescents à l’EPSM de la Somme :

« Faire venir des artistes au sein de l’établissement crée de la surprise pour des jeunes qui rencontrent des difficultés dans leur quotidien, dans leurs familles d’accueil, ou dans leurs foyers. Parfois le seul accès à la culture qu’ils ont passe par la télévision. Or, c’est face à l’inattendu, qu’on repère leurs capacité d’adaptation. Les jeunes ont pris plaisirs, chacun à leur façon car ils ont des troubles différents. Certains n’ont pas été en capacité de s’allonger mais ils étaient présents pendant que d‘autres étaient dans l’exercice à 100%. Et pour le personnel, c’était un moment de détente et de plaisir aussi. Un professionnel qui prend plaisir, accompagne un peu plus facilement les jeunes. »