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« Qu’est-ce que c’est que ce cirque ! »

By | 2023/2024

Jeudi 17 octobre 2024, les artistes de la compagnie DYSPERCÉE ont proposé leur création Vibrations aux résidents du foyer Le Verger ( Univi Handicap – Le clos du nid de l’Oise) situé dans la commune de Le Tillet (60). Victor Debouvere à la jonglerie, Ségolène Brutin à la harpe et Joséphine Triballeau en contorsion, se sont invités dans les couloirs et les chambres pour de joyeux moments de musique et d’acrobaties.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

Carnet de bord de la compagnie Dyspercée

By | 2023/2024

Tout au long de leurs interventions artistiques pendant la saison 2023-2024, les membres de la compagnie Dyspercée ont tenu un carnet de bord dans lequel ils racontent leur expérience dans les établissements Le Verger et Le Beaucamp – UNIVI à Cires-lès-Mello. Voici une sélection de ces récits. 

20/02/2024

« Nous traversons de charmants villages, avant d’arriver enfin au clos du Nid.[…] On est heureux d’être là, je suis heureuse d’être là.»

« […] nous sommes accueillis chaleureusement par les résidents. Nous leur dévoilons les coulisses de notre préparation, en accordant nos corps et nos instruments, avant de leur livrer nos premières improvisations. Nous sommes surpris par la qualité de l’écoute et de l’attention que les résidents nous offrent. Un café, un biscuit et c’est reparti ! »

« C’est tout de suite comme une porte qui s’ouvre, un air vivifiant qui s’engouffre en moi »

« C’est à l’espace de restauration que nous faisons escale, entre le plat et le dessert! La harpe navigue entre les tables, les pieds et les diabolos effleurent le plafond… Nous nous amusons de ce lieu exigu, en nous apercevant que c’est aussi ce qui favorise la proximité avec les résidents. « Une harpe dans un réfectoire, on a jamais vu ça ! » »

« Nous déroulons un long fil blanc, tenu par les résidents. Au fur et à mesure de notre tissage nous créons de nouveaux espaces de jeu dans lesquels Victor et moi nous faufilons… Nous nous rendons compte que ce fil tendu entre les résidents crée du lien entre eux, au sens propre comme au figuré. C’est une piste que nous avons très envie de pousser. »

« C’est dans une ambiance très bon enfant que notre improvisation évolue, c’est doux et on se sent accueilli, c’est fluide…»

« En arrivant sur les lieux, nous nous apercevons que tous les résidents présents dans la salle polyvalente se sont rassemblés pour observer notre dernière étape artistique de la journée. Le lieu est propice au travail « in situ » : on cherche à utiliser le mobilier, la verrière, les décors de Noël encore installés…De nouveaux visages viennent s’ajouter au groupe. « Quand est-ce que vous revenez ? », « vous êtes là demain? ». Les résidents semblent aussi impatients que nous à l’idée de recommencer. Ils nous appellent par nos prénoms et nous commençons à retenir les leurs. »

 

21/02/2024

« Guidés par Denovan nous débutons notre voyage en « Amerique ». Denovan semble très impliqué dans la décoration de sa chambre! Nous débutons par une impro dynamique de Victor et Ségolène. Attirés par le son de la harpe, les résidents s’accumulent devant la porte de Denovan. Nous déambulons de chambre en chambre, reconnaissants de la confiance que nous offrent les résidents en nous partageant une part de leur intimité. Nous découvrons les singularités de chacun: Franck le mélomane, Sonia qui nous offre de jolis bracelets qu’elle a confectionné, Mariame qui nous suit partout, Louise et ses colliers de perles… »

« Nous voilà arrivés dans les Ateliers du foyer Le Verger. Nous naviguons de salle en salle sous les regards amusés/timides/étonnés des résidents. Victor jongle avec des planches de bois, Ségolène orne sa harpe de fleurs tandis que je me contorsionne sur les plans de travail. Nous en profitons pour découvrir les réalisations des “p’tites mains”. Nos propositions semblent les inspirer. Dans l’atelier bois, on entend « On pourrait faire une maquette de harpe ! » C’est à se demander qui sont les véritables artistes! »

« On apprend que l’un des résidents, Nicolas, sait jongler. Une complicité se crée avec Victor qui lui promet de lui offrir ses anciennes balles de jonglerie lors de notre prochaine visite. »

« Nous retournons au groupe E, où nous avons commencé notre aventure hier matin. Une fois de plus nous sommes accueillis avec des applaudissements, du café, des biscuits… Quel sens de l’hospitalité! Nous livrons nos dernières forces lors d’une nouvelle « bulle de poésie ». Les regards bienveillants des résidents et de l’équipe encadrante nous font oublier la fatigue. Une demie-heure plus tard, nous voilà sur le départ, des bracelets aux poignets, des dessins dans les poches et des souvenirs plein la tête… »

18/10/2024

« 10h – Nous arrivons au Beaucamp. On reconnaît être encore drainés par les expériences intenses de la veille. Mais l’envie de poursuivre nos rencontres est plus
forte. Nous voyageons au travers de l’Europe (nom donné au couloir du 1er étage) à la rencontre de chacun. Nous commençons en douceur car certains sortent tout juste
de la sieste. Mais le calme est de courte durée et on se retrouve à chanter avec les résidents et à échanger autour de leurs passions. »

« On a même la possibilité d’explorer de nouveaux moteurs de jeu, ce qui nous prouve une fois de plus que nous devons approfondir nos recherches artistiques au-delà des Plaines Santé. »

« On fait un petit détour par les bureaux administratifs pour faire quelques bêtises artistiques à l’intention de Frédérique et Nadjia. Arlette surgit et surprend Victor sur le point de jongler avec un vase en verre. Frédérique a bien du mal à se concentrer sur sa conversation téléphonique…»

« Avant de partir, on est rejoint sur le parking par un jeune homme. Il nous apprend quelques mots en langue des signes. On apprend à dire « merci ». Alors on répète, merci, merci, merci…»

 

20/11/2024

《12h: Nous arrivons au Beaucamp, heureux de retrouver les sourires des résidents. On entend “oh les artistes, voilà les artistes!” Ségolène fait sonner la cloche et nous démarrons notre premier impromptu sur l’ensemble du rez-de-chaussée, entre le hall, l’orangeraie et les chambres. C’est la première fois que nous essayons ce “protocole artistique”. Nous sommes ravis de voir que les résidents nous accompagnent tout au long du chemin que nous dessinons. 》

16h30: Nous arrivons dans la salle du goûter, où nous nous installons pour développer une proposition musicale entre harpe et électro. Le mouvement vient s’ajouter à tout cela. Les autres résidents, attirés par la musique, nous rejoignent. A la fin de la proposition, l’un d’eux nous confie tout bas “j’ai beaucoup aimé, merci” Il fait déjà nuit. Avant de partir du Beaucamp nous échangeons avec Aude, Mariame… et Katy qui heureusement connaît le code de la porte ! 》
20h: nous célébrons ces Plaines Santé autour d’un gargantuesque repas au restaurant l’Eden (si vous connaissez pas, on vous le recommande vivement !)

 

21/11/2024

《10h30: C’est rassasiés et bien reposés que nous arrivons dans les ateliers du Verger. En quelques secondes, c’est la magie de Noël qui nous emporte : les petites maisons en bois, les décorations, les couronnes… On a envie de tout emporter avec nous. Ah oui, les impromptus, c’est pour ça qu’on est là! On démarre dans l’atelier fleur, avant de nous rendre dans l’atelier bois. Dans les couloirs je croise Nico et son grand sourire. “Il est là mon copain ?” me demande-t-il en parlant de Victor. Nous nous dirigeons ensuite vers l’atelier des boutonnier ou l’improvisation se termine par une valse et une demande en mariage ! On aura tout vécu au clos du Nid!  Nous clôturons la matinée à l’atelier boulangerie ou l’odeur du pain chaud entoure notre dernière improvisation. Margot distribue ses nombreuses photos sous le regard amusé et attendu des résidents qui se reconnaissent. On se prend dans les bras, on fait des « selfies”… La magie de Noël arrive à son paroxysme quand de gros flocons se mettent soudain à tomber du ciel. “Ce midi c’est truffade, youpi!” 》

《13h45: Le groupe E nous accueille pour notre intervention finale. On a envie de savourer l’instant. On prend le temps d’installer nos instruments et c’est parti: La harpe retentit, les notes de musique reprises par Victor qui les transforme Nous tissons un espace à l’aide d’une grande corde tenue par les résidents. L’un d’entre eux se lève et nous suit tout au long de cette improvisation, il se met debout sur sa chaise, danse, s’allonge au sol… je m’allonge à côté de lui et il me répète “ça fait du bien!” L’improvisation prend fin, le café et les biscuits viennent clôturer ce moment. Les résidents nous partagent leur impatience à l’idée de voir les fêtes de fin d’année approcher. “Je vais mettre une robe rouge et du maquillage” annonce l’une, “je vais avoir plein de kinder” dit l’autre… Nous quittons les lieux, reconnaissants de toute la confiance qui nous a été accordée cette année, et portés par la conviction que l’aventure ne fait que commencer pour VIBRATION…》

 

Des petites virgules dansées pour un moment de légèreté au CH Tourcoing

By | 2023/2024

Vendredi 6 décembre 2024, la compagnie de danse Frichti Concept donnait son dernier impromptu de la saison au Centre Hospitalier de Tourcoing (59). Le personnel des services administratifs ainsi que les enfants et parents du centre d’action médico-social précoce (CAMSP) ont eu le plaisir de se faire offrir des petites virgules dansées. Un moment de légèreté

Des notes de musique se font entendre dans le hall d’entrée de l’administration du Centre Hospitalier de Tourcoing. La mélodie nous guide vers les escaliers qui conduisent aux étages. Quatre à quatre nous montons les marches en carrelage blanc pour arriver nez à nez avec les deux danseurs. La musique est lente, agréable et nostalgique à la fois. Les mouvements sont synchronisés, chorégraphiés, élancés. Brendan Le Delliou et Damien Dreux lancent des sourires avant de tournoyer sur eux-mêmes. Le hall du service est exigu. A chaque jetée, les longs bras de Brendan effleurent le plafond. 

« C’était étonnant, confie Charlotte Grzonkowski, au contrôle de gestion. J’entendais de la musique de l’étage d’en dessous et je me demandais ce que c’était ! C’est une très belle récréation ! C’était impressionnant de voir des danseurs qui investissent l’espace comme ça. Quand j’irai déjeuner je verrai le hall différemment désormais ! » 

La musique a attiré les salariés qui semblent apprécier cette escapade matinale. A l’étage supérieur, les artistes prennent place dans le couloir étroit des services de la Direction. Quand la musique retentit, des têtes curieuses apparaissent à l’entrée des bureaux. Les yeux sont rivés sur les danseurs et les sourires se pendent aux lèvres. « Vous revenez demain ? » lance une dame amusée. « C’est bien, ça nous change de la visite des docteurs », dit une autre. 

« Nous sommes danseurs, et nous sommes là pour tout le monde. Nous voulions vous offrir une minute de danse. Nous sommes passés dans beaucoup de services de l’hôpital et nous voulions aussi venir voir les personnes qui travaillent dans les bureaux », explique Brendan Le Delliou, danseur et chorégraphe. La veille la compagnie a dansé pour les travailleurs de la blanchisserie. « C’était un super moment, se rappelle Brendan, d’abord ils étaient plutôt méfiants et ensuite on a eu un vrai temps d’échange. Ils étaient touchés qu’on vienne jusqu’à eux. Ils sont invisibles alors que leur travail est essentiel pour faire tourner l’hôpital. »

Boum matinale au CAMSP

Geneviève Bouillet, coordinatrice du CAMSP, le centre d’action médico-social précoce, nous accueille de derrière ses lunettes en forme de sapin de Noël. « Je ne les porte pas tous les jours, plaisante-t-elle, c’est qu’aujourd’hui c’est jour de fête. » Deux fois par an, le service organise une journée festive. Les deux danseurs tombent à pic. Les enfants et leurs parents s’amusent dans la grande salle d’attente jonchée de jouets. Les artistes lancent la musique, à peine perceptible dans le joyeux brouhaha. A l’avancée des deux danseurs, un petit garçon court intimidé vers sa maman : « je suis venue voir le pédiatre, explique-t-elle, et c’est la première fois que je vois quelque chose comme ça ici. » 

Sur un minuscule fauteuil bleu, une petite fille regarde attentive la chorégraphie. Son frère, Erwan, derrière elle, est tout aussi intrigué. « Encore » entend-t-on à la fin de la première virgule. « Qui veut m’offrir un geste ? » demande Brendan. Erwan accepte. Et Brendan lui offre une danse.  C’est ensuite au tour de Soujoud d’offrir une gracieuse pirouette, sous le regard très amusé de sa mère venue avec une amie. Nassim, plus timide, se gratte la tête. Damien se saisit du geste hésitant et propose à son tour une danse.  La rencontre se termine par une boum improvisée : personnel, enfants, parents, et jouets en plastique : tout le monde se met à bouger. 

Sortir du quotidien

A l’autre bout de la salle d’attente, Géraldine et Céline ont regardé les danseurs avec beaucoup de plaisir. « D’habitude, on attend, on gère les crises des enfants, ce n’est pas toujours facile, confie Géraldine. Là, je me sens détendue ! ». Emmanuelle, une autre maman, fondatrice d’une association pour les parents d’enfants souffrant d’un trouble du spectre autistique (Les Super TSA) a aimé : « Cela leur fait beaucoup de bien, ici, on vit des moments difficiles parfois. L’annonce du diagnostique par exemple est un moment douloureux pour les parents. » 

Il est temps de quitter les lieux pour les deux danseurs. C’est la fin de leur aventure Plaines Santé. « On est allé dans différents services, on a rencontré différentes personnes, des patients, des travailleurs de l’administration ou de la blanchisserie, et à chaque fois l’accueil était super. Ce type de dispositif est essentiel. », dit Damien en sortant. « Il y a toujours un petit vide quand ça se termine ». 

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Photographies: Gabriela Téllez

Des cartes postales en pagaille au foyer d’hébergement Léopold Bellan de Noyon

By | 2023/2024

Depuis octobre 2024, les artistes Louise Bronx et Martin Granger, de la compagnie Métalu A Chahuter, ont installé leur fabrique de cartes postales poétiques au Foyer d’hébergement -SAVS-SEAD de la Fondation Léopold Bellan à Noyon. Les résidents sont invités à créer des cartes postales pour les envoyer ensuite aux gens qu’ils aiment, ou à de parfaits inconnus. Une exposition se tiendra au Théâtre du Chevalet à Noyon, du 2 au 20 décembre 2024 afin de clore le projet.

Il est tout juste 14h, et Claudine attend le début de l’atelier. Martin, poète, musicien, s’installe à côté d’elle pour l’aider à rédiger un poème, selon la carte postale qu’elle a créée. Pour cela, Louise, artiste collagiste, leur ramène à chaque séance ses trésors de magazines à découper, et des cartes postales par dizaines. Ensemble, ils créent des images grâce à la technique du collage.

– Claudine, qu’est-ce qu’on peut dire de cette carte ?

– Y’a une dame – et des maisons.

– Plutôt des maisons de pauvres ou de riches ?

– De riches !

– Qui pourraient habiter dans ces maisons ?

– Des gens !

– Oui mais qui ?

– Je ne sais pas

– Et alors ce personnage au premier plan qu’est-ce qu’il fait ?

– Il danse !

Un peu plus loin, Louise range les magazines sur le rebord de la fenêtre, face au ginko plusieurs fois centenaire qui trône au milieu de la cour. « J’arrive, je vous rejoins tout de suite ! » Les participants arrivent au compte-goutte. Nous sommes vendredi après-midi, et certains sont encore au travail, à l’ESAT, situé à 2 kilomètres du foyer. En ce début d’après-midi pluvieux, seules les résidentes du foyer de vie sont au rendez-vous. Annie n’a manqué aucun atelier. « Tu vas choisir une autre carte Annie, quelque chose de plus simple pour qu’on puisse y ajouter deux personnages pour illustrer ce que pourraient être les retrouvailles avec ton frère ».  Louise prend la main d’Annie pour l’inviter à la table où a été disposée une pile de cartes postales.

Pendant ce temps, Martin et Claudine ont terminé le premier poème de l’après-midi. Martin le lit à voix haute. Tout le monde s’arrête pour écouter :

 

« Il y a des maisons de riches

Et c’est moi qui les habite

Pour fêter ça, je danse

En regardant les oiseaux »

De grands sourires accompagnent la lecture. C’est une approbation générale pour le haïku de Claudine.

« Le collage est une récréation »

Sur la table, des magazines sur divers sujets : automobiles, ski, mode, et aussi de vieilles encyclopédies illustrées. « On m’en offre, explique Louise. J’en achète aussi dans les Emmaüs, les ressourceries, les boîtes à livres. Le collage est une récréation. On peut créer ce que l’on veut. Je donne des idées parfois, je suggère des choses aussi mais ils me disent aussi quand ils n’aiment pas. C’est une cocréation entre les résidents et nous. L’important c’est de raconter une histoire. »

Patricia revient du travail. Elle travaille à l’ESAT de Noyon. Elle explique à Louise qu’elle a terminé son poste à midi et qu’elle a empaqueté des freins. Soudain, Martin s’exclame au loin : « cette femme va se transformer en moine anglo-saxon ». Tout le monde rit. Il est en train d’aider Claudine à réaliser un nouveau collage. Elle a besoin d’une figure féminine pour coller sur la carte qu’elle destine à son frère. « Tout est possible avec le collage ! »

Patricia se laisse tenter par l’atelier et décide de fabriquer une carte pour sa coiffeuse. « Elle aime bien couper. », précise-t-elle. « Ok, donc on cherche des petits ciseaux. », guide Louise. Patricia ne prend pas le temps d’enlever son anorak, ni son badge du travail. Elle se lance avec concentration dans la confection de sa carte.

« Je me sens utile, je sens que je leur fais du bien, explique Louise Bronx. Les résidents étaient en demande, ça leur fait du bien de pousser leur imagination. Si je pouvais, je ne ferais que ça ! »

Un camembert tout droit sorti des pies d’une vache

Tout est possible avec le collage, mais avec les mots aussi. C’est avec Annie désormais que Martin écrit un nouveau haïku. « Imagine que tu es en train de rêver et dans ton rêve il y a le camembert le, plus merveilleux. Comment est-il ? » aiguille l’artiste. « Il coule », répond Annie. « Il coule de la vache ! »

Pour Martin Granger, sa motivation est dans la rencontre : « On rencontre des gens, on voit du pays. C’est stimulant de faire de la poésie avec des gens qui ont peu de mots. Il y a de la bonne humeur, ça rigole. Parfois on doit mâcher le travail mais cela ne veut pas dire qu’il ne se passe pas quelque chose. Tout le monde a bien compris que la carte postale est un don que l’on fait à quelqu’un. Et ils ont voulu en envoyer à leurs familles et aux personnels du centre. Finalement on s’est éloigné de notre idée première qui était d’écrire à des inconnus, mais ce n’est pas grave.  On se marre bien ! On revient chez nous sur les rotules mais on vient en courant ! »

Interview

Est-ce que vous pouvez vous présenter et présenter la structure ? 

Je suis Yann Primault, je suis le directeur de l’établissement. Ici, on est dans un lieu de vie qui est géré par la Fondation Léopold Bellan, qui est au cœur de la ville de Noyon. C’est un lieu de vie qui accueille des adultes en situation de handicap : handicap mental et handicap psychique, et qui travaillent en milieu protégé.

Ils ne sont donc pas là en journée : ils partent le matin au travail à l’ESAT, qui est à 2 kilomètres d’ici. Ils reviennent le soir et ils sont là les week-ends. Certains habitant ici dans l’unité collective, d’autres habitent dans des appartements en centre-ville.

Par ailleurs, il y a d’autres personnes aussi qui ne travaillent plus, mais qui souhaitent continuer à habiter ici. Donc ils sont au foyer de vie où il y a des activités qui sont proposées en journée. Voilà, chacun a sa chambre, puis sa liberté, puis le niveau d’accompagnement qui correspond à ses besoins.

Qu’est-ce qui vous a motivé à postuler à Plaine Santé ? 

J’avais envie de faire entrer la culture au sein de l’établissement. C’est toujours bien de faire rentrer des gens extérieurs qui ne sont pas éducateurs, qui ne sont pas du métier. Ce sont d’autres regards, ce sont d’autres approches.

La culture, pour moi, c’est un ciment culturel. C’est un vrai support d’échange. On n’est plus la personne handicapée qui est accompagnée, on est tous des petits artistes à inventer, à faire de la poésie, donc je trouvais que c’était vraiment très intéressant. Et puis ce projet a été porté par certains professionnels ici, donc je l’ai vraiment soutenu. On a vraiment envie de pouvoir renouveler ce type d’expérience. 

C’est une première pour vous de faire venir des artistes dans l’établissement ? 

Personnellement, j’ai travaillé beaucoup dans des hôpitaux de jours, en psychiatrie, où on travaillait énormément avec des artistes. Théâtre, peinture, photographie. Le média culturel a toujours été un support de l’accompagnement et du soin.

Donc pour moi, c’était important de pouvoir le poursuivre ici. Et d’autant plus sur un lieu de vie. Et puis nous avions trouvé l’idée des cartes postales super. J’aimerais tellement recevoir d’un inconnu un poème, et encore plus un poème qui vient d’une structure qui accompagne des personnes en difficulté. Je trouve ça très réjouissant, très beau, et puis les poèmes et les collages sont très beaux.

C’est pour l’objet cartes postales que vous aviez choisi le duo Martin Granger et Louise Bronx ?

En fait, on ne savait pas trop, mais lors de la présentation, on a trouvé ça assez intéressant. Cette idée des poèmes, je trouvais ça vraiment très intéressant. Ils avaient expliqué que leur proposition était inspirée d’un poète dont le projet est d’envoyer un poème à chaque habitant de la terre.

Je trouve ça tellement beau ! Si on se consacrait tous un peu plus à ça, à faire des choses comme ça, complètement folles, mais hyper belles, je pense que le monde irait mieux. En plus, il y a cette idée où la culture vient dans l’établissement, ensuite la culture qui est créée ici repart, et elle refait du lien localement.

Elle va refaire du lien avec l’exposition notamment ? 

Exactement, l’exposition finale aura lieu au Chevalet, qui est la salle culturelle de Noyon, et après cela, les cartes postales seront envoyées.

Donc comme ça, tous les habitants, les partenaires, les familles, les résidents pourront venir voir les créations. Certains résidents qui ont fait des cartes postales préfèrent les envoyer à des gens qu’ils connaissent, à leurs familles, etc. Mais il me semble qu’il y aura aussi d’autres cartes postales qui seront envoyées comme ça, un peu… n’importe où.

Si vous deviez refaire Plaines Santé, aurez-vous envie de vous ouvrir à d’autres arts ?

Oui, oui, je n’ai pas d’idées arrêtées. Je trouve que le théâtre, ça serait aussi intéressant. La musique aussi ! La peinture… Je trouve que tout support est intéressant à partir du moment où c’est porté par un artiste. Il y a une sensibilité et des compétences propres aux artistes. Et je trouve que c’est une manière de valoriser les personnes qui sont ici.

Pour cette première participation, vous n’avez pas fait participer vos résidents au choix des artistes. Est-ce que c’est une chose que vous aimeriez faire évoluer ?

Oui, c’était une première, donc on a un peu tâtonné. Mais oui, ça a complètement vocation à ce que ce soit fait par les résidents. Par les éducateurs et les résidents, ensemble, qu’il y ait une vraie rencontre et que ce soit eux qui participent à ce choix.

Propos recueillis par Sidonie Hadoux

Photographies: Gabriela Téllez

Du théâtre documentaire pour réapprendre à parler de soi

By | 2023/2024

Vendredi 27 septembre 2024, le collectif l a c a v a l e et les usagers de l’association Ensemble Autrement étaient accueillis à la médiathèque du quartier Moulins à Lille pour la dernière représentation de la pièce Noires mines Samir, écrit et mis en scène par Antoine d’Heygere, et interprété par Adil Mekki.

 

Ensemble Autrement basée dans la métropole lilloise est une association qui travaille avec des personnes en situation de handicap psychique mais aussi en souffrance du handicap psychique. La structure travaille sur l’autonomisation dans la vie quotidienne et dans la vie sociale. Dans le cadre de Plaines Santé, elle a travaillé avec le collectif  l a c a v a l e . Retour en images et en sons sur la représentation du 27 septembre dernier.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

Marianne Maravilla , animatrice socio-culturelle pour Ensemble autrement

Pourquoi avez-vous voulu travailler avec le collectif l a c a v a l e dans le cadre de Plaines Santé ? Et comment s’est déroulé le projet ?

Nous étions intéressés par l’aspect documentaire de leur travail afin de travailler avec le public directement sur le vécu. Pour creuser la souffrance psychique, il faut essayer d’apprendre des choses sur soi. Or, la pièce Noires mines Samir raconte l’histoire d’une personne qui parle de son vécu, de ses difficultés : la drogue, l’alcool, l’acceptation de son homosexualité, la religion, tous des questionnements-là que notre public peut avoir.
On sait que ça peut amener à créer une discussion. Pour cela, nous avons pensé le projet en trois temps. Dans un premier temps, on voit le spectacle chez eux, en petit comité. Après le spectacle, le jour même, on goûte tous ensemble. On prend un goûter, un moment convivial où il y a des questions qui sont posées, parfois aussi des moments où chacun a besoin de raconter aussi son vécu.

La deuxième partie du projet consistait en un temps de rencontres dans lequel chacun doit réfléchir à une musique. Et de là, chacun raconte un souvenir avec et à travers cette chanson. On a appris encore une fois beaucoup de choses sur chacun de nos bénéficiaires.

Ensuite, il y avait cette représentation collective. Mais la dernière partie c’est manger un tiramisu tous ensemble, comme dit la fin du spectacle. Chaque habitat partagé, là où ils ont joué vont créer leur propre tiramisu. Et après, on va faire un concours du tiramisu où on goûte tous ensemble pour se dire au revoir.

Trois questions à Adil Mekki, comédien

Et qu’est-ce qui t’as plu quand tu as lu le script ?

Quand j’ai lu le texte, je me suis dit que c’était une histoire qu’on ne porte jamais sur les plateaux. Ce sont des corps qu’on ne voit jamais sur les plateaux. Ce sont des humains qu’on ne voit jamais sur les plateaux. Donc à partir de là, la question est simple : est-ce que c’est moi qui le porte ou pas ? Et oui, j’avais très envie de porter cette histoire-là, je trouvais que ça prenait sens au regard de mon histoire personnelle. Ce mec c’est à la fois mon père, mon grand-père, moi, je veux dire c’est le mec qu’on croise dans la rue, c’est tout le monde et personne à la fois et l’idée c’est d’en faire sur scène un héros tragique dans la mesure où des héros tragiques en fait on en a partout autour de nous, mais on ne les regarde plus parce qu’ils sont tous tragiques maintenant.

C’est toujours l’espoir qui guide ses pas, sa réflexion, ses envies et sa pulsion de vie. Il est animé par l’idée que l’amour existe, que l’amitié c’est fort et que le bonheur c’est ce qu’il faut aller toucher. Et il dit souvent « je voudrais bien être heureux » mais il est toujours confronté à des démons qu’il s’invente, qu’il se crée, qui sont l’autodétermination. Donc c’est un retour au fatum en fait, fatalement on est pleinement dans la tragédie grecque mais avec un personnage on ne peut plus contemporain.

Qu’est-ce que ça t’a fait de le jouer dans le cadre de Plaines Santé, de le montrer à des personnes qui souffrent peut-être de la même maladie que Samir ?

Le dispositif Plaines Santé est apparu comme assez évident pour ce spectacle. C’était la première fois que je me confrontais à un rôle de cette nature, c’est-à-dire une personne souffrant de troubles psychiques, mais ça n’a jamais été une donnée dans le travail aussi.

Dans le travail, dans le processus de création, à aucun moment on s’est posé la question de l’impact de ces troubles-là sur l’addiction ou le corps. C’était vraiment des indications de jeu comme on aurait pu dire d’un Roméo, d’une Juliette. Il n’a jamais été question de l’impact de la maladie dans le corps et dans la voix. Aussi, pour moi jouer devant des personnes qui connaissent ce parcours plus ou moins de loin me paraît comme nécessaire pour dire : « on vous voit, en tout cas moi, je vous vois, je vous sais et je suis là avec vous. »

C’était la dernière représentation dans le cadre de Plaines Santé aujourd’hui. Il y a eu beaucoup d’émotions. Tu les as remerciés pour ces rencontres intenses. Est-ce que tu aurais quelque chose qui t’a marqué particulièrement, que tu aurais envie de nous partager ?

L’association Ensemble Autrement a été une vraie rencontre. Je suis très content d’avoir fait la rencontre de ces femmes qui portent haut des valeurs d’humanisme. Je suis très content d’avoir rencontré ce pan de la société aussi, et je parle des personnes qui s’occupent des personnes qui souffrent. Le social ça existe, c’est fort, c’est beau, c’est une vraie leçon d’humilité. Je crois que dans chaque parcours d’humain on devrait passer par ça, et c’est très important. Et puis après, moi ça m’a donné envie de m’engager encore plus. Je le suis déjà dans mon artisanat, mais de l’être plus au jour le jour. L’engagement existe aussi dans la vie de tous les jours, et c’est ce que font ces femmes.

Les oiseaux swinguent à l’EPSM de la Somme

By | 2023/2024

Jeudi 12 septembre 2024, le trio vocal The Swing Birds étaient à l’EPSM de la Somme pour une journée d’impromptus dans le cadre de Plaines Santé. Chorale minute et siestes sonores étaient au rendez-vous.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux

« Personnellement j’ai beaucoup pleuré, raconte Eva sous l’œil bienveillant et amusé de ses comparses. L’autre jour, lors de nos passages en chambre, j’ai discuté avec Monique, qui m’a parlé de son chemin et des raisons de sa présence ici. C’était un échange très précieux. Par le chant, j’ai eu l’impression de lui donner un peu de bonheur. Elle s’est souvenue d’une chanson. Elle ne savait plus pourquoi elle la connaissait et où elle l’avait apprise mais elle s’est réjouit que sa mémoire fonctionne encore ! »

La chanson dont se souvient Monique est celle de Charles Aznavour, Formi-formidable. Eva Gentili, Perle Solvès et Alice Fraiche Pech, les trois chanteuses la reprennent en harmonie devant le public de l’unité de psycho-gériatrie de l’EPSM. Une chorale minute se dessine ensuite avec une autre chanson.

« L’idée était de proposer différentes choses selon les publics, explique Alice Fraiche Pech. Un instant en tête à tête, en chambre, pour un vrai échange. J’avais aussi très envie de mêler les patients et les soignants en proposant des siestes sonores. Enfin, nous proposons un atelier où nous créons ensemble sous la forme d’une chorale minute ».

Après la pause déjeuner, le trio se rend dans un autre établissement de l’EPSM, l’hôpital de jour pour adolescents. Cette fois, c’est une sieste sonore qui attend les patients et le personnel, ravit de se voir offrir cette pause bien méritée.

Pierre-Antoine Joliveau, infirmier cadre santé, responsable de 3 unités auprès d’adolescents à l’EPSM de la Somme :

« Faire venir des artistes au sein de l’établissement crée de la surprise pour des jeunes qui rencontrent des difficultés dans leur quotidien, dans leurs familles d’accueil, ou dans leurs foyers. Parfois le seul accès à la culture qu’ils ont passe par la télévision. Or, c’est face à l’inattendu, qu’on repère leurs capacité d’adaptation. Les jeunes ont pris plaisirs, chacun à leur façon car ils ont des troubles différents. Certains n’ont pas été en capacité de s’allonger mais ils étaient présents pendant que d‘autres étaient dans l’exercice à 100%. Et pour le personnel, c’était un moment de détente et de plaisir aussi. Un professionnel qui prend plaisir, accompagne un peu plus facilement les jeunes. »

La Rose de Picardie s’ouvre aux haïkus dansés de la compagnie Tourne au Sol

By | 2023/2024

Dans le cadre de Plaines Santé, la compagnie Tourne au Sol a été accueillie par les Hôpitaux d’Albert et Corbie, en Picardie. Le 25 septembre 2024, quatre artistes de la compagnie,  Paul, Madeline, Eugénie, et Félix – étaient présents au sein de la résidence Rose de Picardie pour proposer une déambulation poétique aux résidents et résidentes de l’établissement. Les Centres Hospitaliers d’Albert et de Corbie sont en Direction commune depuis septembre 2017, deux hôpitaux de proximité labellisés, deux hôpitaux appartenant au GHT Somme Littoral Sud. Ils ont tous deux la particularité de compter un versant sanitaire et un versant médico-social.

– Est-ce que tout le monde est là où on attend encore du monde ? demande Paul

– C’est bon, on peut y aller.

« Bonjour à toutes et tous, nous allons commencer la promenade, mais pour cela, je vous invite à vous déplacer. Suivez-nous. », lance Paul à la petite équipe de résidents et résidentes assis dans le hall d’entrée. Quelques minutes sont nécessaires à la troupe pour rejoindre le point de départ de la balade, à quelques mètres de là, au fond du couloir.

– Claudette tu peux reculer ? Je vais installer Anne-Marie à côté de toi, demande une éducatrice.

Face au salon de coiffure, les personnes regardent avec curiosité les artistes. La fontaine décorative offre ses petits bruits de clapotis en fond sonore.

Les quatre artistes se présentent : Félix, Eugénie, Madeline et Paul. Avant de commencer l’impromptu, ils expliquent leur proposition : une déambulation sonore, dansée et poétique dans le couloir de la résidence.  « J’aime bien dire que nous laissons penser nos corps », explique Paul, après avoir présenté les haïkus, de courts poèmes japonais que les 4 artistes s’apprêtent à interpréter avec leurs corps.

« Lucioles, lucioles »

Alors que la petite troupe se dirige vers le couloir pour entamer la balade, un résident sort de sa chambre, mine patibulaire, mais néanmoins intriguée par ce qui est en train de se passer. Sans un mot, il fait des petits pas saccadés pour faire avancer sa chaise roulante, sans avoir à trop forcer sur ses bras. Il suit le cortège sans trop de difficulté. Le rythme est lent, indolent comme un serpent endormi. Il passe devant la chambre 54, celle de Pierre, imperturbable quant à lui devant sa télévision. Derrière sa porte, Eugénie danse le haïku sur les mains.

En tournant à droite au fond du couloir, on retrouve le groupe qui s’est arrêté. Paul vient de sortir un papier de sa chaussette où il est y est inscrit un second haïku.

« Sous le divin nez du divin Bouddha »

– Pouvez-vous me donner un chiffre entre 1 et 6 ?

– 6 !

« Sous le divin nez du divin Bouddha pend une morve de glace » répète Eugénie plusieurs fois.

D’autres haïkus suivent.

Les corps des artistes bougent au milieu du public. Puis Paul agite ses quilles de jonglage en se dirigeant vers le hall. Il invite ainsi le groupe à continuer la promenade. Dans le hall d’abord, puis dans le réfectoire. Il est bientôt l’heure du déjeuner et les bruits des charriots du personnel de cuisine accompagnent les pas de Madeline qui cueille des fleurs imaginaires. Les verres titillent au loin. « Où sont les sets de table ? », demande une voix grave dans la cuisine.

Le groupe se réunit au centre de la salle à manger. A l’angle du mur de la cuisine, les cuisinières s’agglutinent discrètement, curieuses. Imperturbable, une résidente tricote sur une chaise sans même lever son regard.  Sur une autre table, un monsieur lit son journal en lançant des regards curieux de temps en temps tout en restant absorbé par la lecture des actualités locales. 

Les artistes se placent aux quatre coins du groupe et le dernier haïku est récité en canon. L’effet est réussi. Les résidents oublient pour quelques instants leurs estomacs qui gargouillent, enveloppés dans une sensation étrange créée par les voix des artistes et les mots qui s’entrechoquent. Puis, le mouvement revient, encore une fois, une dernière fois. Félix et Paul jonglent entre les résidents. Madeline déambulent en dansant pendant qu’Eugénie tient debout sur ses mains. Les regards des membres du public sont attentifs, amusés parfois, circonspects pour d’autres. La musique s’arrête. Les mains applaudissent. Les bouchent sourient et remercient.

« C’était bien, beaucoup de souplesse ! réagit Jean-Pierre. Quand j’étais jeune, je savais aussi marcher sur les mains. » Gisèle quant à elle est stupéfaite : « C’est incroyable que l’on pense encore à nous comme ça ! »

« La poésie me touche beaucoup de manière générale. Le fait d’avoir un travail à la fois corporel et vocal sur de la poésie m’intéressait particulièrement », réagit Eugénie à la fin de l’impromptu. « Le format balade était aussi intéressant pour créer la rencontre, mettre tous les corps en mouvement et ne pas être en spectacle fixe. »

Pour Félix, ancien orthopédiste, Plaines Santé lui permet de faire le lien entre son ancienne et sa nouvelle activité : « J’aime proposer de la proximité et du contact avec des personnes en milieu hospitalier », précise-t-il. 

« Au flanc d’une montagne, je me suis raccrochée »

By | 2023/2024

Le mardi 1 er octobre 2024, les résidents et résidentes de la Maison d’accueil spécialisé (MAS) de Oignies accueillaient Le Théâtre de l’autre côté, en la personne de sa metteuse en scène et comédienne, Valérie Fernandez, et de son compositeur Ignacio Plaza.

Adrien, Jérémy, Pascal, Djénat, Nicolas, Kelly, Luc et Dorothée sont installés dans la salle d’activité de l’établissement. C’est la quatrième fois que la compagnie vient leur rendre visite dans le cadre du dispositif Plaines Santé.

Ignacio Plaza et Valérie Fernandez s’installent en demi- cercle. « Au flanc d’une montagne, je me suis raccrochée » entame en chantant la comédienne. Les deux artistes vont interpréter leur spectacle Le dernier mot, inspiré du conte de Jean-Claude Carrière qui s’appelle Le Marchand de mots.

Installée dans son fauteuil adapté, Kelly semble apprécier le bruit de la clarinette. Elle sourit et joue avec la main de Dorothée, la psychomotricienne du lieu. Sa main virevolte en rythme. Adrien aussi réagit en poussant quelques cris, et à sa droite, Jérémy sourit à l’écoute des mots « coussin » et « yaourt ». Tout proche de la comédienne, Nicolas a la tête posée dans ses bras. Il ne regarde pas, mais soudain, il agite sa main et la maracas qu’elle détient.

Interview de Dorothée Gillet, psychomotricienne et référente culture à la Maison d’Accueil Spécialisé (MAS) de Oignies

Comment avez-vous travaillé avec la compagnie Le Théâtre de l’autre côté ?

Valérie, metteuse en scène et comédienne de la compagnie nous a suggéré de faire des petits groupes dans les différentes maisonnées. Elle ne voulait pas des groupes trop nombreux. Comme le spectacle tourne autour d’un conte et une recherche sur la sonorité des mots, nous avons un peu listé avec Séverine, l’animatrice socio-éducative de l’établissement, les personnes qui étaient sensibles au son. Par exemple Kelly, Nicolas, Adrien, tous ceux qui aiment bien les petits chuchotements, les petits bruits.

Est-ce qu’il y a eu des réactions ?

On voit qu’il y a des réactions comme des sourires, le regard attentif et des mouvements volontaires, effectivement avec les sons des instruments de musique et des petits objets sensoriels qu’elle amène. Je vois qu’ils sont sensibles, ils réagissent donc ça correspond bien à certaines personnes.

Cela se passe d’habitude dans leurs lieux de vies. C’était la première fois en salle de vie dans les maisonnées. Est-ce que cela a changé la réception des résidents et résidentes ?

Les bruits sont un peu plus ronds à cause du haut plafond. C’est peut-être aussi plus chaleureux et donc convivial. Le seul inconvénient, c’est qu’il y a du passage, le bruit des verres et de la vaisselle. Il faut bien choisir ses créneaux, mais ça s’est finalement très bien passé.

ITW de Valérie Fernandez, responsable artistique de la compagnie Le Théâtre de l’Autre Côté, metteuse en scène et comédienne.

Quel projet présentez-vous pour Plaines Santé ?
On a monté tout un projet autour d’un conte de Jean-Claude Carrière qui s’appelle Le Marchand de mots et autour duquel on développe des rencontres, des capsules de mots et un spectacle qui s’appelle Le Dernier Mot.

Autour de ce spectacle, on propose aux gens de partir en cérémonie pour devenir eux-mêmes des marchands de mots. C’est un voyage pour découvrir le conte et aussi un moment qu’on appelle nous, sophrologie, dans lequel ils vont partir au pays de leur monde intérieur pour trouver leurs mots-talisman. Ensemble, nous mettons en valeur la force du mot en lui-même, une force performative, comme si le mot était vraiment une formule magique qui permet d’accéder à soi et de partir à la rencontre du monde aussi puisqu’on parle beaucoup du plurilinguisme.

Pourquoi avez-vous choisi cette création pour Plaines Santé ?

C’est un spectacle prévu pour être en intergénérationnel idéalement., donc ça peut-être en EPHAD. Au niveau de la scénographie, il n’est pas prévu spécialement pour être joué dans des milieux plus médicalisés. Mais dans ces cas, on fait plutôt ce qu’on appelle des explorations collectives.

Dans le cadre particulier de Plaines Santé, j’avais envie d’en profiter pour explorer la partie vraiment musicale et résonante de la voix par rapport aux mots. On n’est pas venu pour enregistrer spécialement une capsule de mots, mais plutôt pour aller plus loin dans l’exploration improvisée, l’exploration vocale des mots.

Vous dîtes que vous vous adaptez au groupe, que c’est un peu différent à chaque fois. Aujourd’hui, à quelle forme avons-nous assisté ?

Aujourd’hui, je suis avec Ignacio Plaza, qui a composé la bande-son du spectacle. Je suis venue aussi sur quelques séances avec Sarah Tullamore, qui est l’interprète et chanteuse. J’avais envie d’en profiter pour faire comme un petit chantier d’exploration et voir ce qui se passe quand on rencontre des personnes qui ont des déficiences cognitives, et comment venir les rencontrer sur le terrain de la sensorialité et de la vibration.

Et donc, qu’est-ce qui se passe justement ? Qu’avez-vous trouvé ?
C’est surprenant de voir tout ce qui peut passer en un regard, en une sensation. On arrive assez vite à choper les personnalités des usagers ici. C’est juste quand on propose un mot, on se dit « ah bah oui, je vois ton caractère, ça pose cette couleur ». Finalement, au-delà du handicap, qui est très différent à chaque fois, il y a des personnalités.

C’est ça que j’en retiendrai, c’est qu’au final, il y a un temps d’adaptation pour nous parce qu’on n’est pas sur les mêmes facilités de communication, et donc il y a un temps d’apprivoisement, on tâtonne un peu, et puis on avance avec une proposition qu’on ne fait pas du tout comme on avait dit qu’on ferait au début. Et puis parfois si, comme aujourd’hui, on s’était vraiment dit qu’on les amenerait sur le terrain du conte, en mode spectacle avec des interactions avec eux.

Trois questions à Boris Oudelet, directeur du pôle Hébergement et Vie Sociale de l’ AEI, basée à Tergnier

By | 2023/2024

Clémentine Vanlerberghe, danseuse et chorégraphe, et Fanny Wilhelmine Derrier Mbaye, artiste vidéaste et collagiste interviennent auprès des résidents depuis plusieurs jours. Elles viennent le vendredi, quand les résidents terminent leur semaine de travail. Ensemble, ils réalisent des collages et des vidéos sur le thème des émotions. Cette thématique répond à la pièce Gratia lacrimarum, de la compagnie. « J’aime appeler ça une performance augmentée, raconte Fanny. Nous venons avec la pièce mais nous l’enrichissons avec les productions des résidents ».

Ce jour-là, Florence, Amélie, Thierry et les autres sont heureux de réaliser les collages sur la tristesse et la joie. Entre deux découpes, ils rejoignent Clémentine pour des brèves chorégraphies improvisées…devant la caméra !

Fin septembre, Clémentine et Fanny ont présenté la pièce revisitée devant l’ensemble des résidents.
Vous pouvez la visualiser en cliquant sur ce lien:

Pour commencer, pouvez-vous présenter l’AEI, association pour l’Aide aux Enfants Inadaptés ?

L’association a été fondée par des cheminots en 1964. Aujourd’hui, elle se compose de trois pôles. Le pôle enfance est spécialisé pour les enfants souffrant de différents troubles, de handicaps, intellectuels notamment. Ensuite, il y a un pôle travail protégé, anciennement CAT, aujourd’hui ESAT, qui accueille 223 travailleurs handicapés. Et le pôle que je dirige, le pôle hébergement et vie sociale, dispose de deux structures d’hébergement, ouvertes toute l’année, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et d’un service d’accompagnement à la vie sociale, qui accompagne à peu près à l’année entre 80 et 90 personnes qui, elles, sont en situation de grande autonomie et vivent dans leur domicile. Des professionnels de type éducateurs spécialisés les accompagnent selon les besoins et les demandes. 

C’est la première fois que vous participez à Plaines Santé, qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce dispositif ?

Alors, deux choses. Il y a bien sûr le côté ouverture sur le monde de la culture. Au quotidien, nous travaillons beaucoup avec les centres culturels locaux, les centres sociaux, etc. On essaie que nos établissements soient ouverts sur l’extérieur et que nos résidents puissent accéder à la culture.

Deuxièmement, il y a un paramètre qui est important à souligner : c’est la question de l’argent. Aujourd’hui, nous sommes financés par le département. Ils prennent en charge les salaires, les frais de gestion, les charges courantes. En revanche, tout ce qui traite à la culture, c’est plus compliqué : c’est à nous d’aller chercher différents modes de subvention et de financement. Le dossier pour candidater à Plaines Santé était relativement léger à monter. Cela nous a permis de postuler en un quart d’heure, puis d’être sélectionnés avec une subvention à hauteur de 15 000 euros.  Même si elle est directement distribuée aux artistes, cela nous permet d’avoir 15 demi-journées d’impromptus sans à avoir à débourser un centime. J’insiste mais sans ces dispositifs, on ne pourrait pas offrir à nos résidents ce type de prestations. 

Boris Oudelet

Qu’est-ce qui est intéressant dans le fait que les artistes viennent dans vos murs ? 

Les politiques publiques nous enjoignent à faire ce qu’on appelle de l’inclusion. C’est-à-dire, à encourager nos résidents à sortir hors les murs. Ce qu’on fait tous depuis longtemps. De plus, il y a une liberté de circulation totale, puisque ce sont des adultes. Même s’ils sont en situation de handicap, ils ont les mêmes droits que vous et moi. Sortir dans la cité, c’est important. Et nous en faisons fait la promotion tous les jours. 

En revanche, je trouve ça tout aussi intéressant que ce soit l’extérieur qui vienne à nous pour découvrir comment les gens vivent ici. Quel est le quotidien quand on présente un handicap intellectuel et qu’on vit en établissement ? On s’aperçoit vite que c’est de l’habitat collectif, comme on en trouve dans d’autres quartiers de la ville. Cela permet de combattre certaines représentations ou stigmatisations. Nous sommes très heureux d’accueillir chez nous des personnes de l’extérieur.

Plaines Santé présente aussi cet intérêt-là : il y a des artistes qui vont désormais se soucier de comment vivent les gens, dans quelles conditions, et qu’est-ce qu’y est fait en structure d’hébergement pour adultes.

Découper, coller et danser ses émotions à la résidence Le Cèdre de Quessy

By | 2023/2024

Vendredi 19 juillet 2024, la compagnie cats&snails était à Quessy dans l’Aisne pour intervenir auprès des résidents du pôle hébergement et vie sociale de l’AEI. Retour en sons et en images sur cet après-midi animé, entre découpages, collages et d’expression corporelle.

Retours en images et en sons avec le diaporama sonore réalisé par Gabriela Téllez et Sidonie Hadoux